La houle polaire à La Réunion

Anticiper les phénomènes dangereux, pour éviter tout accident

8 avril 2008, par Sophie Périabe

Le 31 décembre dernier, le Conseil Général des ponts et des chaussées a remis au Ministère de l’écologie un rapport relatif à la houle polaire à La Réunion.

Rappelez-vous de cet épisode de forte houle qui avait touché les côtes sud et ouest de La Réunion entre le 12 et 14 mai 2007. Il s’agissait de la houle australe, qu’on rencontre en moyenne 17 fois par an à La Réunion, avec une occurrence plus forte au cours de l’hiver, de juin à septembre. Le 12 mai 2007, l’épisode faisait deux victimes à proximité du port de St Pierre et occasionnait des dégâts dans les ports de St Pierre, St Gilles et St Leu. Cette houle avait également atteint l’Ile Maurice, où il y a eu des victimes.
L’épisode précédent le plus important avait eu lieu le 23 septembre 2006, des vagues de 8,6 m ayant déjà causé des dégâts à St Pierre.

Lors de ce phénomène de forte houle, trois bulletins d’alerte avaient été diffusés aux services de l’État et aux médias, pour l’information au grand public.
Le premier, n°20, (11 mai à 10h00 locales) prévoyait l’arrivée, en matinée du 12 mai, d’une forte houle de sud-ouest, d’abord modérée (de 2,5 à 3,0 m) puis s’intensifiant (4,0 m) en journée du 13 mai.
Le second, n°21, (12 mai à 21h30) rectifiait le précédent, intensifiant la houle prévue (4,0 à 5,0m) jusqu’en fin de journée du 13 mai, puis prévoyant une atténuation (3,0 à 4,0m) en journée du 14 mai.
Le dernier bulletin, n°22, (13 mai à 15h30) modifiant le second, indiquant une forte houle (4,0 à 5,0 m) en fin de journée du 13 mai, s’atténuant (3,0 à 4,0m) le 14, redevenant grande (4,0 à 5,0m) dans la nuit du 14 au 15, pour s’atténuer ensuite dans la journée du 15.
Tous ces bulletins précisent qu’on peut observer des vagues deux fois plus hautes que la moyenne.
Les analyses (bases pour les prévisions) réalisées par les modèles CEP et ARP, compilées après l’événement sont conformes à la séquence ci-dessus. Le modèle du CEP “voit” le maximum entre 21h00 locales le 12 mai et 03h00 locales le 13 mai, mais avec une hauteur significative de 5,5 m. Le modèle ARP “voit” le maximum aux mêmes heures, mais avec une hauteur significative de 4,5m seulement.
Mais ces modèles étaient apparemment en désaccord le 11 mai pour ce qui concerne la prévision pour le 12 mai. Le prévisionniste a donc fait un choix qui l’a amené au bulletin n°20, dont il faut bien admettre qu’il a sous estimé l’importance du front de houle. C’est le bulletin n°21 qui a rectifié le tir, sur la base de données du houlographe de St Pierre. Il est plus conforme à la chronologie observée ensuite, mais tardif par rapport au paroxysme du phénomène. Le bulletin n°23 a, lui, été plus pessimiste que la réalité. Cependant, il faut noter que l’ensemble de l’information pour les usagers et le public mettait en évidence la possibilité de vagues supérieures à 6,0m, avec des pointes de 8,0 à 10,0 m sur l’ensemble de la période du 12 au 14, donc une incitation à la prudence.

L’importance de la collecte des données en temps réel

Cet épisode, outre le besoin d’améliorer les outils de prévision, montre l’importance de disposer de données d’observation in situ et en temps réel, seules capables de permettre au prévisionniste de confirmer ou d’infirmer des bulletins concernant un tel phénomène qui n’est actuellement pas observable en direct par satellite. Cette capacité est fondamentale en période d’alerte, pour confirmer ou infirmer les tendances prévues.
Aujourd’hui, le houlographe de St Pierre n’est interrogeable que manuellement toutes les heures, aux termes d’une convention entre Météo France et la Commune de St Pierre, la DDE se chargeant de sa maintenance.
La collecte en temps réel des données des houlographes et des marégraphes (pour les marées de tempêtes et les tsunamis) est donc une action à entreprendre rapidement par les services de l’État et leurs partenaires, d’autant plus que le plan “événements météorologiques dangereux”, rendra indispensable un suivi fin des épisodes.
Il est également intéressant de constater que les vagues géantes qui ont atteint La Réunion le 12 mai 2007 ont pu être suivies a posteriori avec les mesures du satellite européen Envisat à partir de leur formation, le 8 mai, c’est-à-dire quatre jours auparavant.
Ce travail a été effectué à l’aide des produits standards de l’Agence spatiale européenne et rendu public le 17 mai 2007 quelques jours seulement après l’événement.
Le problème de ces mesures est que Envisat est un satellite expérimental pour lequel aucune suite n’a été prévue, d’où les réticences compréhensibles des services opérationnels à les utiliser.
Leur utilisation n’aurait peut-être pas apporté beaucoup à la prévision de l’événement. Par contre, la prévision erronée du second épisode de houle aurait pu être évitée.

Ce rapport présenté par des ingénieurs généraux des Ponts et Chaussées concluent qu’une mobilisation accrue de Météo-France serait nécessaire pour améliorer les outils de prévision en particulier pour que les informations utiles soient communiquées aux autorités avec suffisamment de précision et d’anticipation par rapport à l’événement attendu. Dans cet objectif, collecter en temps réel les données des houlographes installés à La Réunion permettrait de disposer d’un suivi fin des événements.
D’autre part, une collaboration entre Météo-France et les services de recherche travaillant sur l’observation spatiale de la houle permettrait de croiser les résultats.
Le plan EMD (Événements Météorologiques Dangereux) approuvé en 2007 permet maintenant aux autorités publiques d’être organisées au regard de tels évènements. Mais il est aussi essentiel de définir les adaptations éventuelles à apporter à ce plan afin de tenir compte du fait que la gestion de l’ensemble des routes nationales est prise en charge par la Région depuis le 1er janvier 2008.

SP
(Avec le rapport n° 005222-01 décembre 2007 du Conseil Général des ponts et des chaussées)


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