L’eau coupée 7 heures par jour pendant des semaines à Salazie, une des régions les plus arrosées de La Réunion

180 litres d’eau potable par jour et par habitant : La Réunion va droit dans le mur

16 septembre, par Manuel Marchal

La crise climatique réduit la disponibilité d’une ressource essentielle à la vie. Pourtant à La Réunion, l’eau continue d’être gaspillée au rythme de 180 litres d’eau potable par jour et par personne, soit l’équivalent de 9 bidons de 20 kilos d’eau pour satisfaire les besoins journaliers d’une personne. Avec les fuites dans les tuyaux, le système importé produit 250 litres d’eau potable par jour pour satisfaire aux besoins d’une personne.
Pourtant, 2 litres d’eau potable par jour suffisent. Le complément peut être apporté par la récupération de l’eau de pluie notamment. Mais le retour à la sobriété ne fera pas les affaires des sociétés, notamment françaises, qui contrôlent la production d’eau potable et le traitement de l’eau potable qui a servi à évacuer les déchets notamment.
La crise est pourtant déjà là. Depuis vendredi, l’eau est coupée 7 heures par jours à Salazie par manque de ressource, alors que cette région est une des plus arrosées de l’île. Il importe de remettre en cause ce système importé au plus vite avant que naissent des conflits entre les différents usagers de l’eau.

À La Réunion, l’Est de l’île était traditionnellement le château d’eau du pays. Des pluies très fréquentes et abondantes étaient la norme, en particulier en altitude. Mais depuis ce 13 septembre, la société française distribuant l’eau à Salazie annonce des coupures d’eau quotidiennes et pour plusieurs semaines : entre 22 heures et 5 heures du matin, soit 7 heures par jour. En dehors des coupures, le débit habituel ne sera pas garanti. Salazie est pourtant historiquement une des zones les plus arrosées du pays.
Mais au cours de ces dernières années, le climat a changé à La Réunion. La sécheresse s’est installée et l’Est de l’île ne reçoit plus autant d’eau de pluie qu’avant.
Pendant ce temps, la population de La Réunion continue d’augmenter, et la consommation en eau suit la même tendance. Cela est favorisé par l’importation à La Réunion du système français de distribution et d’assainissement de l’eau. Cette importation est source d’importants profits pour les sociétés, notamment françaises, qui se partagent ce qui est considéré comme un marché.
En quelques décennies, La Réunion est passée d’un modèle de sobriété à un modèle de gaspillage de l’eau, ressource pourtant essentielle à la vie.

Conséquence de l’importation du système français

Conséquence de l’importation du système français : l’eau potable n’est plus utilisée uniquement pour boire, elle sert à tous les usages : évacuation des excréments, nettoyage des sols, lavage des voitures, arrosage des jardins, nettoyage des cours et des trottoirs, remplissage des piscines… Avant d’arriver au robinet, l’eau est rendue potable dans une usine. Entre l’usine et le robinet, ce sont souvent plusieurs kilomètres de tuyaux. Au moins 30 % de l’eau se perd dans ces tuyaux. Si cela se passait dans un pays voisin de La Réunion, certains n’hésiteraient pas à parler de branchements pirates ou de détournement de l’eau. Mais la réalité est la suivante : un tel réseau est difficile à entretenir, et les fuites compliquées à colmater. L’eau perdue dans les tuyaux est malgré tout facturée aux consommateurs. Le consommateur paie donc l’eau potable mais aussi le traitement de cette eau potable qui n’a servi qu’une fois. Il finance les stations d’épuration qui filtrent les eaux utilisées avant de les rejeter à la mer.
L’importation du système français a conduit à l’installation de plusieurs points d’eau potable dans une maison ou appartement, y compris dans des jardins ou des cours d’immeuble. Cette facilité d’utilisation ouvre la porte à tous les gaspillages. Et cela d’autant plus qu’à La Réunion, le climat est plus chaud qu’en France. Le système importé génère donc mécaniquement une consommation plus importante que dans son pays d’origine.

L’équivalent de 36 bidons de 20 kilos d’eau tous les jours pour une famille de 4 personnes

En moyenne, la consommation quotidienne à La Réunion est estimée à 180 litres d’eau potable par personne. En tenant compte de la perte dans les tuyaux, les besoins créés par le système importé amènent à produire environ 250 litres d’eau potable par jour et par personne. C’est sans doute un record en Afrique. Il faut imaginer que ces 180 litres d’eau représentent 9 bidons de 20 kilos d’eau pour une personne tous les jours. Pour une famille de 4 personnes, ce serait 36 bidons de 20 kilos qu’il faudrait porter tous les jours. Ceci donne une idée de l’ampleur du gaspillage.
En effet, les besoins journaliers pour un être humain sont estimés à 2 litres par personnes. Les 178 autres litres sont donc du gaspillage. Mais c’est ce gaspillage qui est le fonds de commerce des entreprises, notamment françaises, qui contrôlent la distribution et le traitement de l’eau à La Réunion.

Possible d’agir avant la naissance de conflits entre usagers

La Réunion est pourtant un des pays qui est propriétaire de records du monde de pluviométrie. Mais l’eau gratuite tombée du ciel ruisselle sur les parkings, les routes et n’est quasiment pas récupérée.
L’eau de pluie peut pourtant servir à tous les usages sauf la boisson. Elle peut aussi être utilisée pour la cuisine à condition d’être bouillie.
Aux Comores, l’eau qui ruisselle sur les toits est stockée dans une citerne sous la maison. Ainsi, il suffit de soulever un couvercle dans le sol pour disposer gratuitement de l’eau nécessaire à tout sauf à la boisson. C’est comme un puits juste sous la maison.
A l’échelle de notre pays, la construction de retenue collinaires en altitude est une solution proposée de longue date par le PCR. Ce sont des volumes considérables d’eau gratuite qui pourront ainsi être utilisés pour l’agriculture et tous les autres usages sauf la boisson. Cette eau ne constituera pas une ponction sur la ressource actuelle, ce sera du bonus.
Ces deux exemples nécessitent des investissements bien inférieurs aux plus de 500 millions d’euros que devront verser les contribuables de La Réunion et d’autres pays en quelques années aux sociétés exploitant les réseaux d’eau pour construire de nouvelles usines de potabilisation et stations d’épuration, réhabiliter les anciennes et les tuyaux d’eau percés. Ils montrent qu’il est possible de remettre en cause le système importé. Le risque de conflits entre les usagers d’une ressource devenue plus rare amène à agir.

M.M.

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Messages

  • il est vrai que, depuis une bonne dizaine d’années, nous ne pouvons plus considérer l’au comme un produit inépuisable, abondant et bon marché. l’augmentation de la population ne va arranger cela. le chiffre de 180 litre par jour et par habitant,n’est qu’un moyenne , qui ne veut pas dire grand chose. Un agriculteur utilisera ,légitimement plus d’eau qu’un personne qui vit en appartement.
    mais l’ EAU est un besoin vital, peux être plus que la nourriture. Alors que faire ?
    Au niveau économique et social, la production d’eau ne doit pas être soumise aux lois des marchés Elle doit être vendu ,au prix coutant, voire gratuite jusqu’à un certain volume ( il faut éviter le gaspillage).
    les autorités doivent prendre des mesures pour réparer les fuites, prendre des mesures en faveur des économies d’eau ; ;réduire certains arrosages publics. Mettre en place des dispositifs pour récupérer l’eau de pluie, à plusieurs échelons
    les industriels ont aussi un effort à faire dans la consommation d’eau
    mais chaque particulier doit aussi, des efforts ; m^me anodins . ne pas laisser les robinets ouverts , arroser , ,éventuellement son jardin,,avec son caoutchou , et pas laisser un tourniquet longtemps. Une machine à laver la vaisselle, bien utilisé, permet de moins consommé d’eau que le lavage à main donc me mettre en marche que des machines pleines . ce n’est que quelques exemples .Mais le phénomène est mondial . Plus prés de nous, chacun a entendu la situation dans le sud malgache