Menace sur la maîtrise du foncier

Bientôt des terrains hors de prix pour les communes ?

10 novembre 2009, par Edith Poulbassia

Une proposition de loi menace le droit de préemption des communes pour l’achat de terrains. Les communes seraient contraintes d’accepter le prix fixé par le propriétaire en l’absence de projets d’aménagement. L’EPFR (Etablissement Public Foncier de La Réunion) craint une répercussion sur la constitution des réserves foncières et la construction de logements sociaux.

Une proposition de loi inquiète l’Etablissement Public Foncier de La Réunion. M. Warsmann, député UMP, a proposé au Parlement de réformer le droit de préemption dont dispose les collectivités locales pour les projets d’urbanisme.
Ce droit de préemption permet aux communes d’être prioritaires pour l’achat de certains terrains privés. Ainsi, lorsqu’un droit de préemption existe, le propriétaire doit exprimer son intention de vendre d’abord à la commune via une « déclaration d’intention d’aliéner ». Si la commune est intéressée, l’EPFR est chargé d’acquérir le bien. Les prix des terrains sont évalués par le Service des Domaines. Une offre est ensuite faîte au propriétaire, celle-ci peut dépasser de 10% l’estimation du Service des Domaines. Le propriétaire peut refuser de vendre ou demander à la justice de fixer un prix. Le droit de préemption n’est pas une expropriation.

Danger pour la mixité sociale

La proposition de loi risque de limiter le droit de préemption des communes. Elle prévoit qu’en l’absence de projet d’aménagement, les collectivités devront se conformer au prix fixé par le propriétaire. Comment, dans ces conditions, constituer des réserves foncières ? Comment construire les 180.000 logements dont La Réunion aura besoin d’ici une vingtaine d’années ? Comment garantir la mixité sociale en centre-ville ? Pour l’EPFR, une telle loi menacerait la construction de logements sociaux, notamment en centres urbains, et la maîtrise du foncier par l’acquisition de terrains à prix raisonnable. « Avec des logements qui se vendraient entre 3.000 et 4.000 euros le mètres carrés, seul 30% des Réunionnais pourraient y prétendre à l’avenir », indique Jean-Louis Grandvaux, directeur de l’EPFR.
Argument principal de cette proposition de loi, un nombre élevé de contentieux. Raymond Lauret, président de l’EPFR, affirme pourtant que le compromis entre le propriétaire et la commune est privilégié. « Nous n’étouffons pas le brave propriétaire », insiste-t-il.
L’EPFR a appelé les parlementaires à faire preuve de vigilance face à cette proposition de loi.

EP


David Lorion, adjoint délégué à l’Urbanisme et à l’Aménagement de Saint-Pierre

Une loi au détriment de l’intérêt public

« Cette proposition de loi sert délibérément des intérêts privés au détriment de l’intérêt public. A La Réunion plus qu’ailleurs, les collectivités ont besoin de maîtriser du foncier sur du long terme pour construire des logements sociaux et des équipements publics. Cette loi va les contraindre à laisser les promoteurs privés s’accaparer le foncier indispensable au développement de La Réunion, au détriment des logiques d’aménagement, et en favorisant les effets spéculatifs. Cette proposition de loi va donner encore plus d’ampleur au système des VEFA pour des logements sociaux qui, lorsqu’ils sont produits de cette manière, sont le résultat d’un aménagement anarchique d’un territoire et d’une construction “très bas de gamme” de promoteurs souvent défaillants ».


183 hectares en réserve, 37% pour le logement social

L’Etablissement Public Foncier de La Réunion existe depuis 2003. L’EPFR facilite l’acquisition du foncier pour les 24 communes (projets de logements sociaux, d’équipements publics, de zones d’activités économiques ou touristiques). En 6 ans, l’EPFR a acheté 183 hectares (146 terrains) pour 48 millions d’euros. 37% des terrains (60 terrains) est destiné à la construction de logements sociaux grâce au soutien financier du Conseil général et des Communautés de communes. Les communes bénéficient ainsi des terrains à 60% des prix d’acquisition.
D’ici 2013, l’EPFR devrait dégager 100 millions de recettes pour maîtriser entre 160 à 250 hectares de terrains sur la période 2009-2013. L’Etat et le Département ont décidé d’un plan Marshall pour la construction de 5.000 logements sociaux par an, et les communes ont signé des COF (Contrats d’objectifs fonciers) pour maîtriser le foncier afin de réaliser des logements sociaux.
Aujourd’hui, 60% des terrains acquis se situent en centre-ville. 63% sur le littoral, 37% sur les mi-pentes et les Hauts.

EP


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