Intervention de Paul Vergès dans le débat du sénat sur le projet de Charte constitutionnelle

Charte de l’environnement : ’Ce texte parle à la place des plantes et des animaux sans voix’

25 juin 2004

À deux reprises, mercredi et hier, le sénateur Paul Vergès, président du Conseil régional de La Réunion et président de l’ONERC (Observatoire National sur les Effets du Réchauffement Climatique), est intervenu à la tribune du sénat sur les questions environnementales. Ses interventions ont été saluées par le ministre de l’Écologie, Serge Lepeltier.

En France, le début de l’été est marqué par une série d’analyses et de prises de positions sur la question des changements climatiques. Cette question, qui fut longtemps cantonnée dans les milieux scientifiques, fait aujourd’hui irruption dans le débat public et elle est devenue une question éminemment politique.
C’est ainsi que hier soir même, le quotidien parisien “Le Monde” a publié en première page un article signé par deux membres du gouvernement français - les ministres des Affaires étrangères, Michel Barnier, et de l’Écologie, Serge Lepeltier - ainsi que par deux membres du gouvernement britannique : Margareth Beckett, secrétaire d’État à l’environnement, et Jack Straw, ministre des Affaires étrangères.
Le titre de cet article, qui fera date, est éloquent : "Réchauffement climatique : déjà trop tard ?"

"Un enjeu de civilisation"

C’est dans ce contexte que le Sénat a débattu et voté le projet de loi constitutionnel relatif à la Charte de l’Environnement et que le sénateur Paul Vergès a posé hier dans la séance des questions d’actualité du sénat une question sur la politique française en matière d’adaptation aux effets du réchauffement climatique. (voir encadré)
Dans son intervention à la Tribune du Sénat sur la Charte de l’Environnement, le sénateur de La Réunion a indiqué que le projet de loi invite à une "réflexion sur un enjeu de civilisation". (1)
"Il nous oblige - au-delà de la fureur des faux débats et des faux événements du moment qui agitent le microcosme - à porter notre regard au-delà de l’horizon des prochaines décennies, pour prendre la mesure des bouleversements qui menacent tous nos héritages et mettent en péril l’avenir même de l’humanité", a-t-il proclamé devant le sénat.

"Une prise de conscience à tous les niveaux"

Selon lui, les effets combinés de la transition démographique, des changements climatiques et de la mondialisation sont de ces mutations qui appellent une redéfinition de la notion même du progrès.
"Il faut véritablement aujourd’hui une révolution copernicienne des esprits qui puisse permettre une prise de conscience - à tous les niveaux - de ces enjeux", a t-il indiqué.
Paul Vergès a ensuite rappelé les différentes étapes qui ont permis l’émergence d’une conscience environnementale. Il a souligné l’importance de la Conférence de Rio, réunie en 1992, qui fut le point de départ dans la prise de conscience de la responsabilité directe de l’espèce humaine dans les équilibres fondamentaux de la planète comme de sa propre survie.
Selon lui, "si l’Homme est comptable devant les autres Hommes et devant les générations futures, il est aussi responsable devant les autres espèces qui font la vie".

Contradictions

Le sénateur de La Réunion a ensuite exposé les contradictions entre les proclamations formelles et les conceptions du “progrès” et du “développement” que l’Occident a érigées en modèle et conduit l’Humanité vers une impasse certaine.
Paul Vergès a indiqué qu’il "est urgent de faire émerger et de faire respecter une éthique du progrès et du développement. En cela - parce qu’il porte en lui les éléments d’une remise en cause de nos héritages dans tous les domaines -, le champ de l’environnement est révolutionnaire", a t-il proclamé.

"Une avancée à ancrer dans la réalité"

Sur la Charte elle même, et contrairement à l’ensemble de ses collègues de l’opposition, le sénateur Vergès a expliqué les raisons qui le conduisent à la soutenir.
"La portée de ce texte va bien au-delà des interrogations actuelles qu’elle peut susciter", a-t-il expliqué, en précisant que "donner valeur constitutionnelle à un droit à un environnement respectueux de l’environnement, de la biodiversité et de la santé des Hommes constitue une avancée majeure".
Il s’est félicité de la portée universelle de ce texte qui, a-t-il dit, "parle aussi à la place des plantes et des animaux sans voix".
Mais le sénateur a aussi souligné que tout l’enjeu à présent consiste à "ancrer dans la réalité ces principes".

"Sursaut collectif" ou "suicide collectif"

Paul Vergès a conclu son discours par ces mots : "L’enjeu est majeur mais simple. Soit l’humanité saura trouver dans un sursaut collectif la voie de la civilisation. Soit, au contraire, elle poursuivra sa marche, celle des aveugles conduite par des aveugles, vers un suicide collectif".
Dans sa réponse générale à l’ensemble des intervenants, le ministre de l’écologie a tenu à saluer la position du sénateur de La Réunion. Le ministre a conclu son discours devant la Haute assemblée par ces mots : "Comme l’a dit si poétiquement Paul Vergès, ce texte parle aux plantes et aux animaux sans voix".

(1) “Témoignages” publiera demain le texte intégral de cette allocution de Paul Vergès.


Le Plan Climat sera-t-il adapté aux besoins ?

Lors de la séance des questions d’actualité hier après-midi au sénat, Paul Vergès a posé la question suivante à Serge Lepeltier, ministre de l’Écologie :
"Au moment où commence l’été, nous redoutons tous que ne survienne une canicule d’une égale ampleur à celle de l’été dernier. Le Gouvernement a mis en place des réponses sanitaires pour y faire face. Cela était nécessaire. Mais vous conviendrez avec moi que les aspects sanitaires ne doivent pas occulter l’essentiel.
L’essentiel, c’est l’enjeu global de l’adaptation de nos territoires aux impacts multiples des changements climatiques, qui concernent l’ensemble des secteurs. Celle-ci est devenue urgente et incontournable.
Car les effets du réchauffement planétaire sont déjà entrés en action.
S’il est encore possible d’en limiter l’impact, pour bien d’entre eux il est déjà trop tard.
Or, si la France a pris une certaine avance dans la mise en œuvre de mesures en faveur de la réduction des émissions de gaz carbonique, en revanche tout reste à faire pour préparer notre pays et les populations à affronter les mutations qui s’annoncent du fait même des changements climatiques.
Ainsi, les changements climatiques seront à l’origine d’un des plus vastes mouvements de population que connaîtra l’humanité. Il nous faut nous préparer à cela et anticiper sur les incidences pour l’Union européenne et notre pays.
Aussi, pouvez-vous, Monsieur le Ministre, nous assurer qu’un volet d’adaptation - pour lequel l’Observatoire sur les effets du réchauffement climatique que je préside vous a adressé des propositions - figurera bien au Plan Climat, dont la longue attente renforce, j’en suis convaincu, l’intérêt de tous ?"
En réponse à cette question de Paul Vergès sur les changements climatiques, le ministre de l’Écologie a tenu à rendre hommage à son action de longue date en faveur de la prévention des risques liés aux changements climatiques "tant dans les conférences internationales où nous avons ensemble défendu des positions, qu’au sénat".
Le ministre a aussi indiqué que le Gouvernement rendra très prochainement public le Plan Climat en cours d’élaboration. À ce sujet, il a salué les "propositions importantes de l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique" présidé par Paul Vergès qui, a-t-il confirmé "nourriront un volet important du Plan Climat en matière d’adaptation aux impacts du réchauffement".


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