Sommet sur l’adaptation au changement climatique

Des dirigeants africains dénoncent l’Occident absente du sommet de Rotterdam

7 septembre 2022

Les dirigeants sénégalais Macky Sall, président tournant de l’Union africaine (UA), ghaéen, Nana Akufo-Addo, congolais, Félix Tshisekedi, la présidente de l’Ethiopie, Sahle-Work Zewde, et Moussa Faki Mahamat, le président de la Commission de l’UA, ont déploré l’absence des chefs d’Etat des pays industrialisés au Sommet consacré à l’adaptation de l’Afrique au changement climatique, le 5 septembre à Rotterdam.

« Nous avons fait l’effort de quitter l’Afrique pour venir à Rotterdam et ils sont absents de cette salle alors qu’il était certainement plus facile pour eux de se déplacer. Ils sont les principaux pollueurs et doivent financer l’adaptation » des pays qui ne sont pas responsables du dérèglement climatique, a dénoncé Macky Sall.

Une situation alarmiste

A deux mois de la conférence des Nations unies sur le climat (COP27) de Charm el-Cheikh, en Égypte, les dirigeants africains souhaitaient profiter de ce sommet organisé par le Centre mondial pour l’adaptation (GCA) pour mobiliser l’attention internationale sur l’une des priorités du continent alors que la pandémie de Covid-19 et le choc inflationniste lié à la crise ukrainienne amenuisent ses capacités financières.

Une étude parue dans la revue Communications Earth and Environment, intitulée « Projections probabilistes de l’augmentation du stress thermique due au changement climatique », situe l’Afrique subsaharienne parmi les principales régions menacées par des températures « très dangereuses » pour les humains en 2100.

Réalisée par des chercheurs d’Harvard University et de l’Université de Washington, cette étude a indiqué que les zones tropicales pourraient faire face à des « températures extrêmement dangereuses » pour les humains sur de longues périodes.

L’étude définit comme « dangereuses » pour les humains, les températures à partir de 39,4°C, et « extrêmement dangereuses » à 51°C. Dans le pire scénario, ces températures pourraient durer deux mois de l’année dans les régions les plus affectées, en tête, l’Afrique subsaharienne et le sous-continent indien.

En dehors des zones tropicales, les épisodes de canicules dévastatrices risquent de devenir des phénomènes annuels, selon l’étude. D’ici 2050, il suffira d’une augmentation de 1,2 à 1,9 degré Celsius environ pour accroître entre 25 et 95% le nombre d’Africains sous-alimentés (+25% en Afrique centrale, + 50% en Afrique de l’est, +85% en Afrique australe et +95% en Afrique de l’ouest).

« L’Afrique est lésée à la fois par le changement climatique et le financement climatique »

Le Président congolais Félix Tshisekedi a fait part de sa désapprobation vis-à-vis de « l’injustice » que subit l’Afrique dans le cadre du financement climatique malgré la place qu’occupe le continent dans la régulation du climat.

S’exprimant lors du sommet sur l’adaptation de l’Afrique au changement climatique, Felix Tshisekedi a déclaré que l’Afrique est lésée du fait qu’elle contribue à la lutte contre le changement climatique mais ne bénéficie que de moins de 3% du financement climatique mondial.

Le sommet devrait contribuer à accélérer le décaissement des 25 milliards de dollars d’investissements d’ici à 2025 devant permettre au continent de mieux contrôler sa vulnérabilité climatique.

« L’Afrique est lésée à la fois par le changement climatique et par le financement climatique. Alors que l’on estime qu’elle aurait besoin d’environ 36 milliards de dollars par an pour faire face aux impacts négatifs du changement climatique, elle n’en perçoit que 6 milliards », a déclaré Felix Tshisekedi.

Il a également déploré lors de ce sommet « l’absence des leaders des nations industrialisées ainsi que de représentants du secteur privé qui sont les plus grands pollueurs ».

Le Président de la République Démocratique du Congo, qui préside également la Communauté économique des États d’Afrique Centrale (CEEAC) et la communauté des États d’Afrique Australe (SADC), a appelé les pays industrialisés à « concrétiser » leurs promesses en faveur de l’adaptation de l’Afrique au changement climatique mais surtout pour le bassin du Congo.

Manque de financement

« Nos pays sont d’ores et déjà contraints de consacrer entre 2% et 5% de leur PIB pour faire face à un problème qu’ils n’ont pas créé. Ils reçoivent une part insignifiante de financements internationaux. C’est une des plus choquantes injustices à l’égard du continent », a critiqué Moussa Faki Mahamat.

Selon un rapport du Global Center on Adaptation (GCA), en 2019 et 2020, une somme estimée à 11,4 milliards de dollars aurait été allouée au financement de l’adaptation climatique en Afrique, dont plus de 97% proviennent d’acteurs publics et moins de 3% d’acteurs du secteur privé.

Cette somme est largement inférieure aux 52,7 milliards de dollars par an d’ici 2030 estimés nécessaires pour les pays africains. Cette somme est nécessaire pour mettre en œuvre les politiques d’adaptation élaborées par les gouvernements africains d’ici à 2030.

Seule une partie peut être assurée sur des ressources intérieures. Le Rwanda a par exemple déjà averti qu’il n’était pas en mesure de couvrir plus de 40 % de ses besoins, le Ghana un tiers et le Kenya à peine plus de 10%.

En 2019 et en 2020, les pays industrialisés ont contribué à hauteur de 11 milliards de dollars, selon les données publiées par le GCA. 97% provenaient de financements publics et en particulier de banques multilatérales de développement, et plus de la moitié de ces financements étaient des prêts contribuant à alourdir l’endettement des pays.

La Banque africaine de développement (BAD) et le GCA ont lancé en 2021 un Programme d’accélération de l’adaptation en Afrique, dont l’objectif est de réunir 25 milliards de dollars d’ici à 2025 pour soutenir par exemple des initiatives d’adaptation dans le domaine agricole ou construire des infrastructures capables de résister aux chocs climatiques.

« Les Africains ne sont pas en train de mendier ni d’attendre. Ils mettent de l’argent sur la table », a souligné le président de la BAD, Akinwumi Adesina, en rappelant les pays industrialisés à leur devoir de solidarité.

Ce programme est composé de deux volets : un fonds d’amorçage de 250 millions de dollars qui doit permettre d’évaluer la faisabilité des projets, et, dans un second temps, un plan de financement. La BAD espère lever cette somme lors de la COP27.


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