Forêts et changement climatique

Des leçons à tirer pour La Réunion de la dégradation de la forêt amazonienne

15 janvier 2015

Le 8 janvier dernier, le Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde (CADTM) a publié sur son site un article sous la signature de François Houtart, Professeur à l’Institut national des hautes études (IAEN) en Équateur, consacré aux effets du réchauffement climatique en Amazonie. Rappelons que le CADTM est un réseau international, qui élabore avec d’autres organisations et mouvements des politiques alternatives radicales visant la satisfaction universelle des besoins, des libertés et des droits humains fondamentaux.
Dans cet article, il est souligné qu’à la fin décembre 2014, lorsque les Nations Unies ont organisé la dernière réunion préparatoire à la Conférence de Paris de décembre prochain sur le Changement climatique, il a été fait référence à plusieurs reprises à la forêt amazonienne. Et comme on va le voir dans les extraits de ce texte, à La Réunion même il faudrait réfléchir non seulement à la préservation de nos forêts mais aussi à leur valorisation, comme l’a fait Paul Vergès lorsqu’il était maire du Port ou président de la Région.

La forêt d’Amazonie, un océan de verdure qui joue un rôle important dans l’équilibre du climat à l’échelle du monde.

Alors que les activités humaines produisent de plus en plus de gaz à effet de serre, on assiste à la destruction progressive des puits de carbone, ces réserves naturelles qui absorbent ces gaz : les forêts et les océans. Le résultat est que la planète ne parvient plus à se régénérer complètement. Il faudrait à cet effet une planète et demie et malheureusement, nous n’en disposons que d’une.
Trois grandes régions du monde abritent des réserves forestières jouant un rôle clé dans la régulation des écosystèmes régionaux : l’Asie du Sud-est (Malaisie et Indonésie), l’Afrique centrale (Congo) et l’Amazonie. La première a quasiment déjà disparu : la Malaisie et l’Indonésie ont détruit plus de 80% de leurs forêts originelles pour planter des palmiers à huile et de l’eucalyptus. Au Congo, la guerre avait mis un terme à l’exploitation forestière et à l’extraction minière, mais ces activités ont repris au cours des 10 dernières années. L’Amazonie, quant à elle, se trouve en plein processus de dégradation. Le pape François, qui prépare une encyclique sur les questions climatiques, parle de la destruction des forêts tropicales comme un péché.

Les fonctions géologiques de la forêt amazonienne

Avec 4 millions de km2 dans neuf pays, la forêt amazonienne stocke un total de 109.660 millions de tonnes de CO2, ce qui représente 50% de la capacité des forêts tropicales du monde. Un total de 33 millions de personnes vit dans cette région, parmi lesquelles on dénombre 400 peuples autochtones.
Une étude réalisée par un chercheur brésilien, Antonio Donato Nobre, décrit de manière impressionnante les fonctions de la forêt amazonienne. Les fonctions principales sont au nombre de cinq. Tout d’abord, la forêt retient l’humidité dans l’air, permettant aux précipitations d’atteindre des endroits éloignés des océans, grâce à la transpiration des arbres. Deuxièmement, les pluies abondantes contribuent à préserver la pureté de l’air. Troisièmement, la forêt permet de conserver un cycle hydrologique positif, même dans des circonstances défavorables parce qu’elle aspire l’air humide des océans vers l’intérieur des terres, assurant des précipitations en toutes circonstances. La quatrième fonction est l’exportation de l’eau par les rivières sur de longues distances, empêchant toute désertification, en particulier à l’Est de la Cordillère des Andes. Enfin, elle permet d’éviter les phénomènes météorologiques extrêmes grâce à la densité de la forêt, qui empêche l’apparition de tempêtes alimentées par la vapeur d’eau. C’est pour cela que l’on doit défendre cette richesse naturelle exceptionnelle.

La dégradation de la forêt

Les effets de la dégradation actuelle de la forêt amazonienne sont déjà visibles : réduction de la transpiration, bouleversement des précipitations, prolongation des saisons sèches. Rien qu’au Brésil, en 2013, la déforestation a atteint 763.000 km2, soit 184 millions de terrains de football. On estime qu’une réduction de 40% de la forêt signifierait le début d’une transition vers un état de savane. Actuellement 20% ont été détruits et 20% sont gravement menacés. Selon un communiqué de la FAO publié lors de la Journée internationale de la Forêt de mars 2014, si l’évolution reste semblable, dans 40 ans, il n’y aura plus de forêt amazonienne, mais une savane parsemée de quelques bois. Pour cette raison, l’auteur de l’étude appelle à un changement radical, considérant cependant que la partie n’est pas encore perdue. Il propose une restauration de la forêt détruite, la diffusion d’information pour sensibiliser l’opinion publique et des décisions des dirigeants politiques. (…)
Au centre de ces problèmes environnementaux se trouvent des millions de personnes touchées par la transformation de leurs moyens de vie, par l’expulsion de leurs terres ancestrales, par la colonisation de leurs territoires et par la criminalisation de leurs protestations. Or, les peuples autochtones qui n’acceptent pas la scission entre nature et culture sont les meilleurs défenseurs de la forêt amazonienne, mais en même temps, ils sont les premières victimes de son exploitation irrationnelle. Beaucoup d’espèces vivantes, animales et végétales, paient également le prix de ce soi-disant « progrès de la civilisation ».
Dans les discours officiels, on entend rarement parler des coûts de ces politiques de développement, c’est-à-dire des millions de tonnes de CO2 rejetées dans l’atmosphère, ni de l’usage qui est fait des minéraux extraits ou des produits de l’agriculture industrielle : de l’or qui pour sa majorité vient s’entasser dans les réserves bancaires pour garantir le fonctionnement du système financier, le fer, entre autres pour fabriquer des armes, le soja pour nourrir le bétail, qui à son tour produit plus de gaz à effet de serre que le transport, etc.

Quelles solutions

Changer de cap peut se traduire par des mesures très concrètes. Il ne s’agit pas non plus, pour les pays latino-américains, de perdre leur souveraineté et de permettre à d’autres puissances de leur imposer des réglementations basées sur leurs propres intérêts. Mais on est en droit d’attendre que les dirigeants politiques prennent des mesures en faveur de la préservation de forêt amazonienne, en collaboration avec les peuples concernés. L’UNASUR (Union des Pays d’Amérique du Sud) pourrait être l’endroit idéal pour mettre en œuvre une collaboration institutionnelle afin d’atteindre cet objectif.
La crise qui affecte la région, la baisse du prix du pétrole et d’autres commodities, peuvent être l’occasion de nouvelles initiatives. Les pays qui les prendront seront retenus dans l’histoire comme des visionnaires.

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