Quel sort pour le S.A.R. en 2005 ?

Des logements, oui, mais pas n’importe où

3 mars 2005

Le schéma d’aménagement régional (SAR) doit être rediscuté cette année. Depuis 1995, il a permis d’éviter une urbanisation anarchique. En 2005, il devra être affiné. Comme à Sainte-Suzanne, où le maire envisage la réalisation de nouvelles zones d’activités sur des terres cannières non mécanisables.

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Si le SAR n’existait pas, quel visage offrirait La Réunion ? Peut-être ses paysages se résumeraient-ils à un fouillis de ponts, d’immeubles et de voies rapides. Le Schéma d’aménagement régional, adopté en 1995, est l’un des outils utilisés pour que La Réunion ne devienne pas une mosaïque de villas et de bidonvilles.
Le maire de Sainte-Suzanne, Maurice Gironcel, en est sûr : "Le SAR a permis un aménagement équilibré". Le document voté en 1995 par le Conseil régional autorise la commune à utiliser 40 hectares pour des "zones d’activités". "Mais on n’a pas eu la possibilité de faire les 40 hectares, en raison de la proximité de la zone de protection agricole. Au Quartier-Français, nous n’avons réalisé que 12 hectares, dont l’hypermarché Carrefour".
Car le SAR n’est pas un catalogue d’obligations. D’où l’intérêt des négociations pour le prochain schéma, qui vont commencer bientôt. "Il faut qu’avec le nouveau SAR, on travaille plus finement. Nous allons par exemple proposer de réaliser des zones d’activités sur des terres agricoles non mécanisables".
Avec l’augmentation attendue de la population (un million en 2028), l’espace réunionnais va devenir de plus en plus précieux. En termes techniques, on appelle ça "un problème foncier". Les Réunionnais devront construire sur les actuels champs de canne à sucre, mais pas n’importe où.

Construire 2.500 logements par an pendant dix ans

"Notre souhait est d’augmenter la production de la canne, mais pas en étendant les surfaces. On en a déjà discuté avec les agriculteurs." Maurice Gironcel évoque l’irrigation, qui permettrait d’atteindre un rendement de 140 tonnes à l’hectare.
Même nécessité de dialogue pour résoudre le problème crucial du logement. "Les chiffres prévus par le SAR de 1995 ont été dépassés", a constaté Pierre Agon, responsable des services d’urbanisme pour la commune de Sainte-Suzanne. "La commune a vu augmenter son nombre d’habitants de 20% en quatre ans !"
C’est le SAR qui permet ce cadre de discussion pour un bien-être collectif, "et pas seulement pour obtenir le maximum pour la commune", insiste Maurice Gironcel. "On ne peut pas construire un stade olympique à la fois à Sainte-Marie, à Saint-Denis et à Sainte-Suzanne ! Le SAR est une obligation de concertation ; il ne peut pas être imposé".
Le document multicolore affiché dans le bureau du maire indique des zones réservées, mais aucune obligation de construction. Ce sont les élus, en conseil municipal ou intercommunal, qui prennent les décisions. Sachant que pour répondre à la croissance démographique, il faudra construire 2.500 logements par an dans la CINOR (communes de Saint-Denis, Sainte-Marie et Sainte-Suzanne) pendant dix ans, les élus ont intérêt à respecter les “zones d’extension urbaines” ou les “espaces à vocation agricole” !
Cette obligation de concertation devient un magistral outil de démocratie : "Les divergences d’étiquettes politiques ne posent pas de problèmes. Regardez la CINOR, on peut travailler ensemble !" Entre le maire communiste qu’est Maurice Gironcel et les élus de l’UMP qui dirigent les villes de Saint-Denis et Sainte-Marie, l’intercommunalité permet une véritable réflexion commune, déjà négociée dans le SAR.

Refus de construire près d’une ravine

Ce document donne également un argument supplémentaire face aux administrés récalcitrants. Ainsi, Maurice Gironcel a-t-il déjà expliqué son refus d’accorder un permis de construire dans une zone à risques, près d’une ravine : "C’est incompatible avec le SAR".
Et si le SAR n’existait pas, qu’en serait-il à Sainte-Suzanne ? "On ne peut pas imaginer la commune sans un développement harmonieux".
Le SAR permet aussi de réfléchir à des solutions coûteuses, mais envisageables en commun. "Il faut 70 millions de francs (environ 10,6 millions d’euros) pour réaliser l’endiguement de la rivière Sainte-Suzanne, le ruisseau Fontac et le canal d’évacuation", explique le maire. "Cela va permettre de protéger le quartier de la Marine et ses alentours, soit 4 à 5.000 habitants. Nous allons exonder les terrains ; il y aura donc une possibilité de construire. C’est acté dans le SAR, on va le faire confirmer en 2005".
Le SAR sera renégocié cette année par les conseillers régionaux : "Il faut voir comment on rentabilise les terres agricoles, tout en développant des activités et en construisant des logements". Tout est dit.

Nastassia


Peut-être la création de villes nouvelles ?

"Le SAR est plutôt une philosophie, même si c’est un document d’urbanisme opposable". En quelques mots, Philippe Berne, vice-président du Conseil régional, a expliqué qu’aucun autre document ne peut contester le Schéma d’aménagement régional. Les SCOT (schémas de cohérence territoriale, pour les communautés de communes) et les PLU (plans locaux d’urbanisme, dans les communes) doivent s’y conformer.
Document spécifique des départements d’Outre-mer, le SAR est établi à l’échelle du 100.000ème : il ne fixe que des zones de priorité, et non des limites cadastrales précises. Pour l’élu, l’année 2005 sera celle du bilan, et de la renégociation. Selon lui, le premier objectif fixé par le SAR, la protection des terres agricoles et des zones naturelles, a bien avancé depuis 1995. Il cite les projets du Parc naturel des hauts et de la Réserve naturelle marine. "Pour les terres agricoles, on a désormais les outils qui permettent de quantifier les soles cannières". Même si, admet Philippe Berne, le SAR n’est pas la panacée universelle, "l’un des points forts est la reconquête des terres agricoles".

Trente logements sur deux terrains de foot

Deuxième objectif fixé par le SAR : la densification des agglomérations et des bourgs pour éviter leur extension sur les zones agricoles. "La densification se voit maintenant, explique Philippe Berne ; elle doit être contrôlée." Comme l’explique Maurice Gironcel (lire ci-dessus), les Réunionnais vont devoir s’habituer au logement collectif, en raison de la raréfaction des terrains constructibles : "Il faut dire la réalité. Le rêve d’une villa avec 500 mètres carrés de terrain est utopique".
Philippe Berne précise : "la densification qu’on souhaite, c’est trente logements sur un hectare, ce qui correspond à deux terrains de football". Pour ce faire, le Conseil régional s’est doté d’un "Établissement public foncier", qui a pour mission d’acquérir des terrains, en fonction du SAR.
Quant au troisième objectif du SAR, le rééquilibrage de l’île au profit du Sud, de l’Est et des Hauts, Philippe Berne admet disposer de peu d’éléments. "C’est difficile... Peut-être que l’Est doit rester près de la nature..." Et, résolu : "Il y a une grosse réflexion à mener pour le prochain SAR". Parmi les questions figurera la création de villes nouvelles, pour absorber les 10.000 habitants annuels supplémentaires.


An plis ke sa

o Le “portage à long terme” est pratiqué par l’EPFR (Établissement public foncier de La Réunion). L’EPFR achète des terrains, pour les rétrocéder aux communes. L’EPFR peut ainsi créer un “portefeuille de terrains”, sans être obligé de payer des taxes au bout de 4 ans. Cela permet aux communes de disposer de terrains pour des investissements collectifs... et de combler un handicap pris par certaines au fil des décennies.

o Le FRAFU
(Fonds régional d’action foncière et urbaine) a été créé, pour concentrer les moyens financiers du Département, de la Région, de l’État et de l’Europe, sur des opérations d’urbanisme conformes au SAR.


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