Ressources en eau de l’île

Des réserves fragiles

15 juin 2006

Hier, l’Office de l’Eau a présenté son bilan trimestriel sur l’état des ressources en eau de La Réunion, la qualité des eaux superficielles et souterraines de l’île. Si l’approvisionnement en eau potable ou pour l’irrigation est assurée pour les mois à venir, en revanche, il faut se pencher sur la pollution de l’eau qui au niveau de certaines rivières doit interpeller.

Les deux épisodes pluvieux du début de l’année, en février puis en mars 2006 avec la tempête tropicale Diwa, ont reconstitué les ressources en eau de l’île, dont le tarissement commençait à devenir préoccupant. L’ensemble des cours d’eau et des rivières a connu des crues notables ou conséquentes, mais pas exceptionnelles, au regard des précipitations enregistrées pour Dina en 2002.
En ce début d’hiver austral, en termes d’usages de nos ressources en eau superficielle, les trois quarts de l’île sont en situation excédentaire. Restent la région Sud et le secteur des Plaines qui sont encore déficitaires. Les retenues d’eau artificielle sont remplies, l’approvisionnement en eau potable ou pour l’irrigation est garanti pour les mois à venir.

Un stockage éphémère

Si les eaux souterraines ont également bénéficié de ces deux phénomènes pluvieux salvateurs, en particulier dans le Nord et le Nord-Ouest de l’île, les deux derniers mois de relâche pluviométrique ont conduit à un nouveau phénomène de tarissement. Les précipitations ont certes amélioré l’état des ressources, mais elles sont amenées à nouveau à se dégrader jusqu’à la prochaine saison des pluies, et c’est particulièrement vrai dans le Sud tributaire de la pluviométrie des prochains mois.
Pour Jean-Luc Folio, hydrogéologue à l’Office de l’eau, "les nappes réunionnaises ont une excellente capacité de stockage. Mais cela ne perdure pas car les eaux sont progressivement chassées en mer (...). Plusieurs épisodes pluvieux sont plus bénéfiques pour les nappes qu’un ou deux épisodes intenses". Quant à la qualité des eaux de surface, elle varie d’un cours d’eau à l’autre de l’île, d’un paramètre de mesure à l’autre. Olivier Navarro, ingénieur qualité des eaux à l’Office de l’Eau, explique que la pollution peut se traduire soit par les eaux usées, soit par l’élevage.

Les nitrates : "paramètre dégradant"

Les analyses faites au niveau de la Rivière du Mat, à Saint-André, ne sont pas satisfaisantes, les résultats sont même "très mauvais" : plus de 50 mg/l de matières en suspension et plus de 1 mg/l de phosphore. Idem au niveau de la Rivière Saint-Étienne, à Saint-Pierre, qui enregistre beaucoup trop de matières en suspension, charriées à l’aval des cours d’eau par les pluies. Dans l’Ouest cette fois, la Ravine Saint-Gilles enregistre un taux très élevé de nitrates, généralement satisfaisant sur l’ensemble des rivières de l’île. Engrais agricoles ou eaux usées ? Olivier Navarro met en cause le dysfonctionnement de la station d’épuration, rappelant qu’à La Réunion près de 60% des habitations ne sont pas reliées à un système collectif de fosse septique et qu’il y a de vrais soucis de fonctionnements. L’analyse des eaux souterraines de la Rivière Saint-Gilles n’est guère plus conluante : la bactériologie offre une eau de très mauvaise qualité. Les eaux de surface sont également passablement polluées par des bactéries issues de l’élevage dans le périmètre de l’Hermitage, Saint-Denis et plus largement dans la Région Est. Enfin, Olivier Navarro souligne que contrairement au taux de nitrates habituellement enregistré de 1 ou 2 mg/l, les eaux souterraines de l’île semblent particulièrement affectées par ce paramètre élevé entre 13 et 15 mg/l. Sur Saint-Denis, Saint-Louis, sur plusieurs points de contrôle dans l’Ouest. Il rappelle que c’est "un paramètre dégradant qui s’élève au fur et à mesure du temps." Si cette proportion est encore qualifiée de "moyenne", il ne faut que quelques milligrammes par litre pour atteindre le "médiocre" et le "très mauvais".

Stéphanie Longeras


An plis ke sa

Cité béton attention

François Bocquée, directeur de l’Office de l’eau, a tenu a souligné que face à l’intensification des phénomènes pluviométriques, l’évolution de l’urbanisation, la densification de l’habitat sont des facteurs aggravants. L’imperméabilisation des sols, les voies de contournements sont de véritables retenues d’eau qui peuvent conduire à des catastrophes comme celle de la Rivière des Pluies. "J’invite les décideurs à prendre en compte cet aspect qui peut causer de plus en plus de conséquences."


Impact des insecticides

"Je crois que le risque a été intégré"

Il n’est pas de la responsabilité de Olivier Navarro, ingénieur à l’Office de l’Eau, d’apporter des réponses en matière de pollution de l’eau suite aux pulvérisations d’insecticides utilisés dans la lutte contre le chikungunya. La Préfecture se réserve le droit de communiquer les résultats du programme de recherche piloté par la DIREN et engagé en mars.
Mais il devait s’attendre à cette question, à l’insistance d’une consœur qui ne voulait pas comprendre que tout ce qui tourne autour du chikungunya est officiellement sensible. "Des travaux sont en cours, mais comme tous produits chimiques, il peut y avoir des conséquences sur l’environnement, concède l’ingénieur. Si l’on maîtrise les dosages, on diminue considérablement les risques." Si "beaucoup de choses sont irréversibles", attendu que les traitements ont été principalement urbains, l’impact sur l’environnement doit être moindre. "Il faut parler de risque et d’effets potentiels. Mais même la pire des molécules se dégrade et l’on ne peut pas être assuré qu’on va la retrouver dans les eaux souterraines. Il y a tout un processus avant que le produit n’y arrive. Je crois que le risque a été intégré." Le travail de recherche sur l’impact environnemental des insecticides a débuté en mars et les premiers résultats sont attendus à la fin du mois.


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