Directive déchets : un accord en trompe-l’œil, selon les ONG

23 juin 2008

Cette semaine, le Parlement européen doit adopter la révision très attendue de la directive-cadre sur les déchets. Il n’a pas obtenu du Conseil autant de concessions qu’il l’aurait voulu.

Fallait-il sacrifier la prévention des déchets et sauver le recyclage ? Non, répond le Bureau Européen de l’Environnement (BEE), très déçu de l’accord obtenu entre la rapporteure de la directive déchets au Parlement européen, Caroline Jackson, le Conseil et la Commission. « Le Parlement a lâché sur tous les points forts de sa position pour obtenir ses taux de recyclage, alors qu’ils ne vont pas changer grand chose », s’indigne Nathalie Cliquot, du BEE.

Les Etats membres seraient prêts à atteindre un taux de recyclage de 50% pour le papier, le métal, le plastique et le verre des Déchets Ménagers et Assimilés (DMA) d’ici 2020. « Ce n’est donc pas 50% des DMA, ce qui aurait été une avancée. Il n’y a aucune plus-value par rapport à la législation actuelle », continue Nathalie Cliquot. En effet, la directive de 1994 sur les emballages prévoit déjà une obligation de recyclage de 60% pour le verre, le papier et le carton ; 50% pour les métaux ; 22,5% pour les plastiques et 15% pour le bois, d’ici le 31 décembre 2008. L’effort pour les Etats membres devrait donc être minime.

L’accord prévoit également un objectif de recyclage de 70% des déchets de construction non dangereux et de démolition d’ici 2020. « Ces objectifs sont un succès très significatif par rapport à la proposition de la Commission, se félicite Caroline Jackson. Car ils sont exécutoires : la Commission a confirmé que la formulation lui permet de lancer des procédures d’infraction dans le cas où les Etats membres ne prendraient pas les mesures nécessaires pour atteindre les objectifs ». Pour le BEE, cela signifie que les taux resteront non contraignants : « Les 27 pourront être attaqués s’ils ne prennent pas de mesures suffisantes - ce qui sera délicat à démontrer -, mais non s’ils n’atteignent pas les 50% et 70% », analyse la représentante du BEE.

Comme le souligne Nathalie Cliquot, les eurodéputés ont abandonné un point pourtant essentiel aux yeux des ONG : la stabilisation de la production de déchets d’ici 2012, puis une réduction significative à l’horizon 2020. Cette proposition du Parlement s’est transformée en un rapport de la Commission sur la prévention des déchets en 2011, qui pourrait aboutir à une législation en 2014 visant à découpler croissance économique et production des déchets d’ici 2020. La seule obligation qui incombera aux Etats membres dans le cadre de la révision actuelle sera de préparer et mettre en œuvre des programmes de prévention. « Il a été impossible d’avoir un accord de la Commission et du Conseil sur des objectifs quantifiés de prévention », regrette Caroline Jackson. Pour le BEE, il s’agit encore une fois d’un échec : « Ce découplage signifie que si la croissance atteint 3% en 2020, la production de déchets pourra quand même augmenter de 2% ».

« C’est un résultat équilibré, assure la conservatrice Caroline Jackson. Faire pression (en essayant d’amender le paquet) pour que le Conseil aille plus loin et aller en conciliation ne garantit pas le succès, et pourrait conduire le Parlement à perdre ce qu’il a obtenu ». Ce n’est pas l’avis des Verts qui parlent d’un « compromis décevant ». Mais ces derniers sont en minorité au Parlement.

Claire Avignon, Le Journal de l’Environnement


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