Traitement des déchets : création d’un syndicat mixte

Enfouissement ou incinération : 1 an pour choisir

3 juillet 2007

En présence des représentants des 5 intercommunalités (CINOR, CIREST, CIVIS, CCSUD, TCO) et du préfet, réunis vendredi dernier au Palais de la Source, la présidente du Département a annoncé la création d’un syndicat mixte départemental qui aura pour difficile mission de choisir, d’ici juin 2008, un mode opératoire pour le traitement des déchets ultimes à La Réunion. Enfouissement ou incinération : la patate chaude est entre les mains des élus locaux.

Vendredi, le Département a annoncé la création d’un syndicat mixte départemental qui a 1 an pour apporter une solution technique au traitement des déchets. Selon le préfet, « les citoyens seront soulagés de savoir que les élus veulent coordonner leurs efforts sur un dossier épineux, voire explosif ».
(photo S.L.)

Un site d’enfouissement de 100 hectares ? Un incinérateur de grande capacité et son site d’enfouissement pour les résidus d’incinération ? Ou deux incinérateurs de moyenne capacité et leurs sites d’enfouissement respectifs ? C’est à partir de ces trois options retenues par l’ILC (Instance Locale de Concertation) que les intercommunalités, en concertation avec les communes, vont désormais devoir faire un choix.

Moins de 7% des déchets recyclés

Vendredi matin, l’Etat, le Conseil général et les intercommunalités étaient réunis dans la salle Auguste Legros, au 3ème étage du Palais de la Source, pour mettre à plat les conclusions du rapport de synthèse produit par l’ILC (mise en place en septembre 2006 à la demande du Ministre de l’Outre-mer de l’époque, François Baroin) et remis en mai de cette année aux acteurs concernés. Sur proposition de Nassimah Dindar, Présidente du Département, il a été décidé de créer un syndicat mixte départemental réunissant les 5 intercommunalités et le Département qui appuiera, administrativement et juridiquement, la mise en place de l’entité.
Sa mission est double : étudier et prendre la maîtrise d’ouvrage des nouvelles solutions de tri et de valorisation mais aussi de la solution de traitement des déchets ultimes qui sera retenue parmi les trois scenarii proposés. Comme l’a justement souligné la présidente du Département : « enfouissement ou incinération : c’est le gros débat ». Un débat certes d’importance, mais qui ne doit pas occulter, comme le préconise aussi l’ILC, la recherche de nouvelles techniques qui permettront d’amplifier et d’organiser le tri et la valorisation. Un tri qui se fait encore de façon disparate selon les communes et une valorisation qui est loin d’être optimum (1). Sur ce point, force est de constater que les objectifs inscrits au Plan Départemental d’Elimination des Déchets Ménagers et Assimilés (PDEDMA), révisé en 2002 par le Conseil général, responsable de sa rédaction, sont loin d’être atteints.
En effet, moins de 7% du total des déchets ménagers sont aujourd’hui recyclés contre un objectif de 50%, alors que plusieurs filières de valorisation des déchets spéciaux restent à développer ou à mettre en place. Seule satisfaction pour Nassimah Dindar : la généralisation des composteurs individuels qui permettent aux habitants de traiter leurs déchets verts à domicile plutôt que de les placer dans le circuit public de ramassage. Un aspect effectivement positif qu’il convient néanmoins de relativiser sachant, d’une part, que les communes sont en rupture de stock de composteurs et que les délais d’attente sont très longs, et d’autre part, que seulement un tiers des déchetteries et un quart des unités de traitement des déchets verts programmées au PDEDMA ont vu le jour.
La Réunion manque donc encore de filières complètes, organisées et efficaces, d’une véritable stratégie départementale cohérente et ambitieuse de gestion des déchets ménagers. Mais à l’exception de Maurice Gironcel, Président de la CINOR, les représentants des autres intercommunalités n’ont pas marqué la volonté de travailler également sur ces questions, se tenant à réaffirmer que l’urgence résidait pour l’heure dans le traitement (voir encadré).

« Un dossier épineux, voire explosif »

Sachant que le centre d’enfouissement de Sainte-Suzanne, en cours d’extension, arrivera à saturation en 2014 et celui de Saint-Pierre en 2011, la problématique du traitement des déchets ultimes est ainsi posée comme l’urgence absolue. La Réunion produit actuellement 450.000 tonnes de déchets par an (570 kgs/an/hbt contre 360 en Métropole) et les projections tablent sur 700.000 tonnes annuelles d’ici 2015. « Il faut choisir un mode opératoire rapidement car après tri et valorisation, il reste encore au final 350.000 tonnes de déchets ou à enfouir ou à brûler, ce qui est énorme », relève Pierre-Henry Maccioni. Le préfet rappelle en outre qu’il ne lui a pas été nécessaire de taper du poing sur la table, comme prétendu par notre confrère “Le Quotidien” la semaine dernière, pour que les élus décident d’eux-mêmes de la création d’un syndicat mixte départemental. « C’est l’acte que l’Etat attendait », soulignera-t-il. « Cela permettra une meilleure maîtrise à la fois politique mais aussi technique (...). Les collectivités sont maîtres du jeu, seules en capacité de décider, après les Municipales ».
Une année de concertation qui s’annonce tendue. Il ne s’agit pas pour les membres du syndicat de refaire les débats déjà tenus au sein de l’ILC (qui n’ont pas permis d’ailleurs d’aboutir à une position partagée sur le choix des outils techniques à mettre en place), mais de réaliser l’étude de faisabilité de chaque option, de dégager le coût global et de trouver le site d’implantation, soit pour le site d’enfouissement, soit pour le et les incinérateurs. La seule donnée financière disponible est le coût à la tonne estimé à 86 euros pour une mise en décharge totale et 93 euros pour un incinérateur avec mise en décharge résiduelle. Etat et Département s’accordaient à rappeler vendredi qu’une décision rapide s’impose sachant que, quel que soit le choix retenu, il faudra entre 4 et 5 ans pour concrétiser sa réalisation. « Vous allez être déçus, mais l’Etat ne s’exprimera plus, augura alors le préfet. Il interviendra à nouveau uniquement quand le choix sera fait. Les citoyens seront soulagés de savoir que les élus veulent coordonner leurs efforts sur un dossier épineux, voire explosif ».

Stéphanie Longeras

(1) Entre 2004 et 2005, la valorisation organique est passée de 10,6% à 9,6%, alors que la valorisation de la matière est passée de 4,2% à 6,7%. Des efforts sont donc à fournir, alors que les techniques de traitement (méthanisation, traitement mécano-biologique...), porteuses d’emplois doivent encore être étudiées.


An plis ke sa

Qui est responsable de quoi ?
La collecte et le traitement des déchets ménagers relèvent de la compétence des communes et, par délégation, des communautés de communes ou d’agglomération. Elles reçoivent une contribution financière et un soutien technique du Département dont la mission principale est la rédaction du PDEDMA. Ce plan doit être à nouveau révisé cette année, une « formalité » pour le préfet qui voit dans la création du syndicat mixte le vrai acte important à retenir. Enfin, l’Etat doit quant à lui veiller aux respects de l’état de salubrité et de l’équilibre écologique de l’île.
Comme l’Union Européenne, il peut en outre apporter son soutien technique et financier à la mise en œuvre des solutions retenues par les élus locaux.

À quand une grande campagne de communication ?
L’ADEME de La Réunion vient de mettre en place l’opération Foyers Témoins pour sensibiliser les habitants à mieux trier leurs déchets mais aussi à réduire, dès leur achat, la surcharge en emballages des produits. Extension d’une opération engagée au plan national, cette initiative certes nécessaire reste néanmoins largement insuffisante sachant qu’elle ne concerne que 10 foyers. Sans proposer de solution, la présidente du Département souligne qu’il faut « communiquer très largement » sur les efforts individuels qui doivent être engagés. On sait que les communautés d’agglomération peuvent se doter d’ambassadeurs du tri qui vont à la rencontre des habitants pour leur rappeler quelques gestes essentiels en matière de gestion quotidienne des déchets.
Mais on sait aussi que pour que cette opération de sensibilisation soit efficace, il faut beaucoup d’ambassadeurs qui agissent simultanément sur toutes les communes, ce qui n’est pas encore le cas aujourd’hui.
À quand alors une opération de communication télévisée, radio, ambitieuse et récurrente, comme en 2004 au moment de la mise en place du tri sélectif ? Cette responsabilité incomberait-elle encore uniquement aux communes ? Ne pourrait-on envisager un soutien financier et logistique de l’Etat, en charge du respect de la salubrité publique, sur ce point précis de communication ? Sachant qu’en période de douloureuse décentralisation, la mise en synergie des moyens et des bonnes volontés est requise et sachant également qu’après la crise du chikungunya, l’Etat a affûté ses techniques de communication grand public. C’est une des nombreuses questions que se posent les citoyens réunionnais qui, bien informés, peuvent parfaitement agir.

« La Corse l’a fait, pourquoi pas nous ? »
Si Nassimah Dindar ne propose pas de solution de communication à grande échelle, elle envisage néanmoins, « pourquoi pas », la suppression totale de la distribution des sachets plastiques aux caisses des supermarchés. « La Corse l’a fait, pourquoi pas nous ? », rebondit sans attendre le préfet qui ne manque pas une occasion de nous rappeler à ses origines corses. Pourquoi pas effectivement supprimer ces sachets et solliciter par la même le réveil écologique du “Quotidien” qui nous propose toujours son “canard” sous plastique, en dépit du bon sens. Mais à l’évidence, il n’y a pas ici d’urgence. Et puisque la Corse est une référence, pourquoi les Réunionnais ne bénéficient-ils pas du même montant de continuité territoriale, à savoir 700 euros par habitant, contre 11 euros à La Réunion ? Pierre-Henry Maccioni a parfaitement raison : « La Corse l’a fait, pourquoi pas nous ? ».

SL


Gestion des déchets en amont : une autre mission du syndicat

« Adopter une politique audacieuse et ambitieuse dans ce domaine »

Il est apparu opportun de demander vendredi aux représentants des communautés d’agglomération si la création de ce syndicat serait également l’occasion d’une concertation visant à renforcer les moyens techniques relatifs au tri, à la collecte ou encore à la valorisation des déchets. À l’exception de Maurice Gironcel, les acteurs présents ont tenu à recentrer l’urgence sur la seule problématique du traitement, sous-tendant que notre question était hors sujet.
Pourtant, et après lecture du dossier de presse remis par la Préfecture, c’est la confirmation que cette interrogation n’était pas en décalage. Le syndicat mixte départemental a aussi pour mission d’étudier et de prendre la maîtrise d’ouvrage des nouvelles solutions de tri et de valorisation.
Le président de la CINOR a quant à lui confirmé la nécessité de mener également un travail sur les solutions techniques en amont du traitement des déchets ultimes. « Il ne faut pas perdre de vue la question de la valorisation des déchets à travers des filières qui permettront la création d’emplois », a-t-il alors affirmé. Il explique par la suite qu’il estime nécessaire de revoir le PDEDMA en insistant à nouveau sur la possibilité de mettre en place deux centres de traitements pour les déchets ultimes sur le Territoire de la Côte Ouest (TCO).
Il juge également majeur de mutualiser les efforts pour parvenir à l’objectif de 50% de valorisation des déchets et de « voir ensemble les méthodes de traitement parallèle tel que la méthanisation. Il faut optimiser au maximum les options de collecte, de tri sélectif et de valorisation, adopter une politique audacieuse et ambitieuse dans ce domaine ».

L’incinérateur : une fatalité pour certains

Les autres intercommunalités semblent à l’évidence convaincues que La Réunion n’échappera pas à l’installation d’une usine à incinération qui, en outre, éviterait bien d’avoir à se creuser la tête sur la question du tri et de la valorisation. On brûle tout et on verra les incidences sur la santé d’ici quelques années !
Le président de la CIVIS, communauté d’agglomération dont le projet d’incinération présenté en 2006 a mis le feu aux poudres, soulignera avec une certaine fermeté que la solution à la gestion des déchets ne se résume pas à la question du tri. L’installation d’un incinérateur lui semble incontournable, et de rajouter, en aparté, que « tant que je serai maire, il n’y aura pas d’incinérateur sur mon territoire ». La question est éminemment politique, et bien que la décision finale soit différée après les Municipales, l’enjeu du scrutin ne va pas faciliter la concertation. Et Jean-Marie Virapoullé, Président de la CIREST, d’appeler à la plus large concertation, au consensus.

SL


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