L’incinération est-elle imposée ?

Entre urgence et précipitation : un débat s’impose

20 mai 2006

Jeudi, lors de son allocution publique, le Premier ministre Dominique de Villepin a abordé le sujet fumant d’un incinérateur à La Réunion. S’il est urgent de se pencher sur le problème du traitement des déchets dans notre île, des citoyens estiment qu’il est précipité d’imposer l’incinération sans y confronter d’autres alternatives plus respectueuses de la santé et de l’environnement, sans instaurer un large débat sur le sujet.

En 2001, le Conseil général validait son plan d’élimination des déchets. Il n’était alors question ni des dioxines, ni d’un incinérateur. Mais les centres d’enfouissement de La Réunion arriveront bientôt à saturation, alors que le chikungunya a rendu les déchets de plus en plus encombrants.

Solution de facilité

Si l’on se réfère aux pratiques courantes des Réunionnais qui préfèrent encore brûler leurs déchets verts plutôt que de les mettre dans des composts, on comprend que l’opinion publique ne s’oppose pas à l’incinération qui apparaît comme une "solution de facilité". "La population réunionnaise est très mal informée sur le sujet", commente Jean-Pierre Marchau, porte-parole de la toute récente Association citoyenne contre l’incinération des ordures ménagères à La Réunion (ACCIDOM Réunion). On pense qu’il est préférable de brûler les déchets plutôt que de les enfouir, mais c’est sans parler des conséquences sur la santé, l’environnement et l’économie, des enjeux pour le développement durable". L’incinérateur oblige également à avoir un centre d’enfouissement. En effet, sur une tonne de déchets incinérés, un quart de résidus ultimes, toxiques, devront être vitrifiés avant d’être enfouis. Cela représente un coût supplémentaire de traitement très important qui va se répercuter sur la taxe d’ordure ménagère. "Quelles communes vont accepter de tels centres sur leur territoire ? Et quel héritage veut-on laisser à nos enfants ?".

D’autres alternatives

Pour les quelques 200 membres de l’association, il faut engager une politique volontariste de traitement des déchets ménagers. Tri sélectif, filières de recyclage et de revalorisation, La Réunion n’a pas joué toutes ses cartes dans ce domaine. "Il y a la fermentation organique des déchets, la possibilité de mettre en place des ressourceries, des recycleries qui permettraient de créer de petits boulots, essentiels pour notre île. On peut quasiment envisager une industrie du recyclage plutôt que de mettre en place une véritable machine à gaz". Il faut donc un débat de l’ensemble des élus, comme une prise de conscience populaire de l’importance du respect de l’environnement par des pratiques éco-citoyennes. La réflexion engagée entre le Département et les Communautés de communes pour la révision du plan d’élimination des déchets doit s’étendre. Et c’est en ce sens que la démarche citoyenne contre l’incinération rejoint le fondement du discours officiel pour "un engagement commun", "un engagement de l’action et du résultat".

Estéfani


Commentaire

Une étude réalisée par l’association écologiste les Amis de la Terre sur les émissions de CO2 de 19 incinérateurs de Grande-Bretagne tend à démontrer que les rejets polluants de l’incinération dans l’atmosphère ont de graves conséquences sur le réchauffement climatique, comme par exemple la persistance de dioxines. Alors que le Centre de veille et de recherche sur les arboviroses doit permettre d’étudier les virus et leurs interactions avec, entre autres, le changement climatique, l’installation précipitée d’un incinérateur pourrait accentuer notre exposition aux maladies vectorielles. Le réchauffement climatique est, on le sait, un des facteurs de recrudescence des maladies vectorielles au plan mondial.


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