Gamède revient... puis s’en va

Epilogue meurtrier

1er mars 2007

Après deux boucles marquant ses hésitations de trajectoire dans une zone située au Nord/Nord-Ouest à 300-400 km de nos côtes, Gamède est reparti vers le Sud, plein Sud même, quand les estimations les plus optimistes tendaient à “l’évacuer” vers le Sud-Ouest, ce qui nous aurait définitivement épargné. Eh bien non ! En piquant plein Sud, Gamède s’est rapproché des côtes, passant au plus près, dans la soirée de mardi, à environ 250 km des côtes Ouest, au point de motiver un deuxième passage en alerte rouge, le 27 février à 18 heures, 12 heures après la levée de la première alerte.

Dans ce nouveau déplacement, c’est l’Ouest de l’île - région jusque-là relativement épargnée - qui a subi les assauts de la houle et des vents : « des rafales maximales à 140-150km/h sur les zones côtières... », notait Météo France. Les Hauts de l’Ouest allaient quant à eux essuyer des vents de plus de 180 km/h. La houle a creusé, en particulier sur le littoral de la baie de Saint-Paul, une falaise de 3 à 4 mètres de hauteur, après avoir avalé plusieurs mètres de plage.

Deux morts et de nombreux blessés

Depuis la première alerte, une femme de 44 ans qui rentrait chez elle, au Tampon, était portée disparue. Le bilan de mardi était de 3 blessés graves et 66 blessés légers. Le corps sans vie de la Tamponnaise a finalement été retrouvé mercredi matin, coincé dans le bras Don Juan, au niveau du chemin Nid Joli. On devait aussi repêcher le corps d’un jeune Avironnais de 27 ans, noyé dans la Ravine des Avirons.
Les 300 ravines étaient gorgées d’eau et tous les radiers étaient submergés. C’est en voulant traverser celui de la ravine du Chaudron qui, heureusement, n’était pas en crue, au niveau de l’ADPE, qu’un homme a été emporté par les eaux. Il a été repêché vivant grâce à l’intervention d’un tout jeune habitant du quartier, Didier Laï Yung Mu, qui lui a porté secours avant l’arrivée des pompiers.
Sur l’ensemble de l’île, mardi matin, 230 personnes étaient hébergées dans les centres communaux, dont 120 dans l’Ouest de l’île. Ce nombre allait beaucoup augmenter pendant l’alerte rouge.
Les évacuations les plus “médiatisées” ont néanmoins eu lieu à Saint-Denis, dans les îlets Quinquina et de la Colline, dont les familles étaient orientées vers le gymnase des Deux-Canons. Elles allaient y retrouver environ 80 touristes qui devaient se rendre dans l’Ouest, mais que la dégradation de la situation a détournés vers un centre d’hébergement.

317 touristes européens déroutés...

L’autre hébergement spectaculaire, mardi soir, fut celui de 317 touristes embarqués sur un vol Condor de la compagnie allemande Lufthanza à destination de l’Ile Maurice. A l’approche de l’île voisine, les perturbations ont obligé l’avion - après 3 tentatives avortées d’atterrissage - à se dérouter vers La Réunion. Les malheureux passagers ont eu près de 7 heures d’attente à l’aéroport, le temps pour les autorités municipales de transformer le petit stade de l’Est en centre d’accueil. Ce n’était évidemment pas l’hôtel de luxe que les touristes européens avaient réservé - et payé - dans l’île sœur, et les commentaires ont été sévères pour la compagnie. Ils ont dû attendre la levée de l’alerte rouge pour rejoindre leur destination.

... et un ministre en alerte rouge

C’est le tableau découvert par le Ministre de l’Outre-mer, arrivé dans notre île mardi matin et empêché par les circonstances de mener les visites de terrain prévues. Il s’est rattrapé hier (voir le compte-rendu de sa visite).
Une situation somme toute inédite, puisque les tergiversations de Gamède ont permis pour la première fois à un ministre de séjourner dans l’île par temps de cyclone, alors qu’ils arrivent généralement après l’éloignement des météores. Invité mardi soir sur les plateaux de télévision, François Baroin devait notamment souligner la nécessité de travailler aux plans d’aménagement du territoire, mieux que cela n’a été fait par le passé. Ses amis locaux de l’UMP en savent quelque chose... Le ministre confirmait aussi que la réparation du pont serait prise en charge par l’Etat.

Les conditions météorologiques ont été très agitées, toute la journée de mardi : des vents de 137 km/h au Port et jusqu’à 162 km/h à la Petite France (Saint-Paul). Les cumuls de précipitations sur 4 jours étaient signalés comme « remarquables » et équivalents ou supérieurs « aux valeurs enregistrées en Métropole sur une année entière » : 2.316 mm à la Plaine des Palmistes, 1.915 mm d’eau à l’îlet à Vidot (Salazie)... A Salazie toujours, Mare à Poule d’eau, un pan de falaise s’est effondré, créant un barrage naturel dans la Ravine Demoiselle. Les riverains ont été évacués sur Hell-Bourg en raison du risque de rupture du barrage. Elles n’avaient pas vu autant d’eau depuis le cyclone Hyacinthe (1980).

Une île meurtrie

La situation dans l’île, hier matin, alors que Gamède s’éloignait cette fois définitivement - centré, à 7h, par 23.2° Sud et 51.9° Est à 410 km au Sud-Ouest de La Réunion - était celle d’une île meurtrie, les plus gros dégâts ayant porté sur le réseau routier, le bâti, les cultures agricoles (maraîchage, fruits, fleurs coupées et cultures de serre), les lignes électriques et les réseaux de téléphonie, les canalisations d’eau potable. EDF annonçait hier l’arrivée de 40 techniciens venus de France pour renforcer les équipes d’EDF-Réunion. Le rétablissement des lignes EDF est allé bon train puisque le nombre des foyers sans courant, de 100.000 au plus fort de la tourmente, a été ramené à 31.000 hier matin et 12.000 hier soir. Mais 12.000 foyers privés d’électricité, c’est encore près de 50.000 personnes vivant dans des conditions de précarité accrue. Elles sont encore autant à ne pas avoir le téléphone, et 73.000 foyers restent encore sans eau.
Au total, ce sont environ 750 personnes hébergées - touristes compris - qui vont progressivement rejoindre leur lieu d’habitation ou leur destination finale. Dans les communes du Sud, les établissements scolaires du 1er et du 2nd degré pourraient rester fermés encore quelques temps. D’une façon générale, les communes s’efforcent de remettre les crèches en service, les familles ayant déjà assez de souci avec leurs déplacements vers les lieux de travail, lorsqu’elles ne sont pas confrontées - comme les salariés de la Holcim à Bras-Panon - à du chômage technique.
On retiendra qu’une fois de plus, Gamède a révélé les fragilités d’infrastructures de l’île, les incohérences dans l’aménagement du territoire (voir la conférence du Président de Région) et une bonne dose d’imprévoyance ou de négligences, dont il faudrait penser à s’affranchir pour le futur.

P. David


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