Travaux préparatoires au “Grenelle de l’Environnement”

Favoriser les innovations environnementales

23 août 2007, par Sophie Périabe

Alain Juppé en avait fait son cheval de bataille, Jean-Louis Borloo l’a repris et a annoncé le mois dernier le lancement du “Grenelle de l’environnement”. « Ce Grenelle vise à créer les conditions favorables à l’émergence de cette nouvelle donne française en faveur de l’environnement », explique le ministre. Et c’est donc à la demande du Premier ministre François Fillon que le centre d’analyse stratégique a rendu, récemment, un premier volet des travaux préparatoires au “Grenelle de l’Environnement”, dont le rapport final devrait être publié en septembre prochain.
Responsabilisation des entreprises et des marchés pour le développement durable, innovations environnementales, Organismes génétiquement modifiés (OGM) sont autant de thèmes abordés dans ces travaux.
Penchons-nous plus en détail sur comment favoriser les innovations environnementales, lorsque l’on sait que dans un futur relativement proche, nous serons amenés à modifier nos habitudes de consommation et de production, et à recourir à des technologies de plus en plus “vertes”.

Préservation de la biodiversité ou encore prévention des pollutions, il est essentiel aujourd’hui de préparer notre industrie à ces évolutions, qui conduiront les entreprises à intégrer ces contraintes dans le processus même de conception et de fabrication des différents produits. Cela suppose donc de favoriser le développement de la recherche et de l’innovation dans ces domaines.
Mais où en est-on sur le marché des nouvelles technologies ?
Incontestablement, le marché des technologies environnementales est en forte croissance, non seulement en France mais aussi partout dans le monde.
Tout le monde l’a compris, il s’agit d’un marché porteur et plein d’avenir.
D’après les experts, d’ici 2030, le volume du marché mondial des technologies écologiques pourrait doubler, passant d’environ 1.000 milliards d’euros à 2.200 milliards d’euros, soit une augmentation de plus de 100%.
Mais pour résoudre ces problèmes écologiques, chacun devra y mettre du sien. En effet, les entreprises devront innover et améliorer leur procédé de fabrication et de production pour créer de nouveaux produits plus respectueux de l’environnement. Les individus devront adopter un comportement citoyen et modifier leur habitude de consommation. Mais l’Etat aura également son rôle à jouer, notamment en mettant la main à la poche.

Une position de la France à conforter et à diversifier

Le budget public consacré par la France à la recherche environnementale et énergétique, que ce soit en part dans le total des dépenses publiques de recherche et développement ou en pourcentage du PIB, la situe au 3ème rang des pays de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), devancée par les Etats-Unis, le Japon et l’Allemagne.
La France ne semble donc pas manquer de financement public de l’innovation environnementale et énergétique à l’égard de ses principaux compétiteurs. En revanche, dans le domaine spécifique des technologies d’utilisation de l’énergie ou des énergies renouvelables, le rapport de Thierry Chambolle en 2004 sur les nouvelles technologies de l’énergie constatait la faiblesse des crédits consacrés à la recherche et au développement dans ces secteurs.
Mais depuis, on peut dire que la situation s’est quelque peu améliorée puisqu’il y a eu un renforcement des crédits consacrés à la recherche.
D’autre part, la capacité d’invention de la France dans ces mêmes domaines la situe au 4ème rang mondial pour les technologies de l’environnement derrière le Japon, l’Allemagne et les Etats-Unis, et au 3ème rang mondial pour les technologies de l’énergie, derrière les Etats-Unis et l’Allemagne.
La France est donc parmi les pays les plus avancés dans le domaine de la recherche des nouvelles technologies. Mais il est vrai que c’est un secteur qui évolue très rapidement, et pour rester dans la compétition mondiale, la France a aussi besoin des investisseurs privés.
En effet, ces dernières années, notre pays subit un déficit d’investissements privés dans le domaine de la recherche et du développement qui provient probablement à la fois d’un insuffisant effet de levier des capitaux publics et d’un effort insuffisant de recherche de la part du privé.
D’autre part, la France détient une position forte dans trois domaines environnementaux : l’eau, les déchets et la pollution de l’air. En matière énergétique, la bonne place de la France est essentiellement due à son avance technologique en matière nucléaire. Dans cette perspective, son investissement en technologies énergétiques est moins diversifié que celui des Etats-Unis, de l’Allemagne ou du Japon.
La lutte contre le changement climatique va nous imposer de recourir de plus en plus fortement à des productions d’énergies faiblement émettrices en CO2, ce qui passe par la mobilisation des énergies renouvelables (biocarburants, solaire thermique...) et de la production électronucléaire.
En dépit de la bonne position relative de la France, l’urgence des problèmes écologiques à résoudre, en particulier en matière de lutte contre le changement climatique, impose néanmoins un redéploiement d’argent public, mais pas seulement.

L’Etat doit impulser une dynamique en faveur du développement durable

Pour aboutir à une feuille de route en faveur de l’écologie, du développement et de l’aménagement durable, les différents groupes de travail ont proposé diverses mesures.
Tout d’abord, d’après les experts, il sera essentiel d’accroître l’effort public en faveur de la recherche et de l’innovation. L’objectif de division par 4 des émissions de gaz à effet de serre en 2050 impose d’accroître les dépenses publiques en matière de recherche, et le montant alloué pourrait passer à 1 milliard d’euros par an.
Ainsi, la Commission énergie mise en place par le Centre d’analyse stratégique recommande d’accroître l’effort public de recherche et développement dans 4 domaines : le nucléaire de 4ème génération, les biocarburants de seconde génération, la capture et le stockage du carbone et enfin les bâtiments à énergie positive.
Par ailleurs, le soutien au développement d’autres énergies renouvelables et à la chimie verte (à partir de la matière première végétale) est à envisager au regard de l’ensemble des soutiens apportés à chacune des filières et mérite donc également une attention particulière.
D’autre part, l’Etat pourrait participer à l’essor de la filière développement durable et stimuler la demande d’éco-technologies en développant la commande publique.
A cet égard, la mise en œuvre du Plan national d’actions pour l’achat public durable (mars 2007) pourrait s’accompagner utilement de la mise en place, pour les administrations, de quotas et d’objectifs d’achat public faisant appel à des technologies environnementales.
Promouvoir les meilleures technologies disponibles parait être aussi une mesure à ne pas négliger. Différents instruments ont été récemment développés pour diffuser les technologies existantes dans les marchés, y compris auprès des particuliers (logements, équipements) : les crédits d’impôt pour les matériels efficaces en énergie et les énergies renouvelables, le livret développement durable qui permet aux banques de proposer des prêts à taux réduits pour la réhabilitation thermique des logements compte tenu d’une ressource défiscalisée (CODEVI), les certificats d’économie d’énergie qui permettent d’acquérir des certificats par le placement d’équipements énergétiquement performants...
Enfin, il est aussi nécessaire d’anticiper les besoins de main d’œuvre et de mettre en place les formations adéquates. En effet, l’émergence d’entreprises en matière d’éco-technologies suppose l’existence de personnes qualifiées couvrant une large gamme de compétence qui va bien au-delà des besoins en ingénieurs et scientifiques. C’est en ce sens que l’éducation/formation des nouveaux arrivants sur le marché du travail est essentielle. Mettre en place des formations environnementales pour les métiers artisanaux, par l’intermédiaire de l’institut supérieur des métiers ou des centres de formation continue, permettrait de pallier le défaut de compétences dans la pose et la maintenance de nombre de technologies d’efficacité énergétique dans le bâtiment en particulier.

Cet ensemble de mesures n’est qu’une première étape dans les travaux du Grenelle de l’Environnement et est donc un point de départ à la mobilisation de la société française pour inscrire son développement dans une perspective durable.

Sophie Périabe
(Avec les travaux préparatoires au Grenelle de l’Environnement)


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