Traitement des déchets et environnement

Graziella Leveneur : l’opposition au projet d’incinérateur se renforce

16 août 2006

“Témoignages” a interrogé Graziella Leveneur sur le dossier “Projet d’incinérateur à La Réunion”. La conseillère générale de l’Alliance à Saint-Pierre fait un historique de la mobilisation des Réunionnais contre ce projet. Elle explique pourquoi ses partisans sont de plus en plus isolés. Entretien.

En juillet 2003, la Communauté intercommunale des villes solidaires (CIVIS) a annoncé le démarrage du projet de construction d’une usine d’incinération à Saint-Louis, lors d’une réunion du Conseil communautaire qui s’est tenue à l’Étang-Salé. Aujourd’hui, quelle est la position de la CIVIS ?

Graziella Leveneur : En juin 2006, une majorité de responsables de la CIVIS s’est prononcée contre ce projet. C’est un revers cinglant pour ceux-là mêmes qui voulaient ensuite installer l’incinérateur sur le territoire de la commune de Saint-Pierre. Ils ont fait marche arrière, obligeant le maire actuel de Saint-Pierre et président de la CIVIS à renoncer à ce projet, les élus de la CIVIS demandant au Conseil Général, responsable du Plan départemental d’élimination des déchets ménagers et assimilés, de reprendre ce dossier.
C’était un premier succès pour les opposants au projet d’incinérateur. Les élus de la CIVIS ont demandé un "débat public transparent" et les avis de "vrais scientifiques" ; ils ont réservé leur position sur la réalisation d’un incinérateur à Pierrefonds. C’est exactement ce que souhaitaient ceux qui ont mené campagne contre le projet d’incinérateur, contre une décision précipitée et prise sans débat public.

Ne pensez-vous pas que l’épidémie de chikungunya a été utilisée par les partisans de ce projet d’incinérateur ?

- En effet, et principalement par les représentants du gouvernement. C’est d’abord le Premier ministre en mars 2006, en pleine crise sanitaire, qui a relancé le projet d’incinérateur et il est pitoyable d’avoir voulu faire croire aux Réunionnais que l’incinération était LA solution au problème de gestion des déchets et au chikungunya. Ce n’est pas en brûlant dans une usine d’incinération les ordures ménagères qu’on empêchera la leptospirose, la tuberculose, le paludisme ou le chikungunya ! Le traitement de ces tonnes de détritus ramassées pendant l’épidémie ne requiert pas nécessairement la création d’un incinérateur. D’autres alternatives sont possibles pour un développement durable de La Réunion et la préservation de la santé de ses habitants.
Puis, lors de sa visite, en avril, la ministre de l’Écologie et du développement durable, Nelly Olin, a assuré que La Réunion a besoin de 2 incinérateurs et que le premier verrait le jour à Saint-Pierre, avec l’accord de la CIVIS. La CIVIS a depuis désavoué cette déclaration !
Enfin, en juin 2006, le préfet réunissait les responsables de centres de gestion des déchets ainsi que des intercommunalités et ressortait le dossier de la création d’une station d’incinération à La Réunion. C’est donc après les diverses visites ministérielles et malgré les protestations et le refus de cette solution que Laurent Cayrel a entériné la volonté du gouvernement de mettre en place un incinérateur à La Réunion.
Ainsi, le préfet a fait fi des oppositions exprimées par la société civile et des propositions du Parti Communiste Réunionnais qui, le 20 avril 2006, inquiet du coup d’accélérateur donné par le gouvernement à un projet coûteux et non débattu publiquement, a annoncé son opposition au projet d’implantation d’un incinérateur à Pierrefonds.

Comment s’est exprimée cette opposition des Réunionnais ?

- Le 6 mai 2006, un appel a été lancé à "toutes celles et tous ceux qui sont soucieux du principe de précaution, face aux dangers, pour la santé humaine et l’écosystème, de la dioxine et des autres substances toxiques issues de l’incinération, ainsi que du bon usage des deniers publics, et qui pensent nécessaire de rechercher des solutions alternatives à l’incinération des déchets sur l’île de la Réunion, à se réunir" en vue de constituer un Comité citoyen contre la construction d’un incinérateur à La Réunion.
Les signataires de cet appel étaient Marie-Laure Basse, Gélita Hoarau, Liliane Marcely, Marie-Cécile Seigle-Vatte, Véronique Veinberg, Martha Vitry, Jean-François Bègue, Didier Bourse, Luc-Loël Briand, Christian Briard, Laurent Cadet, Camille Fontaine, François Imazoute, Cyrille Lebon, David Lebon, Bernard Pitou, Denis Simonin, Jean-Marc Tagliaferri, Yoga Thirapati et moi-même.
C’est à Bois d’Olive (Saint-Pierre) que 200 Réunionnais ont voté pour la création de l’Association de citoyens contre l’incinération des ordures ménagères à La Réunion (ACCIDOM-R), présidée par Jean-Pierre Edwards.
Il y a aussi le GAC, le Groupement d’Action Citoyenne, dont Patrick Picardo est le président, qui mène un travail d’information et une démarche contre l’installation à La Réunion d’un incinérateur. J’approuve l’idée du GAC qui est d’amener les citoyens à ne plus subir les politiques économiques, environnementales etc... qui vont à l’encontre de leur intégrité.
La bataille contre l’incinérateur est au cœur de cette démarche. Le GAC a mené des actions, il a organisé un rassemblement début juillet à Saint-Pierre au front de mer, une marche et une manifestation tout récemment devant le Conseil général ; il a interpellé des élus afin qu’ils se positionnent très clairement sur cette dernière question. D’après le GAC, André Thien Ah Koon l’a assuré de son soutien.

Cela nous amène à évoquer la position du maire du Tampon...

- Après le recul de la CIVIS, c’était au tour de Didier Robert, maire du Tampon, d’exprimer publiquement son désaccord avec la mise en place d’incinérateurs de déchets ménagers à La Réunion. Il pointe du doigt le coût de cette politique, alors que Cyrille Hamilcaro, le maire de Saint-Louis, a toujours été le fervent porte-parole et défenseur de l’incinérateur.

Et Jean-Paul Virapoullé...?

- Dans un numéro “spécial chik” de la revue de la Mairie de Saint-André, celui-ci déclare qu’il faut un incinérateur dans le Sud et... un centre d’enfouissement dans l’Est. C’est un “nimby”, c’est-à-dire un adepte du “not in my backyard” ; en gros : “oui à l’incinérateur de déchets ménagers mais pas chez moi ! Au loin, oui...! chez les autres...!”

Et le Conseil général ?

- La position du Département a évolué ; le groupe de l’Alliance a déposé lors de l’Assemblée plénière de juin une motion qui a eu deux conséquences immédiates : d’abord, le retrait de l’incinérateur du Schéma d’Aménagement et de Développement Durable, qui est le document politique de la majorité au Conseil général ; ensuite, un avis favorable aux propositions que notre groupe a faites. Le Département a admis l’urgence d’organiser une mission d’études à laquelle seront associés les représentants des diverses associations d’usagers, ainsi que la rédaction d’un rapport en commun et l’organisation par le Conseil général d’un débat public.


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