Alain Tardy, correspondant du réseau Océan Mondial

« Il faut créer la citoyenneté de la Mer »

7 juin 2008

Vous avez organisé le programme de cette semaine avec des “ambassades” dans les différentes communes de l’île. Pourquoi des ambassades ?

- Un des objectifs du réseau Océan Mondial est de rendre chacun responsable de l’avenir de l’Océan et de créer une “citoyenneté de l’Océan”. Pourquoi ? Parce qu’on constate que les gens sont très sensibles à la désertification, à la déforestation, mais la Mer les indiffère un peu parce qu’au fond, elle semble immuable, inchangée, intouchable... Et les citoyens exercent finalement très peu de contrôle sur la Mer. On est citoyen à l’échelle de sa ville, de son pays, et il faudrait créer une citoyenneté de la mer. Cela se concrétise par ces ambassades de l’océan : on délivre aux enfants de La Réunion, cette année, un passeport de citoyen de l’océan. C’est une récompense, parce qu’il y a des jeux, mais c’est aussi un engagement, vis-à-vis des économies d’énergies, de l’eau : il y en aura à Sainte-Suzanne, à la médiathèque de Saint-Denis et à la médiathèque du Port, à Kélonia... C’est une idée générale, invitant les citoyens à intervenir à deux niveaux : dans ses gestes quotidiens et au plan politique, pour que les décisions en faveur des économies d’énergie et de l’environnement, des politiques de transport écologiques ou de la protection des écosystèmes marins soient adoptées et respectées.

Quelle suite est envisagée à cette sensibilisation des citoyens de la mer ?

- Nous semons des graines dans les esprits. L’idée de la Région et du Département, qui ont financé l’opération, est de prolonger cette célébration de la Journée mondiale de l’Océan (le 8 juin). Cette Journée a été instituée au Sommet de Rio ; elle est patronnée par l’UNESCO et c’est le réseau Océan Mondial qui est chargé de l’organiser. Nous le relayons ici, sur convention, dans le but de pérenniser l’action.
A titre d’exemple, je peux citer les visites de l’étang du Gol, organisées pour montrer les efforts de restauration de la faune et de la flore. Des classes ont été accueillies, mardi et jeudi ; ce samedi, c’est l’accueil tout public, par groupe de 20 à 30 personnes. Mais le proviseur du lycée Victor Schœlcher, qui a des classes de Bac Pro Environnement, a décidé de faire de cette journée le départ d’un travail pédagogique et scientifique qui va s’étaler sur toute l’année. Les élèves reviendront, prendront des photos, dans le cadre d’un travail sur 1 an planifié avec leurs enseignants.
Le deuxième exemple concerne les bateaux qui font des sorties depuis le port de Saint-Gilles. Ils se sont mis en relation pendant le week-end avec des associations comme Globice et Vie océane qui accompagneront les visites. Ils ont été enchantés de cette expérience et vont la renouveler au cours de l’année, pour que les messages passent pendant les sorties.

Il a beaucoup été question aussi des changements climatiques et des ressources énergétiques tirées des océans...

- En termes d’information générale, il y a eu les conférences à Saint-Pierre, sur l’avenir énergétique de La Réunion, montrant la part des différents systèmes qui peuvent être mis en place en faisant appel à la mer, comme le système Pelamis (dernier né des serpents de mer écossais, c’est un système de centrales houlomotrices - Ndlr), qu’un consortium industriel est prêt à mettre en place, en commençant par financer les études de faisabilité. On a évoqué l’énergie thermique de la mer. A cet égard, on a une chance extraordinaire à La Réunion, qui est que deux branches du fameux “tapis roulant” qui parcourt le globe* passent par Madagascar et La Réunion. Cela permet d’envisager des dispositifs du type de ceux qui sont mis en place aux îles Hawaï, au Japon, aux Indes. Et l’Inde finance, pour 25 à 30 millions de dollars, des travaux à l’île Maurice pour le captage de cette énergie des mers. C’est aussi le projet de la Ville du Port, où des sondages se font déjà au large, pour voir comment climatiser les bâtiments avec l’eau de ce courant froid, très riche en minéraux.
En termes d’objectifs généraux, nous espérons obtenir que les Réunionnais - dont on disait autrefois qu’ils tournaient le dos à la mer - se rendent compte que la mer aura de plus en plus de place dans leur vie quotidienne : comme source d’énergie, comme source de nourriture - puisque l’aquaculture met au point de nouveaux dispositifs qui devraient prendre de l’importance - et parce que La Réunion devient un centre d’excellence pour la recherche scientifique : les travaux sur les coraux, l’aquaculture, les microalgues, les algues, les récifs artificiels et l’énergie - tout cela commence à se développer et va se traduire par des applications concrètes dans les années à venir.

Propos recueillis par P. David

* Voir la Conférence de Laurent Gautret (ARER), ce samedi, 16h, au CyberDom  : “Les énergies de la mer”.
Ce “tapis roulant” est un courant sous-marin qui prend naissance en mer du Groenland, là où les courants d’eau salée apportés par le Gulf Stream en surface “plongent” à 3 km de profondeur et repartent, du Nord au Sud. Mais selon certains scientifiques, il faudrait craindre pour l’avenir du climat que ce tapis roulant s’arrête, si la fonte de la banquise et l’abondance d’eau pluviale (douce) rendaient, en mer du Groenland, les eaux de surface trop légères pour plonger.


Vivre tournés vers l’océan : l’affaire de tous

La Semaine de l’Océan a été organisée, à l’instigation d’Alain Tardy, correspondant du réseau Océan Mondial, avec le centre Kélonia (Région Réunion) et les Lions Clubs, ainsi qu’avec le soutien financier du Département. La Journée mondiale de l’Océan a pour marraine la navigatrice Maud Fontenoy.
Du 2 au 8 juin, de très nombreuses activités se sont déroulées dans les différentes “ambassades” : Sainte-Suzanne, Saint-Denis, Le Port, Saint-Gilles (Saint-Paul), Saint-Leu, Saint-Louis et Saint-Pierre... En milieu scolaire, là où des équipes pédagogiques ont été sensibilisées, et en direction du grand public, par le biais des “ambassades” que sont les stands et manifestations organisés sur un site ou dans une commune. Il s’agit d’une première édition et d’autres “ambassades” apparaîtront certainement avec la consolidation de cette initiative.
Son objectif est d’entraîner le plus grand nombre de citoyens à prendre conscience de problématiques comme la gestion durable des ressources de l’océan, la protection de la biodiversité marine, la diminution des gaz à effet de serre qui, en polluant les océans, affectent l’équilibre des écosystèmes et entraînent un réchauffement des eaux de surface et l’élévation du niveau de l’océan.
Il est tout aussi important de réduire le gaspillage et la pollution des eaux, de favoriser un tourisme et des activités de loisir responsables et de mettre en œuvre une gestion durable des espaces côtiers.
Tout ceci recoupe les grandes orientations de nos collectivités territoriales, mais il ne suffit plus de voir nos institutions prendre des mesures en restant spectateurs et quelquefois victimes des décisions prises, parce que des conflits d’usage ou des contradictions surgissent entre les différents domaines considérés, entre différents acteurs. Il importe que chacun se demande véritablement ce qu’il peut faire et, dans certains cas, ce qui peut être imaginé pour concilier respect de l’environnement et activités humaines non dégradantes, non prédatrices.
Cet effort est à la portée de chacun de nous.

P. David


Au Port

• Hall D2 :
Comité des pêches et Aquaculture en démonstration

Toute cette semaine, des expositions, des films et des visites guidées ont porté sur les ressources halieutiques et les énergies nouvelles.
Dans le Hall D2, sur les quais du port Ouest, une exposition de l’IRD (Institut de Recherche pour le Développement), “Des poissons et des hommes”, donne de nombreux exemples de gestion des ressources marines exploitées, dans les mers du Sud notamment et expose les problématiques auxquelles sont confrontés la plupart des pays émergents de notre région : comment vivre de la pêche, développer une filière d’activité tout en protégeant la ressource de prélèvements excessifs qui l’exposent à une trop forte pression (avec les ponctions de la pêche pirate).

L’ARDA a installé un mini laboratoire, avec des microscopes, pour montrer aux scolaires le développement des poissons de culture. Vincent Bernier, de l’ARDA, accueillait hier une classe de CM2 de l’école Charles Vendomèle. L’institutrice, Michèle Lambert - qui est aussi élue municipale en charge de la Culture - a entraîné ses élèves vers les films du CyberDom, dont la qualité a été très appréciée. « Pour les enfants, ils apportent un contenu très vivant aux propos des expositions », a-t-elle estimé.
A côté, Sandra, du Comité des Pêches, a expliqué aux enfants le principe des récifs artificiels, auxquels travail le Comité des Pêches (cf. www.crpm.re). « Le projet est d’implanter des récifs artificiels sur les zones sablonneuses pauvres - à La Possession, au Port et en baie de Saint-Paul - pour compenser l’interdiction de pêche faite sur la zone de réserve », explique la jeune femme.
Le principe est de récupérer des poteaux EDF (les réseaux étant enfouis, de plus en plus) pour en faire des hexapodes (structures à 6 pieds) servant de dispositifs à concentration de poissons. De matière inerte, non polluante, ces structures ont une durée de vie moyenne de 30 ans et leur immersion peut laisser espérer - comme cela a été testé en d’autres lieux - l’arrivée d’abord de petits poissons pélagiques (poissons migrateurs) puis de poissons de fond qui en feront leur habitat.

• A la médiathèque Benoîte Boulard :
La culture de la mer

L’exposition proposée par la médiathèque Benoîte Boulard a été préparée par la Confrérie des gens de la mer, sur de très nombreux aspects de la tradition maritime réunionnaise. Une vingtaine de panneaux parcourent nos 3 siècles d’Histoire depuis les visiteurs européens (qui n’étaient sans doute pas les premiers), la piraterie, la navigation marchande, le marronnage par mer, puis les marines et le batelage - qui servait au débarquement et embarquement des marchandises -, le bornage (ou cabotage) qui servait à relier un point de l’île à un autre, avant le chemin de fer.
Les vestiges de toute cette activité maritime apparaissent dans quelques toponymes, dans la tradition de chantier naval dont ne subsiste plus que la construction des canots de pêcheurs, ou dans la généalogie de certaines familles. Tous ces aspects sont évoqués, de même que les mots du créole issus de cette tradition maritime, l’histoire des épaves sous-marines et, d’une façon générale, toute forme de valorisation du patrimoine de la mer, qui est l’objet même de l’association auteur des panneaux.

L’Exposition est à la Médiathèque, et une conférence a lieu aujourd’hui, à 14h au CyberDom, sur “L’histoire de l’activité maritime à La Réunion”.

Aussi au programme...

Le reste du programme, au Port, se passe à la base nautique, les 7 et 8 juin (quai 8), avec l’Albatros et la Police des pêches du Grand Sud, le navire Albius de la Sapmer (pêche à la palangre), et l’ARDA, pour des visites (en bateau) des cages aquacoles en baie de Saint-Paul, par petits groupes de 10 personnes.
A la médiathèque, de 9h à 12h, des conférences d’ECOMAR pour “public averti”.
Les conférences grand public ont lieu au CyberDom, ce samedi, de 14h à 18h, avec l’IFREMER, Kelonia et l’ARER.
Des films-débats tout public sont prévus dimanche 8, de 15h à 17h, au CyberDom. Les ambassades de la mer, animations et jeux avec le Lions Clubs, auront lieu le 7 et 8 juin à la Base nautique (port Ouest).

A voir encore...

A Saint-Denis...
Les expositions (COI, Muséum d’Histoire naturelle, Diren, Lacy et CNES, Séor, Office de l’eau...) sont à la médiathèque, de même que des projections de films et des conférences, samedi de 14h30 à 18h30.
Au Babookafé, ce samedi à 16h, projection de “Mtsanga Baharini”, film poétique et écologique sur la mer. Ambassade de l’Océan.

A Saint-Gilles les Bains...
Au port de plaisance, les animations ont lieu encore les 7 et 8 juin sur le thème “Donnons l’exemple pour une mer propre”, “Pêche traditionnelle dan tan lontan et zordi”.
L’Aquarium et l’ARVAM proposent des animations de plongée pour la “Surveillance des récifs coralliens par des non scientifiques”.
Des sorties en bateau sont organisées aux kiosques Grand Bleu et Visiobul, ainsi que des sorties plongées, aux centres O Sea Bleu et Corail Plongée.

A l’Hermitage, dans la Réserve naturelle marine : visite du sentier sous-marin avec le Parc marin et Vie océane (près du restaurant Le Toboggan).

A Saint-Pierre...
L’ambassade de l’océan donne rendez-vous aux enfants sur la plage, les 7 et 8 juin (Lions Clubs).

A Saint-Louis...
Visite de l’étang du Gol, pour tout public, ce samedi à 9h30 (au GCEIP, durée : 2h30) - contact : M. Leperlier 0692-86-81-21.

A Saint-Leu...
Les 7 et 8 juin, animations tout public à la Base nautique, Kélonia ; Exposition dans le hall d’entrée de Kélonia jusqu’au 8 juin (entrée libre). Conférence le 7 juin de 14h30 à 16h45. Ambassade de l’océan avec le Lions Clubs.

A Sainte-Suzanne...
Tout se passe les 7 et 8 juin au quartier de la marine, au Phare et à la mairie. Animations et ambassade de l’océan avec le Lions Clubs, au Phare. A 17h30, salle de la Mairie de Sainte-Suzanne : conférences et films “Sans réserve” et “Santé et environnement”.


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus