’Plaidoyer pour l’inscription des îles Tromelin, Glorieuses, Juan de Nova, Europa et Bassas da India au Patrimoine mondial naturel de l’UNESCO’ — 2 —

Juan de Nova, Europa et Bassas da India

5 mars 2011

Dans la première partie de la libre opinion du professeur André Oraison relative à l’inscription de plusieurs Îles éparses au Patrimoine mondial, nous avons évoqué l’histoire de ces terres émergées situées en des lieux stratégiques, le récif de Tromelin, l’archipel des Glorieuses, Juan de Nova, Europa et Bassas da India. Aujourd’hui, nous allons voir les caractéristiques des trois derniers îlots.

Juan de Nova, Europa et Bassas da India présentent deux points communs. D’une part, ils ont été rattachés ensemble à l’Empire colonial français, en vertu de la loi du 6 août 1896 qui déclare dans un "Article unique" colonie française "Madagascar avec les îles qui en dépendent". Ensuite, ils présentent une unité au plan géographique dès lors qu’ils sont ancrés à l’intérieur même du canal de Mozambique.

1. Juan de Nova
émerge au milieu du canal de Mozambique dans sa partie la plus resserrée, à 600 kilomètres au Sud de Mayotte et 280 kilomètres de l’Afrique orientale. Des cinq îles Éparses, Juan de Nova est la plus proche de Madagascar : elle est située à 150 kilomètres de Tambohorano. Couverte de filaos, de veloutiers et de cocotiers et abritant une importante colonie de sternes fuligineuses, Juan de Nova a l’aspect d’un croissant. L’île mesure 6 kilomètres dans sa plus grande dimension. Mais sa largeur ne dépasse pas 1.700 mètres. Sa superficie est de 5 kilomètres carrés. Protégée par une barrière de corail et un lagon peu profond, l’île comprend des dunes de sable pouvant atteindre 8 à 10 mètres de hauteur.

2. Europa émerge dans la partie la plus méridionale du canal de Mozambique à 600 kilomètres au Sud de Juan de Nova et à 300 kilomètres à l’Ouest de Madagascar. Austère et basse dans la mesure où elle culmine à 12 mètres d’altitude, Europa a une forme ovoïde. Elle a un diamètre de 7 kilomètres. Un lagon intérieur couvre le cinquième du récif dans sa partie Nord-Est. Avec une superficie de 30 kilomètres carrés, Europa est de très loin la plus vaste des îles Éparses. Plantée de palétuviers en bordure du lagon, d’euphorbes arborescentes sur la majeure partie de l’île ainsi que de filaos, de sisals et de quelques cocotiers, Europa abrite des rongeurs, des crabes, des pagures et des moustiques en très grand nombre. C’est enfin un lieu de passage privilégié pour certaines espèces d’oiseaux migrateurs — les sternes fuligineuses (des centaines de milliers d’individus au moment de la reproduction) et les flamants roses — et le plus important site mondial de reproduction pour les tortues marines de l’espèce chelonia mydas.

3. Bassas da India émerge dans le Sud du canal de Mozambique à 350 kilomètres à l’Ouest de Madagascar et 125 kilomètres dans le Nord-Ouest d’Europa. Des cinq îles Éparses, Bassas da India est la plus inhospitalière. Elle se présente comme un atoll en formation ayant la forme d’un cercle presque parfait et dénudé. La couronne de madrépores isole de l’océan un lagon intérieur. À marée basse, son diamètre mesure une douzaine de kilomètres. Mais à marée haute et à l’exception de quelques rochers isolés, l’îlot est recouvert par la mer d’une épaisseur peu importante : sa situation au ras des flots suffit à justifier le nom qui lui a été donné. Par suite, faune et flore terrestres sont absentes. Le récif a constitué un danger extrêmement redoutable pour la navigation au temps de la marine à voiles, à une époque où sa position était plus qu’approximative sur les cartes marines. Des épaves de navires d’époques diverses témoignent, au voisinage de ce quasi haut-fond découvrant, de nombreux naufrages. En raison des changements climatiques imminents, Bassas da India pourrait fort bien disparaître avant la fin du siècle.

Pendant très longtemps, les îles Éparses n’ont offert que des avantages limités. Elles sont dépourvues d’intérêt économique. Par manque d’eau douce, elles sont impropres à l’agriculture et à l’élevage. Leur sous-sol ne renferme ni minerais, ni richesses énergétiques. Ces éléments négatifs ont été propices à la mise en œuvre d’une politique ambitieuse de protection de la faune et de la flore des îles Éparses qui devrait logiquement favoriser leur classement au "Patrimoine mondial naturel" de l’UNESCO. En revanche, les eaux les entourant présentent une utilité économique. En application de la loi du 16 juillet 1976, un décret du 3 février 1978 a créé au large des îles Éparses une zone économique exclusive (ZEE) qui s’étend jusqu’à 200 milles marins de leurs côtes. Cette ZEE de 640.000 kilomètres carrés est soumise à la souveraineté française pour l’exploitation de ses ressources biologiques, minérales ou énergétiques.

Les îles Éparses présentent aussi un intérêt au plan météorologique. Les stations implantées à Europa, à Juan de Nova, à Tromelin et aux Glorieuses ont pour mission de détecter la trajectoire des cyclones qui menacent les populations locales. Depuis 2001, l’automatisation des stations est effective à Juan de Nova, aux Glorieuses et à Europa. Le personnel de Météo-France n’est maintenu qu’à Tromelin en raison de la position du récif sur la Route des cyclones. Afin de faciliter les liaisons avec La Réunion, des pistes d’atterrissage ont été aménagées à Tromelin, à Europa, à Juan de Nova et à la Grande Glorieuse. Depuis le 26 juin 1960, date de l’indépendance malgache, les liaisons sont assurées entre La Réunion et ces îlots par des Transall C-160 de la base aérienne 181 "Lieutenant Roland Garros" de Gillot.

(A suivre)

Par André Oraison, Professeur des Universités


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