Instance Locale de Concertation (ILC) pour le traitement de déchets à La Réunion

L’incinération n’est pas la solution

6 décembre 2006

La semaine dernière, lors de la réunion de l’ILC consacrée aux aspects santé environnement, il a été incontestablement établi que l’incinérateur est dangereux pour la santé des individus. Trop de questions restent sans réponse notamment concernant tous les autres polluants, à part la dioxine, qui sortent de ces usines. D’ailleurs, l’Institut National de Veille Sanitaire (INVS) a présenté le 30 novembre dernier une étude accablante sur le lien entre l’incinérateur et le cancer.
Cette seconde mission d’expertise, réunie hier, avait pour objectif de débattre du choix des technologies et des filières de traitement des déchets ménagers.

Hervé Vanlaer, sous-directeur des produits et des déchets au ministère de l’écologie et du développement durable et Erwann Autret, ingénieur au sein du département des déchets de l’ADEME d’Angers ont fait le déplacement depuis la métropole pour nous « vendre leur incinérateur dernière génération », dit-on dans la salle. « Non ! » rétorquent les intéressés, « nous sommes venus vous informer sur les différentes filières qui existent pour le traitement des déchets ménagers ». Mais il est vrai que l’accent a été porté davantage sur l’incinérateur, et on avait l’impression, juste une impression, qu’ils nous vendaient leur produit.

Objectif : Réduire les déchets

Le ministère de l’écologie et l’ADEME sont unanimes : « il est essentiel de réduire les déchets à la base ». Après avoir réduit la production des déchets à la source, nous avons 2 solutions pour traiter les déchets effectivement produits. Soit, on applique le tri sélectif qui sera ensuite suivi du recyclage, du compostage et de la méthanisation. Soit on choisit la solution collecte des déchets et ensuite stockage et incinération. D’après nos experts, l’une ne va pas sans l’autre, c’est-à-dire qu’on ne pourra jamais recycler 100% des déchets, il restera toujours une quantité de déchets résiduelle qu’il faudra soit enfouir, soit incinérer puis enfouir de nouveaux car n’oublions pas que l’incinérateur ne détruit pas les déchets ; pour 100 tonnes de déchets ménagers traités dans un incinérateur, il en ressort encore 30 tonnes de déchets solides qu’il faut encore enfouir.
Donc l’objectif, c’est quoi ? Il faut davantage développer le tri sélectif et le recyclage. A La Réunion, nous avons encore beaucoup d’efforts à faire à ce niveau. Plus le recyclage, le compostage et la méthanisation seront développés, moins il restera de déchets résiduels. Aujourd’hui, 60 à 70% des déchets de la décharge de la Rivière St Etienne pourraient être recyclés. Alors que fait-on ? On essaie au maximum de développer la filière du tri sélectif, recyclage, etc... Ou alors, on choisit la facilité, et on incinère tout ?

Comment ça marche un incinérateur ?

Pour bien comprendre, il est nécessaire de savoir que, lorsqu’on construit une usine de ce type, c’est pour 20 ans et plus. C’est un four qui tourne 24h/24 et 7j/7. Il faut savoir également que le four doit fonctionner avec la même quantité de déchets. C’est-à-dire que si aujourd’hui, par exemple, on estime que la quantité de déchets à incinérer est égale à 100.000 tonnes, il faut que dans 10 ans, la quantité de déchets à brûler soit aussi égale à 100.000 tonnes. Pour l’ACCIDOM, c’est un engrenage dans lequel il ne faut pas entrer. Imaginons que dans 10 ans, on arrive à diminuer la quantité de déchets, et qu’il ne reste plus que 50.000 tonnes à brûler. Comment fait-on pour “faire tourner” cet incinérateur ? Quelles conséquences financières pour les investisseurs ?
C’est pour cela qu’il faut, en amont, diminuer la production de déchets et par la suite, développer la filière recyclage.

Un rapport accablant contre l’incinérateur

L’Institut National de Veille Sanitaire (INVS) a présenté une étude accablante pour l’incinération des déchets, qui confirme que les populations vivant à proximité d’incinérateurs d’ordures ménagères sont exposées à un risque accru de cancer.
L’étude “Incidence des cancers à proximité des usines d’incinération d’ordures ménagères” constitue la plus vaste étude épidémiologique jamais réalisée en France sur l’impact sanitaire de l’incinération.
« Il est désormais démontré que l’incinération est responsable de cancers sur les populations locales vivant à proximité », déclare Sébastien Lapeyre, chargé de mission Incinération au CNIID.
Le CNIID réclame un moratoire sur l’incinération et la suspension immédiate des 16 projets d’incinérateurs en France.
L’INVS a mené conjointement deux études sur l’imprégnation par les dioxines et l’incidence des cancers à proximité des usines d’incinération d’ordures ménagères. Cette dernière met en évidence une relation significative entre le lieu de résidence sous un panache d’incinérateur de 1972 à 1985 et l’augmentation du risque de certains cancers, notamment les cancers du sein chez la femme.
Ces effets sanitaires ne sont apparemment pas seulement liés à la dioxine mais aussi aux nombreux autres polluants émis par les incinérateurs, dont la grande majorité ne sont ni mesurés ni contrôlés.
D’une part, l’incinération produit des milliers de polluants autres que la dioxine, d’autre part les dioxines et polluants, qui ne sont pas rejetés dans les fumées, se retrouvent dans les résidus solides et liquides de l’incinération (mâchefers, résidus des fumées d’incinération, rejets liquides de traitement) et sont donc diffusés dans l’environnement par d’autres voies.
Face à ce rapport, Hervé Vanlaer, nous dit que ces études ont été effectuées sur des incinérateurs des années 1990. Les incinérateurs nouvelle génération émettraient moins de dioxines que les précédents. De plus, il a déclaré que « l’excès de certains types de cancers est modeste, c’est une question d’interprétation ». Pour cet expert, le lien n’est pas établi, une augmentation du risque de 4,8% à 6,9% pour le cancer du sein et de 6,8% à 9,7% pour le cancer du foie, ce n’est pas significatif pour Hervé Vanlaer.
Aujourd’hui, ce qu’on peut dire, c’est que le principe de précaution voudrait qu’on ne prenne pas de risques, n’est-ce pas ? D’autant plus que cette usine ne réglera pas le problème des déchets à La Réunion.
En attendant la décision finale qui sera prise par le conseil général bientôt, le mercredi 13 décembre prochain, une réunion débat aura lieu au département avec l’ILC où il sera question de discuter de la révision ou non du plan départemental d’élimination des déchets ménagers et assimilés, approuvé en 1996 et révisé en 2002.

Sophie Périabe


Le CNIID

Le CNIID (Centre National d’Information Indépendante sur les Déchets) est une association dédiée à la réduction à la source en toxicité et en quantité des déchets. Il est uniquement financé par ses adhérents et dénonce la gestion actuelle des déchets en France, dont 40% sont incinérés et 40% sont mis en décharge.
Les campagnes que le CNIID mène ont pour but d’informer sur la toxicité des déchets en général, ou sur un type de déchet particulier, de dénoncer les atteintes environnementales et sanitaires liées à leurs traitements et de proposer des alternatives saines. Il intervient par le biais de conférences partout en France, envoie de la documentation aux personnes qui le souhaitent, et propose des actions...
D’autre part, le CNIID fait partie de la « Coordination nationale pour la réduction des déchets à la source », qui regroupe plus de 290 associations de terrain et dont il assure le secrétariat. Les associations membres combattent des incinérateurs et décharges en projet ou existants et promeuvent la réduction des déchets à la source comme solution alternative.

S.P.


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Messages

  • bonjour !

    ok avec vous pour dire que l’incinération et la mise en decharge ne sont pas de bonnes solutions. cependant, le zéro déchet est impossible alors quelle solution propose le cniid pour l’élimination de tout ce qui ne peut être recyclé ?

    merci

    j louis


Témoignages - 80e année


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