Utiliser l’océan comme une éponge à CO2

L’océan pour lutter contre le réchauffement climatique

18 avril 2023

Dans le port de Los Angeles, des chercheurs ont posé dans une barge des tuyaux et des réservoirs afin de faire des vagues. Ils souhaitent ainsi se servir de l’océan comme d’une éponge à CO2, pour retirer le gaz à effet de serre de l’atmosphère.

Une équipe de scientifiques de l’université UCLA (University of California Los Angeles) travaille depuis deux ans sur ce projet visant à lutter contre le réchauffement climatique, nommé SeaChange.

Leur objectif est "d’utiliser l’océan comme une grosse éponge", a expliqué à l’Agence France Presse, Gaurav Sant, directeur de l’Institut de gestion du carbone (ICM) de UCLA. Ce dernier a expliqué que les mers recouvrant l’essentiel de la Terre sont le meilleur allié climatique, car l’océan absorbe plus d’un quart de toutes les émissions de dioxyde de carbone (CO2) et 90% de la chaleur qu’elles ont émises ces dernières décennies.

Cependant, l’océan est en danger, car il s’acidifie et l’élévation des températures diminue sa capacité d’absorption. L’équipe de scientifique souhaite augmenter cette capacité d’absorption, grâce à un procédé électrochimique qui retire le CO2 contenu dans l’eau de mer.

"Si on arrive à éliminer le dioxyde de carbone présent dans les océans, on renouvelle essentiellement leur capacité à capter du dioxyde de carbone supplémentaire de l’atmosphère", a expliqué Gaurav Sant, directeur de l’Institut de gestion du carbone.

Ce dernier a expliqué que c’est comme presser une éponge pour récupérer son pouvoir d’absorption. Les ingénieurs ont donc développé une mini-usine flottante sur un bateau d’environ trente mètres de long, qui pompe l’eau de mer et la soumet à une charge électrique.

L’électrolyse déclenche alors une série de réactions chimiques qui finissent par neutraliser le CO2 initialement contenu dans l’eau. Ce gaz se retrouve piégé dans une fine poudre blanche qui contient du carbonate de calcium et du bicarbonate de magnésium.

Ces minéraux naturels peuvent être relâchés dans l’océan, ce qui permet de "stocker le CO2 de manière très durable (...) pendant des dizaines de milliers d’années", selon Gaurav Sant. Et l’eau pompée retourne à la mer, prête à réabsorber le gaz à effet de serre de l’air.

Le directeur de l’Institut de gestion du carbone est persuadé que le processus n’aura pas d’impact sur l’environnement marin, mais cela reste encore à confirmer. Outre le retrait du CO2 de l’atmosphère, le procédé produit également de l’hydrogène, un gaz essentiel à la transition énergétique.

La priorité pour enrayer le changement climatique reste de faire baisser drastiquement nos émissions de C02, ce que l’humanité n’arrive actuellement pas à faire, ont assuré les scientifiques.

Toutefois, la plupart des scientifiques soulignent que les techniques de capture et stockage de CO2, regroupées sous le nom de "carbon dioxide removal" (CDR), vont jouer un rôle complémentaire pour garder la planète vivable.

Dans un premier temps, ces techniques permettront d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 en compensant les émissions des industries les plus difficiles à décarboner comme l’aviation, la cimenterie ou l’aciérie.Par la suite, elles pourront s’attaquer aux stocks de CO2 accumulés dans l’atmosphère depuis des décennies.

Pour pouvoir garder le réchauffement climatique sous contrôle cela nécessite d’extraire entre 450 milliards et 1,1 billion de tonnes de C02 de l’atmosphère d’ici à 2100. Cela implique que le secteur du CDR "croisse à un rythme d’environ 30% par an sur les 30 prochaines années, un peu comme l’ont fait le solaire et l’éolien", a insisté l’un des auteurs d’un rapport publié sur le sujet, Gregory Nemet, professeur à l’université du Wisconsin-Madison.

La technologie de UCLA "entre dans la catégorie des solutions prometteuses qui pourraient être suffisamment importantes pour avoir une incidence sur le climat", selon ce dernier. Le scientifique a expliqué qu’en séquestrant le CO2 directement dans l’océan sous forme minérale, elle diffère nettement de la capture directe du CO2 dans l’air (DAC).

Cette technique-ci nécessite de trouver un site pour stocker le gaz dans le sol, un processus très complexe et onéreux. "Un gros avantage de notre procédé, c’est qu’on n’a pas besoin de pomper du CO2 dans le sol", reprend Gaurav Sant.

Le projet va être commercialisé par une start-up, Equatic, chargée de démontrer sa faisabilité à l’échelle industrielle et de vendre des crédits carbone aux entreprises souhaitant compenser leurs émissions.

Outre la barge de Los Angeles, un bateau similaire est actuellement testé à Singapour. Les résultats des expériences des deux sites doivent permettre de concevoir des usines de plus grande capacité, pouvant "séquestrer des milliers de tonnes de CO2 par an", selon Gaurav Sant, qui espère qu’elles seront opérationnelles d’ici "18 à 24 mois".


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