La gestion des déchets : d’abord penser à l’Homme

27 décembre 2006

Le développement durable est en quête de repères. À La Réunion, nous tentons de fixer ces repères, comme on le fait ailleurs dans le monde au travers d’Agendas 21, de protocoles (comme celui de Kyoto ou le Protocole national canadien sur l’emballage), au travers de programmes d’actions de développement durable (celui de la Barbade en1994 pour les Petits Etats Insulaires en Développement), ou encore au travers de résolutions lors de Conférences ou Sommets mondiaux sur l’environnement.

Le concept de développement durable est un concept éthique. La signification morale de l’éthique du développement durable ne se situe pas dans les préoccupations théoriques et pointues d’experts, mais dans la vision d’un mode de vie pour les Réunionnais. Les défis environnementaux, comme celui de la gestion des déchets à La Réunion, ne relèvent ni exclusivement, ni principalement du domaine scientifique et technologique.

Le prix à payer pour la vie que nous voulons mener

Les problèmes de l’environnement soulèvent des interrogations fondamentales sur ce à quoi nous accordons du prix en tant qu’êtres humains, sur ce que nous sommes, sur la vie que nous menons ou devrions mener, sur notre place dans la nature, sur le rôle positif et actif que chacun de nous peut jouer pour la protection du patrimoine planétaire...

Les rapports entre l’activité humaine et la détérioration de l’environnement sont tellement évidents que l’être humain est en forte demande d’éthique. Les débats, à l’UNESCO, au sein de la Commission mondiale de l’éthique des connaissances scientifiques et des technologies (COMEST) sur, par exemple, le thème “l’éthique de l’énergie” le montrent bien. Les problèmes environnementaux appellent des réponses à des questions qui sont essentiellement d’ordre éthique et philosophique.

Au sein de l’Instance Locale de Concertation (l’ILC), il y a une volonté manifeste de s’en remettre aux experts scientifiques et administratifs alors que le choix attendu n’est pas un choix scientifique mais bien un choix de société, donc un choix philosophique !
Le questionnement philosophique que nous devrions avoir au sein de l’ILC et auquel chaque Réunionnais devrait tenter de répondre est le suivant :
Que sommes-nous sur la terre réunionnaise ?

Deux conceptions opposées de ce que nous sommes...

Sommes-nous des sur-consommateurs, des salisseurs insouciants, les membres soumis d’une société du tout-jetable, des producteurs-distributeurs pollueurs, des citoyens aux comportements incorrigibles ? Dans ce cas, alors incinérons nos ordures et produisons suffisamment de déchets pour alimenter cet incinérateur qui produira des déchets toxiques que nous devrons hautement surveiller en attendant que, dans 20 ans, l’INVS rende un rapport intitulé “Incinérateurs nouvelles normes de Pierrefonds/Bois Rouge et conséquences sur la santé des Réunionnais”.

Si par contre, notre existence sur Terre a un sens différent, si l’activité humaine ne consiste pas seulement à vendre ou acheter, à jeter puis faire partir en fumées et cendres toxiques ce que nous jetons ; si exister, c’est réfléchir sur le mode de vie de l’humanité et mesurer les conséquences de l’activité humaine et rechercher des solutions, mettre des limites à cette activité quand elle est nocive alors... alors... le choix ne peut pas être celui de l’incinération.

Pour un choix de société qui place l’Homme au centre des enjeux

Alors, c’est le choix d’une société où chacun sur la terre réunionnaise participe à importer, produire, distribuer, consommer dans le respect des valeurs du développement durable et s’engage à réduire, trier, recycler et traiter au maximum, et enfouir au minimum.
Il est vrai que ce choix nécessite des efforts, des changements de mentalité et de comportement (de la part des importateurs, des producteurs, des distributeurs, des consommateurs, des administrations, des collectivités...), mais n’est-ce pas faire insulte aux Réunionnais que de penser qu’ils sont incapables de renverser la tendance et qu’ils sont d’incorrigibles pollueurs.

L’incinération est-elle une valeur du développement durable ? N’est-elle pas plutôt un acte de démission, une acceptation défaitiste de la “société du tout jetable” et un aveu d’impuissance à la transformer en “société du moins jetant, du tout récupérable”. N’est-elle pas un acte d’enracinement de la société réunionnaise dans le consumérisme compulsif ? Quel est le message qui se trouve derrière l’incinérateur ? Quels intérêts les porteurs de ce message servent-ils ? Que veulent-ils faire de nous sur la terre réunionnaise ?

Refuser la vision du Réunionnais consommateur : pour un comportement citoyen et responsable !

Le discours de l’Etat véhicule une perception rétrograde de la gestion des déchets dans la mesure où il se focalise sur l’outil de traitement des résiduels, alors que les efforts doivent porter sur l’amont, sur la prévention des déchets et l’effort en faveur d’une consommation durable.
L’Etat se focalise sur l’aval, à savoir sur une élimination radicale des déchets. Ainsi, il prétend résoudre le problème alors qu’il ne fait que le déplacer, voire l’amplifier dans la mesure où la présence d’un incinérateur aura pour effet induit un relâchement total des comportements à la source.

La gestion des déchets ne consiste pas à créer des UIOM de plus en plus performants et chers ! La solution est dans une consommation durable permettant de satisfaire les besoins tout en limitant la consommation de ressources pour limiter la production de rejets. Pour cela, la priorité essentielle d’un PDEDMA doit être mise dans la prévention et l’éducation.

Ce débat devrait être pour nous, Réunionnais, l’occasion de mettre le nez dans nos poubelles, de mesurer ainsi les effets de notre mode de consommation et de comprendre que ce que nous jetons est le résultat de nos choix d’acquisition. Cela nous mène donc à un questionnement sur nos réels besoins, sur le gaspillage, sur "comment vivre demain" face à l’anéantissement écologique qui nous menace.

Graziella Leveneur


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