Un article de Graziella Leveneur pour la Semaine mondiale de l’eau

La gestion durable de l’eau : un défi à l’échelle mondiale et réunionnaise

23 août 2006

À l’occasion de la Semaine mondiale de l’eau, célébrée du 20 au 26 août, Graziella Leveneur a fait parvenir à “Témoignages” une série d’articles à ce sujet. La conseillère générale de Saint-Pierre fait le point sur le problème de la gestion durable de l’eau, qui est une préoccupation planétaire, mais aussi réunionnaise.

2,6 milliards de personnes (soit 40% de la population mondiale) n’ont pas accès à l’eau potable et à l’assainissement de base. Parmi elles, 1,1 milliard n’ont carrément pas accès à de l’eau simplement potable de façon durable. On estime que l’amélioration des conditions d’accès à l’eau potable, des services d’assainissement et de l’hygiène permettraient de sauver 1,6 million de vies chaque année, principalement des enfants.
Au cours du 20ème siècle, alors que la population mondiale s’est multipliée par trois, la consommation en eau s’est multipliée par six.
"Notre capacité à satisfaire une demande planétaire toujours croissante dépendra d’une bonne gouvernance et d’une bonne gestion des ressources disponibles", indique un rapport de l’ONU en date du 13 mars 2006. De plus, "la qualité de l’eau est de moins en moins bonne dans la plupart des régions".

Quelle politique de l’eau
pour 1 million de Réunionnais ?

Dans ce contexte mondial de dégradation de la qualité et d’augmentation de la consommation, il nous est apparu essentiel de considérer la situation réunionnaise, les aspects historiques, culturels, économiques de l’eau à La Réunion afin d’en faire la meilleure gestion et préservation dans les années à venir.
L’augmentation démographique entraînera une augmentation de la consommation d’eau et les Réunionnais doivent déjà se dire que l’eau pourrait devenir une denrée rare et cher si nous n’apprenons pas à la gérer.
Dans le passé, quelles stratégies ont été conçues et mises en œuvre à La Réunion ?
Quelle politique de l’eau faut-il pour une île peuplée en 2025 d’un million d’habitants ?

Un peu d’Histoire

Il est important de rappeler quelques éléments de l’Histoire du partage de l’eau et de l’irrigation à La Réunion pour avoir une vision globale de ce problème aujourd’hui et pour comprendre les enjeux autour de l’eau dans notre pays.
Il faut savoir que c’est pour la canne à sucre qu’on a créé au début du 19ème siècle des canaux par gravité sur les différentes propriétés. Par exemple, sur la propriété du Gol, dont le propriétaire était un dénommé Deheaulme, c’est Frappier de Montbenoît qui a irrigué les champs de canne en détournant une partie de la rivière Saint-Étienne sur le bras de Cilaos et qui en même temps a amené de l’eau à l’usine.
On a aussi détourné quelques années plus tard les eaux du bras de La Plaine pour alimenter le canal Saint-Étienne, qui longe presque la rivière Saint-Étienne sur 17 km. La Caisse Coloniale avait fait construire ce canal, puis la commune de Saint-Pierre en devint propriétaire. Ce canal irriguait 1.200 hectares au début du 19ème siècle et 2.200 litres par seconde servaient à l’irrigation des terres agricoles. Le reste servait aux besoins domestiques des habitants, qui avaient installé des prises sur le canal, et à fournir de l’électricité à l’usine sucrière.
Ce ne furent pas les seules mesures prises pour l’irrigation. Le canal Lemarchand, dans le Nord-Ouest de l’île, a été aussi une œuvre qui a marqué l’Histoire de l’utilisation de l’eau sur le territoire de La Réunion.

Maurice et La Réunion :
des choix différents

Les choix qui ont été faits par la suite ont été très différents de ceux de nos voisins mauriciens. Ceux-ci ont construit des barrages et des réservoirs de grande capacité au début du 20ème siècle, ainsi que des forages. Ils ont rénové à la fin du 20ème siècle les installations de l’époque coloniale, canalisations et réservoirs. Et le projet du 21ème siècle à Maurice c’est le barrage de Bagatelle pour alimenter Port-Louis et les habitats de la Plaine Wilhems.
À La Réunion, l’effort a porté sur l’agrandissement des périmètres d’irrigation. La SABRAP (Société d’Aménagement du Bras de La Plaine) a ainsi œuvré pour que 5.500 hectares de plus voient l’eau arriver à partir du bras de La Plaine. Cela a coûté 6 milliards de francs CFA (environ 60 millions d’euros) entre 1966 et 1980.
La SABRAP, qui est devenue la SAPHIR (Société d’Aménagement de Périmètre Hydroagricole de l’île de La Réunion), a aussi irrigué le périmètre du bras de Cilaos (Saint-Louis, Étang-Salé, les Avirons et un bout de Saint-Leu. Ces travaux, entrepris à partir de 1981, ont coûté 60 millions d’euros pour plus de 9.000 hectares irrigués.

Dans l’Est, il y a eu les efforts pour irriguer, à partir de la rivière du Mât, le périmètre de Champ-Borne sur 2.300 hectares.

De l’ère des A.S.A. ...

À partir de 1990, est née l’ère des ASA (Associations Syndicales Autorisées). Ce sont des groupements de propriétaires qui, pour valoriser leurs terres, ont rénové les périmètres irrigués se trouvant autour de leurs domaines.
Il y a plusieurs ASA :

- l’ASA Canal Lemarchand, d’une superficie de 650 hectares (autour de l’ancienne antenne Omega, de Cambaie et du Grand Pourpier) et qui compte 13 adhérents ;

- l’ASA Cambaie d’une superficie de 92 hectares, qui date de 1960 ;

- l’ASA Ravine à Marquet, d’une superficie de 250 hectares ;

- l’ASA Grand Fond sur la commune de Saint-Paul, d’une superficie de 300 hectares, rénovée à partir des années 1990 sous la tutelle du Conseil général ;

- l’ASA de la rivière des Pluies, qui date de 1863 avec une prise directe à l’îlet Quinquina et une superficie de 300 hectares.

... au projet de basculement

En tout, aujourd’hui ce sont 12.000 hectares de terres, soit 33% de la SAU (superficie agricole utile), qui bénéficient d’un équipement d’irrigation, alors qu’en 1960, seulement 7% de la SAU étaient irrigués.
La première étape de l’effort d’irrigation voulu par le cinquième plan de développement économique et social (1966-1970) a donc été atteinte.
Une deuxième étape de l’histoire de l’irrigation a ensuite commencé à travers le projet de basculer les eaux de la zone au vent vers la zone sous le vent, soit vers l’Ouest où l’eau manque.
Le projet de basculement des eaux d’Est en Ouest devait permettre, une fois terminé, de faire passer la SAU irriguée de 33% à 45%. Ce qui représente 7.150 hectares de plus. Qu’en sera-t-il en réalité, lorsqu’on voit la tournure prise par ce chantier et dans le nouveau contexte socio-économique mondial et réunionnais ?

À suivre

Graziella Leveneur


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