JOURNEE MONDIALE DE L’EAU

La loi sur l’eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006

22 mars 2007

Jusqu’alors, la politique de l’eau restait dominée par 4 grandes dates. Tout d’abord, il y a eu la loi du 16 décembre 1964 qui a proposé une gestion très décentralisée établissant la lutte contre la pollution par bassin via le réseau des agences de l’eau. Puis, la loi de juin 1984 a défendu la préservation des milieux aquatiques et du patrimoine piscicole. Troisièmement, la loi du 3 janvier 1992 a consacré l’eau comme « patrimoine commun de la Nation ». Cet arsenal juridique a été repris partiellement par l’Union européenne, qui a adopté une Directive Cadre Européenne (DCE), le 22 décembre 2000. Celle-ci fixe l’obligation aux 27 Etats membres de retrouver la qualité des eaux dans le milieu naturel d’ici à 2015. La loi du 21 avril 2004 l’a transposée dans le droit français.

Pourquoi une nouvelle loi ?

Ce texte législatif s’explique par son importance : il devient la référence en la matière. En effet, il donne les outils à l’administration, aux collectivités territoriales et aux acteurs de l’eau en général pour atteindre, d’ici à 2015, les objectifs fixés par l’Union européenne. Le second objectif permet aux collectivités territoriales l’adaptation des services publics d’eau potable et d’assainissement à une triple exigence. Tout d’abord, la convention d’Aarhus signée en 1998, renforcée par une mention en ce sens de la DCE, vise à répondre à la demande de transparence des utilisateurs. Deuxièmement, la loi se montre solidaire vis-à-vis des plus démunis. A cet égard, son article premier stipule : « Dans le cadre des lois et réglements ainsi que des droits antérieurement établis, l’usage de l’eau appartient à tous, et chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d’accéder à l’eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous ». La valeur juridique d’un tel article reste encore floue. Certes, la loi oblige à quelques obligations. Par exemple, on citera l’interdiction de la caution pour l’abonnement à l’eau. On peut également mentionner le plafonnement de la part fixe du prix de l’eau qui contribue à un tel objectif. Enfin, l’interdiction de couper l’eau est avérée. Néanmoins, la valeur juridique d’un tel article sera fixée, au cours des années à venir, par la jurisprudence. Enfin, la loi pousse à une plus grande efficience au niveau environnemental, notamment par la prise en compte du changement climatique.

Des obligations

Au-delà de ces 2 objectifs fondamentaux, cette loi instaure un certain nombre d’obligations. Au niveau général, les agences de l’eau financeront à hauteur de 14 milliards d’euros, pour les 6 prochaines années, des actions liées au milieu et aux usages. Sur cette somme, au moins 1 milliard sera dédié à la solidarité envers les communes rurales. En outre, les agences de l’eau auront la possibilité de consacrer jusqu’à 1% de leurs recettes à des actions de solidarité internationale. Les Schémas d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SAGE) seront opposables au tiers. Enfin, un Office National de l’Eau et des Milieux Aquatiques (ONEMA) remplace l’ancien Conseil Supérieur de la Pêche (CSP). Il aura pour but de surveiller les cours d’eau sur le terrain, de bâtir un pôle national d’étude et d’expertise. Il devra installer un véritable système d’information sur l’eau et les milieux aquatiques ainsi que sur les performances des services publics de l’eau et de l’assainissement.

Applications à La Réunion

Nous rappellerons tout d’abord que les décrets d’application de cette loi sont en train d’être publiés. Auparavant, ils doivent passer entre les fourches caudines de la Mission interministérielle de l’environnement puis le Comité National de l’Eau (CNE). Donc, sur certains points où les décrets sont sortis, les maires peuvent d’ores et déjà agir. En revanche, pour les autres, les édiles ont encore un peu de temps.
Dans les DOM, il est confirmé que les sources et eaux souterraines font partie du domaine public de l’Etat, et les cours d’eau et lacs naturels sont dans le domaine public fluvial. D’ores et déjà, on peut indiquer qu’au niveau réunionnais, une des plus grandes novations de cette loi se situe au niveau de l’Office de l’eau. Cette structure est un Établissement local sous tutelle du département. Jusqu’alors, cet office ne pouvait taxer que la redevance prélèvement (sur toutes les grosses ponctions en eau). Avec ce nouveau texte, il est désormais autorisé à prélever la redevance pollution (rejets polluants, qu’ils soient industriels, agricoles ou issus des collectivités). Cela impliquera probablement une augmentation du prix de l’eau, car les communes devront payer pour les rejets qu’elles provoquent.

La préservation des milieux aquatiques

Les riverains ont obligation d’entretenir, de façon régulière, les cours d’eau, sans y parvenir par des travaux néfastes pour les écosystèmes aquatiques. Les collectivités locales doivent sinon s’y substituer par le biais d’une opération groupée par tronçons de cours d’eau.

La gestion de l’eau

Pour ce qui est du quantitatif, « la répartition des volumes d’eau est déléguée à un organisme unique pour le compte de l’ensemble des préleveurs dans les périmètres où un déséquilibre existe entre le besoin et la ressource ». En outre, « la modification de certaines pratiques agricoles peut être rendue obligatoire dans des zones de sauvegarde quantitatives, en amont des captages d’eau ». Au niveau du qualitatif, on notera notamment : « les distributeurs de produits antiparasitaires doivent tenir un registre sur les quantités mises sur le marché ». Ou encore, « la modification de certaines pratiques agricoles peut être rendue obligatoire en amont des prises de captage et de certaines zones à protéger ».

Qualité des eaux marines et littorales

« Les communes doivent fixer la durée de la saison balnéaire, recenser leurs eaux de baignade et les sources possibles de leur pollution, et assurer l’information régulière du public ». Deuxièmement, « le juge peut confisquer les navires en infraction avec la réglementation de la pêche ». Puis, « les sanctions liées à la pêche illicite dans les terres australes sont aggravées ».


Les compétences des maires en matière d’assainissement renforcées par la loi sur l’eau

L’assainissement, qu’il soit collectif ou non, ainsi que la gestion de l’eau potable sont 2 compétences des maires. Ceux-ci ont alors 3 possibilités. D’une part, et c’est le cas le moins courant, ils en laissent la gestion, mais aussi la responsabilité pénale, à une société privée. C’est le cas de la concession, un cas qu’on ne retrouve pas dans les 24 communes réunionnaises. Deuxièmement, ils peuvent la mettre en affermage, c’est-à-dire en confier la mission de service public à une société privée, mais en garder la responsabilité pénale. Enfin, ils peuvent décider de la gérer eux-mêmes ou avec un Etablissement Public de Coopération Intercommunale via une régie.

Avec la nouvelle loi, les maires voient leurs compétences accrues en matière de contrôle et de réhabilitation des dispositifs d’assainissement non collectif ou des raccordements aux réseaux, ainsi que de contrôle des déversements dans les réseaux. Les particuliers doivent déclarer dans leur mairie toute ponction d’eau qu’ils effectuent par le biais de puits, de prélèvement ou de forage.
En outre, la transparence de la gestion des services d’eau et d’assainissement est améliorée. L’amélioration des relations entre le délégataire (Véolia, Suez, etc...) et la commune devient une obligation. En effet, de nombreuses dérives se produisaient. Par exemple, l’historique technique des installations d’eau était détenu seulement par l’entreprise. Lors d’appel d’offres qu’elle pouvait lancer, il arrivait que la commune ne dispose pas de l’état des connaissances sur le réseau ! En outre, l’accès à l’eau et à l’assainissement de tous les usagers est facilité. Une telle politique n’est pas nouvelle. En effet, depuis 1995, les communes sont dans l’obligation de livrer un rapport annuel sur l’eau potable et l’assainissement.
Un fonds de garantie est créé qui doit indemniser les dommages provoqués par l’épandage des boues d’épuration urbaines. Actuellement, le problème se pose relativement peu à La Réunion, car il n’y a que 3 stations d’épuration vraiment fonctionnelles. Néanmoins, au cours des années à venir, ce fonds pourrait être intéressant. En effet, la filière la moins chère et plus écologique de réutilisation des boues consiste à les épandre sur les terres agricoles. Cette solution peut présenter des risques si elle n’est pas bien encadrée. C’est pourquoi, les agriculteurs ne sont, jusqu’à présent, pas très intéressés par une telle solution. Pour pallier ce problème, un fonds est créé en cas d’accident.
En outre, les communes ont la possibilité de mettre en place une taxe sur les surfaces imperméabilisées, afin de financer les travaux en matière d’assainissement pluvial. Les surfaces imperméabilisées présentent en effet les inconvénients suivants : diminution des possibilités d’infiltration de l’eau de pluie ou de ruissellement dans la terre ; réduction des capacités des nappes phréatiques. Une telle taxe permettra de dégager des recettes pour les collectivités. Dans un deuxième temps, cela incite les constructeurs à diminuer les surfaces imperméabilisées. Par ce biais, ces derniers sont poussés à bâtir des dispositifs de stockage de l’eau.
Enfin, un crédit d’impôt est proposé pour les équipements de récupération et de traitement des eaux pluviales. Celui-ci, représentant 25% du coût des équipements, sera instauré pour les particuliers qui désirent garder et traiter les eaux pluviales, avec un plafond de dépenses limité à 8.000 euros.
Les particuliers ont l’obligation de vérifier régulièrement leur installation d’assainissement non collectif. Les communes doivent veiller à ce contrôle, avant 2012, et renouveller une telle action tous les 8 ans au moins. En outre, celles qui le souhaitent peuvent construire, rénover et entretenir les installations des particuliers qui en formulent la demande.


Commentaires

L’urgence était devenue réelle de revoir la loi sur l’eau. En effet, la France a 4 contentieux européens dans le domaine de l’eau qui, ont (dans le premier cas cité ci-dessous), peuvent (dans le deuxième cas) ou auraient pu entraîner des astreintes financières importantes : les "poissons sous taille", l’application de la directive européenne du 21 mai 1991 sur les eaux résiduaires urbaines, la pollution des eaux par nitrates en Bretagne et Natura 2000 (politique de protection des espaces naturels applicable en Métropole). En outre, elle était le pays de l’Union le plus en retard dans l’application des directives communautaires. Contrairement à ce que veut bien dire le dossier de presse disponible sur le site du Ministère de l’Ecologie, l’arsenal juridique de la France au sujet de l’eau n’impliquait pas des « fondements efficaces ». En effet, comme le met en évidence Mathilde Oliveau dans le N°879 de la “Revue Parlementaire”, les tests réalisés par l’Institut français de l’environnement montrent des concentrations en pesticides dans les eaux par trop importantes. Enfin, cette loi ne prend pas assez en compte le principe pollueur-payeur. Les agriculteurs, s’ils polluent, n’auront à payer qu’une toute petite partie de leurs rejets. Pour l’association UFC-Que choisir ?, « Alors que les rejets agricoles dégradent de plus en plus la ressource en eau, 96% des rivières et 61% des nappes souterraines étant désormais contaminées par les pesticides, la loi Olin laisse 85% des coûts de la dépollution à la charge des particuliers. Les agriculteurs, qui consomment 68% de l’eau utilisée en France et sont les principaux responsables de la pollution par les nitrates et les pesticides, ne contribueront qu’à hauteur de... 4% ». Une telle disposition va donc à l’encontre du principe pollueur-payeur pourtant inscrit dans la Charte de l’Environnement (article 4).

Matthieu Damian


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