À propos des incinérateurs “aux normes”

La meilleure solution : le non recours

5 mai 2006

À la veille de la création d’un Comité de défense citoyen contre l’incinération des déchets ménagers à La Réunion, Graziella Leveneur, conseillère générale de Saint-Pierre, continue à nous éclairer sur ’le non-recours à l’incinération’ pour le traitement des déchets.

Depuis le 28 décembre 2005, les incinérateurs d’ordures ménagères doivent respecter une directive européenne du 4 décembre 2000. Elle renforce les mesures de sécurité dans les installations. Elle instaure des valeurs limites d’émissions polluantes, notamment pour les métaux lourds et la dioxine. Pour cette dernière, la norme sera de 0,1 nanogramme par mètre cube de fumée (ce qui a longtemps été le seuil de détection de ces molécules). Aucune limite n’existait auparavant en France.
Selon le ministère de l’Écologie, les émissions de dioxine par les incinérateurs devraient être divisées par 10 en 2006 par rapport à leur niveau de 2004. Cette famille de molécules a été au cœur d’une série de scandales, dont le plus retentissant fut celui de l’incinérateur de Gilly-sur-Isère, près d’Albertville en Savoie. Il a été arrêté en 2001 après des analyses affichant des taux d’émission dépassant jusqu’à 750 fois la norme européenne. Une instruction judiciaire pour "risques causés à autrui" est du reste en cours dans cette affaire, où 240 habitants se sont constitués partie civile.

Le caractère cancérigène de la dioxine

Autour des incinérateurs, des particules de poussière chargées de dioxine proviennent des fumées issues de la combustion. Elles se déposent sur les sols et sont consommées par les animaux d’élevage. Elles s’accumulent dans les produits laitiers et les graisses animales, contaminant l’Homme par la voie alimentaire. Le caractère cancérigène de la dioxine est reconnu par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). En France, plusieurs études épidémiologiques ont été lancées autour d’usines d’incinération, dont les résultats sont attendus en 2006 et 2007.
Les nouvelles normes européennes appliquées le 28 décembre 2005 en France donnent de fait un droit à polluer aux exploitants. Ces nouvelles normes ne suffisent pas à nous convaincre d’accueillir des incinérateurs sur le territoire. Selon le SVDU (Syndicat national du traitement et de la Valorisation des Déchets Urbains et assimilés) (1), "ce que l’on nomme communément "norme" pour l’incinération n’est pas à proprement parler une norme, mais désigne plutôt un ensemble d’obligations réglementaires auxquelles sont soumis les exploitants d’incinérateurs".

L’opposition à ces incinérateurs “aux normes” persiste

Un arrêté ministériel du 20 septembre 2002 impose à toutes les installations d’incinération (pour tous types de déchets) : des valeurs limites d’émissions de rejets gazeux, aqueux et solides ; l’obligation de maintien des gaz pendant au moins 2 secondes à une température supérieure ou égale à 850°C ; des contrôles périodiques (tous les 6 mois) des rejets pour les dioxines et métaux lourds (tous les 6 mois), et en continu pour les autres paramètres ; un contrôle d’absence de radioactivité pour les déchets admis ; une surveillance de l’impact environnemental au voisinage de l’installation.
Malgré tout, l’opposition à ces incinérateurs “aux normes” persiste.
Les associations de défense de l’environnement et de la santé continuent à contester la technique. "Les normes européennes ne sont qu’un compromis entre la faisabilité technique de la mesure et les impératifs économiques". Les limites de concentration par mètre cube "ne tiennent pas compte du fait que les polluants sont bioaccumulables". La contestation porte aussi sur les modalités de contrôle des émissions de dioxine. Ces modalités vont avoir lieu 2 fois par an au lieu d’une, l’exploitant étant prévenu de la visite. Ainsi, ces contrôles porteront sur une période de 16 heures, sur 7.500 heures de fonctionnement par an en moyenne.

(1) Il regroupe les principaux opérateurs de l’incinération des déchets ménagers en France : Novergie (SITA/Suez), CGEA-Onyx (Veolia Environnement), Tiru (EDF), Cnim, Idex et Inova : soit, au total, 87% de la capacité d’incinération du parc français.


"Le seul risque acceptable est le risque zéro !"

Pour Graziella Leveneur, "la solution au problème posé par les incinérateurs ne se résume pas à définir des valeurs limites de concentrations et des doses acceptables, c’est-à-dire ces nouvelles normes européennes, car protéger efficacement la santé et l’environnement nécessite zéro rejet. De plus, encore faut-il pouvoir compter sur des contrôles réguliers et fiables ainsi que sur une surveillance effective de la part des administrations qui en sont chargées : la Préfecture, la DRIRE, la DDASS. La réglementation la plus récente n’impose, hormis les autocontrôles, que 2 contrôles annuels effectués par un organisme extérieur agréé, choisi par l’exploitant. Les dates d’intervention de cet organisme sont convenues à l’avance en accord avec l’exploitant".
"Peut-on se fier à des mesures réalisées dans de telles conditions quand on sait que sur les quelque 130 sites en fonctionnement, seules 6 installations récentes remplissaient déjà les obligations requises par la directive européenne à la date prévue. Toutes les autres ont effectué des travaux sous la contrainte et la menace de fermeture. Les exploitants d’incinérateur ont attendu la dernière limite 2005 pour se mettre aux normes, bien que la directive européenne concernée ait été transcrite en droit français par un arrêté du 20 septembre 2000".
"Peut-on s’y fier quand on sait que 4 incinérateurs non conformes ont obtenu des dérogations : dans le cas d’Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine) et de Sarcelles (Val-d’Oise). Il s’agit de préserver l’approvisionnement en chauffage urbain fourni par les usines. À Pithiviers (Loiret) et Colmar (Haut-Rhin), certaines installations manquent dans les usines. Pour un seul incinérateur, celui de Poitiers (Vienne), Nelly Olin, ministre de l’Écologie a demandé au préfet de prendre les mesures nécessaires à sa fermeture."
Marc Cheverry, chef du département Gestion optimisée des déchets à l’ADEME, explique : "Le parc d’incinérateurs est enfin aux normes, mais l’exploitation doit être rigoureuse pour atteindre l’objectif et limiter les pollutions. Les collectivités locales devront se montrer extrêmement vigilantes vis-à-vis des exploitants".
Pour nous, le seul risque acceptable est le risque zéro !". La meilleure réponse est sans conteste le non-recours à l’incinération.


o Que sont les dioxines ?
Les dioxines sont des polluants "récidivistes" de l’environnement. Elles ont l’insigne honneur d’appartenir au "groupe des douze" - un groupe particulier de produits chimiques dangereux, connus pour être des polluants organiques persistants. Une fois les dioxines introduites dans l’environnement ou l’organisme, elles y restent, en raison de leur capacité inquiétante à se dissoudre dans les graisses et de leur stabilité chimique incomparable. Leur demi-vie dans l’organisme est en moyenne de 7 ans. Dans l’environnement, on observe une tendance des dioxines à la bioaccumulation dans la chaîne alimentaire. Plus on se trouve en bout de chaîne, plus la concentration en dioxines est élevée.

o Quelles sont les sources de contamination par les dioxines ?
Les dioxines sont essentiellement des sous-produits des procédés industriels, mais peuvent également résulter d’événements naturels comme les éruptions volcaniques et les feux de forêt. Elles sont également des sous-produits non désirés qui apparaissent à l’occasion de processus thermiques engendrant des composés organochlorés. Les dioxines se forment aussi au cours de procédés industriels très variés tels que fonderie, blanchiment de la pâte à papier et fabrication de certains herbicides et pesticides. Si l’on considère la quantité de dioxine libérée dans l’environnement, les incinérateurs de déchets sont les plus grands coupables, la combustion y étant incomplète. On trouve des dioxines dans le monde entier et pratiquement partout, y compris dans l’air, le sol, l’eau, les sédiments, les aliments, et en particulier les produits laitiers, la viande, le poisson et les coquillages. C’est dans le sol et les sédiments, ainsi que chez les animaux que la teneur est la plus forte. Dans l’eau et l’air, la teneur est très faible.

Source : Organisation mondiale de la santé

Dossier réalisé par Jean-Fabrice Nativel


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