Dessaler l’eau de mer

La pire des fausses “bonnes solutions”

25 juin 2007

Éliminer le sel de l’eau de mer pour pallier le manque d’eau potable dans le monde aggrave le réchauffement climatique.

C’est ce qu’a déclaré le WWF le 19 juin, expliquant que dessaler, filtrer et évaporer l’eau de mer nécessite beaucoup d’énergie, entraînant d’importantes émissions de gaz à effet de serre (GES) et pourraient avoir un impact sur la faune marine.

Le WWF évalue le nombre d’usines de dessalement à 10.000 dans le monde. Il estime que le secteur pourrait croître de façon exponentielle dans les prochaines années car les gouvernements cherchent à fournir de l’eau aux zones arides, qui s’étendent rapidement en Chine, aux Etats-Unis, ou encore en Inde. La moitié des capacités de dessalement se situe dans la région du Golfe où les pays producteurs de pétrole utilisent cette technique pour couvrir 60% de leurs besoins en eau.

Extraits :

La fabrication de l’eau potable à partir de l’eau de mer ne cesse de croître bien que l’on sache désormais que cela constitue une menace potentielle pour l’environnement. En effet, le dessalement de l’eau de mer accélère le changement climatique, indique le rapport du WWF.
Plutôt que de préserver leurs ressources naturelles en eau, certains des pays parmi les plus secs et les plus arides - mais aussi les plus riches - ont de plus en plus recours au dessalement. Ceux-ci incluent des régions où les problèmes de desserte en eau concernent des régions fortement peuplées d’Australie, du Moyen-Orient, d’Espagne, du Royaume Uni et des USA, ainsi que dans deux des pays les plus peuplés et en plein développement : l’Inde et la Chine.
Le dessalement de l’eau de mer est l’un des procédés les plus coûteux économiquement et écologiquement parlant. Il est en effet le plus consommateur d’énergie et produit une très importante quantité de gaz à effet de serre (GEZ), démontre Jamie Pittock, Directeur du programme global d’eau douce de WWF. M. Pittock plaide pour un retour au bon sens et à des moyens complémentaires - redistribution de l’eau recyclée par des procédés naturels notamment - pour fournir l’eau douce nécessaire à meilleur coût et sans le moindre risque pour l’environnement.
Aujourd’hui, 60% des besoins d’eau douce dans le Golfe d’Arabie sont couverts par le dessalement. La ville australienne de Perth couvre le tiers de ses besoins d’eau douce de la même façon.
Quant à l’Espagne, elle consacre une proportion aberrante d’eau dessalée - 22% de sa production totale d’eau douce - pour satisfaire aux besoins, d’une part, de son agriculture maraîchère récemment implantée en zones arides, et, d’autre part, des vacanciers qu’elle accueille sur ses côtes.
Le dessalement intensif augmente les émissions de gaz à effet de serre, la salinité des nappes d’eau saumâtre accélère la détérioration des zones côtières concernées et entraîne, bien que d’une façon moins grave pour l’instant, une modification du régime des fleuves et des marécages. Plusieurs des zones d’activité intensive de dessalement subissent des effets préjudiciables aux ressources naturelles en eau douce, et singulièrement pour les nappes phréatiques.
Une gestion durable des ressources naturelles d’eau douce implique qu’on accepte d’y consacrer au plus tôt des moyens humains et d’ingénieurie bien plus importants qu’à l’heure actuelle. L’enjeu est d’éviter de faire courir des dommages irréversibles à la ressource, à l’environnement et à l’humanité toute entière car c’est elle qui, à terme, risque - si nous lésinons sur les moyens - d’en payer le prix le plus élevé.
Commençons par protéger ces véritables richesses que sont les ressources naturelles disponibles telles que les cours d’eau, les zones inondables, les étangs et les marécages. Ces systèmes naturels, s’ils sont préservés, épurent et fournissent l’eau tout en nous protégeant des événements extrêmes ou catastrophiques.
« Les grandes usines de dessalement pourraient rapidement avoir des conséquences aussi catastrophiques que nombre de barrages hydrauliques et masquer, elles aussi, l’importance de l’économie naturelle des fleuves et des marécages », ajoute Jamie Pittock, Directeur du programme global d’eau douce de WWF.
« Comme pour n’importe quelle technique relativement nouvelle, tels les grands barrages qui ont fleuri dans les années 50, les effets néfastes sont perçus lorsqu’il est trop tard et qu’ils sont trop onéreux à réparer ». Pour l’avenir, ce dont nous avons le plus besoin, c’est d’une attitude radicalement différente face à la question de l’eau douce et aux moyens technologiques à mettre en œuvre pour une gestion durable de cette ressource vitale.


Commentaire

Au terme de la lecture de cette synthèse du rapport du WWF, ne serait-il pas temps de se poser la question de la façon dont, depuis plus de deux siècles maintenant, le monde occidental utilise les ressources naturelles d’eau douce ? Les cours d’eau ont été transformés en égouts commodes pour y décharger tous les déchets industriels sans la moindre réflexion sur les effets produits en aval. Les sols ont été saturés de produits phytosanitaires qui ont gravement pollué les nappes phréatiques. Surexploitées, les nappes d’eaux douces côtières présentent un degré de salinité croissant et courent le risque - du fait de l’élévation du niveau des océans - d’être rapidement envahies par l’eau de mer.
Dans un milieu insulaire aussi restreint et montagneux que le nôtre, les effets d’une application mécanique d’un schéma d’exploitation à visée essentiellement financière de la ressource d’eau douce font courir à la population de La Réunion de réels et importants dangers.
Le rapport du WWF d’une part, le “régime sec” que connaissent actuellement nos frères antillais, les cris d’alarme des spécialistes et la lucidité de certains responsables politiques seront-ils relayés tant qu’il est encore temps par l’agent d’éducation et de formation populaire qu’est le service public d’information, par le Rectorat et par l’ensemble des collectivités territoriales avant qu’il ne soit trop tard ?
À Johannesburg*, Jacques Chirac s’était exclamé : « La maison brûle et nous regardons ailleurs ».
À La Réunion, la source se détériore sans cesse. Allons-nous jouer longtemps encore à gaspiller l’eau douce ?

Jean Saint-Marc

* Le Sommet mondial du développement durable, appelé “Sommet de la Terre 2002”, organisé par les Nations unies, s’est tenu du 26 août au 4 septembre 2002, à Johannesbourg (Afrique du Sud).


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