Demain, dimanche 30 juillet, contre l’incinérateur à Saint-Pierre

La semaine prochaine, manif devant le Conseil général

29 juillet 2006

Une marche contre le projet d’implantation d’un incinérateur est organisée demain matin dimanche 30 juillet, à Pierrefonds Saint-Pierre par le Groupement Actions Citoyens. Le rassemblement est prévu à partir de 9h30 vers le boulodrome, situé sur le front mer de Pierrefonds, cette ville du Sud. La crainte des habitants est grande car, rien, aujourd’hui, ne permet d’affirmer que cette machine à dioxine ne verra pas le jour.
Patrick Picardo, le Président du collectif Groupement Actions Citoyens, ne cache pas son inquiétude. Si cet incinérateur - que l’on refuse dans d’autres villes - sort de terre, ce sera, d’après lui, la catastrophe. Les fumées lâchées sont en fait nocives. Résultat des courses : il y a un risque imminent de pollution de l’environnement et de ses habitants. Les représentants de ce groupement, 150 environ, veulent un débat public, non pas sur ce projet d’incinérateur mais sur la gestion des déchets à La Réunion. Ce problème doit être traité à la base. Les usines ne doivent plus produire de produits non recyclables. Voilà, Mesdames et Messieurs les décideurs, un beau sujet de réflexion non polluante !

Ne pas produire de produits non recyclables

Le Groupement Actions Citoyens ne se borne pas à protester mais propose également d’autres pistes de réflexion pour cette affaire de gestion des déchets. Il suggère l’agrandissement du centre d’enfouissement de Saint-Pierre ou la création de ce genre d’outil dans l’Ouest ou encore la dotation aux maisons de nouvelles poubelles. Ces propositions semblent être réalisables, et surtout elles ne présentent aucun danger pour la santé des Réunionnais. S’il le faut, ce collectif sudiste exprimera son désaccord à cette installation à dioxine, la semaine prochaine aux portes du Conseil général.

Jean-Fabrice Nativel


"Un incinérateur n’élimine pas les déchets"

Le Centre National d’Information Indépendante sur les Déchets (CNIID), co-fondé par Pierre Emmanuel Neurohr, mène bataille contre l’incinération et pour la réduction des déchets à la source.

Les incinérateurs sont-ils dangereux pour la santé des riverains ?
- Pierre Emmanuel Neurohr : Les exploitants trouvent eux-mêmes dans leur propre fumée des substances extrêmement toxiques comme les métaux lourds, les dioxines. Ils font pourtant ensuite semblant de s’étonner que des études épidémiologiques montrent qu’il y a plus de cancers et de malformations autour de leurs incinérateurs. C’est d’une parfaite logique : on ne peut pas imaginer mettre en place une usine avec une cheminée qui crache des produits hautement toxiques pour la santé et espérer qu’il n’y aura pas d’impacts dans l’environnement et dans le voisinage. À moins de croire au Père Noël. Quand les expertises ne sont pas financées par l’industrie, le constat est sans appel : à Besançon, il y a 2,3 fois plus de cancers liés à la dioxine autour de l’incinérateur que dans le reste de la ville. Une autre étude indépendante a été menée en Rhône-Alpes : elle atteste la naissance de plus d’enfants malformés autour des incinérateurs de la région.

Vous parlez de "meurtre chimique". Le terme n’est-il pas excessif ?

- La dioxine a commencé à être étudiée dans les années 50. Le fait que les incinérateurs de déchets produisent de la dioxine est connu depuis la fin des années 70. Cela fait donc 30 ans. Depuis 1988, sur la base d’enquêtes du Ministère de l’Environnement américain, on sait que la dioxine est cancérigène. En février 1997, l’Organisation Mondiale de la Santé a reconnu sa nocivité pour l’Homme. Continuer à mettre en place des machines dont on sait qu’elles vont propager une telle substance est scandaleux. Et ce, quelle que soit la législation en place : car on peut réduire la proportion de la dioxine rejetée mais pas la supprimer. Que penser d’un chauffard qui dirait : “j’ai écrasé 10 gosses l’an passé, mais cette année je réduis ma vitesse pour en écraser seulement 5” ?

Les industriels affirment que les nouveaux incinérateurs sont propres...

- Les industriels ont perdu toute crédibilité. Depuis 5 ou 6 générations d’incinérateurs, cela se passe de la même manière : ils affirment que la dernière génération de leurs usines ne posera plus de problèmes. Et chaque fois, après coup, nous constatons qu’on a utilisé les voisins de ces usines comme des cobayes. Des responsables de Tiru, la société qui gère 3 des plus gros incinérateurs de déchets autour de Paris, ont déclaré en 1995 dans “Libération”, que leurs cheminées rejetaient "de la vapeur d’eau d’Évian". Il a été prouvé, depuis, que l’usine de Saint-Ouen est l’une des plus grosses sources de dioxine en France. Les mêmes nous font pourtant aujourd’hui encore le coup de “c’est nouveau, donc c’est tout beau”.

... la réglementation s’est pourtant durcie...
Dans la nouvelle législation européenne traduite en droit français en 2002, on ne prend toujours en compte que 20 polluants parmi les centaines diverses et variées que produisent les incinérateurs. C’est déjà une façon de biaiser le problème. De plus, concernant ces 20 substances, l’approche choisie consiste à mesurer la pollution par mètre cube de fumée. Cela ne veut rien dire : ce qu’il faut estimer, c’est l’accumulation des mètres cubes de fumée mois après mois, années après années. La combustion d’une tonne de déchets ménagers produit 6.000 m3 de gaz. Un incinérateur de taille moyenne traite 200.000 tonnes de déchets par année (celui prévu à Fos-sur-Mer devrait en brûler 500.000) et ce durant 20 à 25 ans. Prenons le mercure, l’une des 20 substances réglementées : 0,05 mg de mercure par m3 sont autorisés par la loi, ce qui peut sembler peu. Mais sur la durée de vie d’une machine, le voisinage va être exposé à des doses qui se comptent en réalité en centaines de kilo...

... mieux vaut-il une décharge à ciel ouvert, comme à Entressen, qu’un incinérateur ?

- Mieux vaut réduire la production des déchets à la source. Justifier la construction d’un incinérateur par la nécessité de fermer une décharge est un argument extrêmement classique dans les couloirs des Ministères de l’Environnement et de l’Industrie. Mais il ne tient pas. L’expression "élimination des déchets" en matière d’incinération est abusive. Elle repose sur l’illusion d’un procédé magique. En aucun cas les déchets ne seront éliminés dans un incinérateur. Ils vont être simplement redistribués dans différents médias : certains rejets iront dans l’eau, d’autres dans l’air, le reste finira sous forme solide. Un incinérateur traitant 500.000 tonnes va engendrer 150.000 à 200.000 tonnes de mâchefers, le terme euphémistique pour désigner les cendres toxiques. Ces cendres sont “recyclées” partiellement dans les revêtements sur les routes. Autre exemple : 100% des métaux lourds qui rentrent dans l’incinérateur en ressortiront. Rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme.

Que compte faire le CNIID contre le projet d’incinérateur défendu par la Communauté urbaine de Marseille ?

- Le projet de Fos-sur-Mer est un cas très classique. Ses promoteurs ne proposent aucune réflexion sérieuse sur la réduction des déchets à la source. L’idée selon laquelle la richesse d’un pays dépend de la quantité de déchets qu’il jette est encore très répandue. Ils veulent nous imposer une machine qui coûte extrêmement cher. Pour rembourser le capital investi, il ne faudra surtout pas réduire le flux de déchets envoyés vers l’incinérateur et cela interdira durant longtemps l’émergence de toute alternative. Les gens qui habitent près de l’étang de Berre sont déjà soumis à des émissions de dioxines par des entreprises qui font de la récupération de métaux non ferreux et brûlent des plastiques comme le PVC. La Mairie de Marseille s’est sans doute dit qu’en ajoutant un incinérateur, les riverains ne verraient pas la différence. Heureusement, beaucoup d’associations se bougent car les habitants ont atteint en quelque sorte le “seuil de douleur”. Leurs enfants sont suffisamment exposés aux industries polluantes. Ils n’ont plus envie d’être complètement sacrifiés. Avec notre aide, celle du WWF, des associations de terrain, des Verts, il y a peut-être moyen de gagner la bataille contre l’incinérateur, le plus gros à être actuellement envisagé en France. Notre avocat va faire en sorte, dès que sera édicté un arrêté préfectoral autorisant la mise en place de cette usine, d’obtenir sa cassation en arguant de deux principes légaux jamais respectés en France : le principe de nécessité et celui de précaution. L’incinérateur ne se justifie pas alors que les efforts sérieux de réduction des sources, de compostage et de recyclage n’ont manifestement pas été réalisés dans le département. Le principe de précaution est foulé au pied compte tenu des dangers pour la santé publique.

Propos recueillis par Michel Gairaud
(Source le Ravi du 1-09-04)


Une communication sur un plan phytosanitaire...

Mais quand sera-t-il appliqué ?

Soyons justes, reconnaissons que les Ministres de l’Agriculture et de la pêche, et de l’Écologie et du Développement durable, respectivement Dominique Bussereau et Nelly Olin, ont présenté, fin juin, en Conseil des Ministres, une communication sur le plan interministériel, mis en place conjointement avec les Ministres chargés de la Consommation et de la santé, et destiné à réduire les risques que l’utilisation des pesticides (phytosanitaires et biocides) peut générer sur la santé, notamment celle des utilisateurs, l’environnement et la biodiversité.
Ce plan prévoit la réduction de 50% des quantités vendues de substances actives les plus dangereuses. 4 axes pour réaliser ce plan :

- Agir sur les produits en améliorant leurs conditions de mise sur le marché,

- Agir sur les pratiques et minimiser le recours aux pesticides,

- Développer la formation des professionnels, et renforcer l’information et la protection des utilisateurs,

- Améliorer la connaissance et la transparence en matière d’impact sanitaire et environnemental.
Comme d’habitude, beaucoup de bonnes volontés demandées et peu de contrôles d’une industrie florissante.

Les actions qui le composent sont organisées en 5 axes. Les procédures d’évaluation des produits seront améliorées, et la gestion des risques liés à la distribution et à l’utilisation des produits phytosanitaires sera renforcée, en assurant notamment une traçabilité des ventes de pesticides. Afin de limiter la mise sur le marché des substances cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction, la France défendra auprès de la Commission européenne l’application du principe de substitution dans la réglementation communautaire, et ces produits seront fortement taxés au titre de la redevance qui sera prélevée par les agences de l’eau. La vente aux jardiniers amateurs de produits ne portant pas la mention "emploi autorisé dans les jardins" sera interdite. Les contrôles lors de la distribution et de l’utilisation des produits seront renforcés. Les pratiques et systèmes de production qui emploient moins de pesticides seront encouragés par l’acquisition et la diffusion de références techniques et par des incitations financières. Une zone non traitée d’au moins 5 mètres le long des cours d’eau sera rendue obligatoire afin de limiter les transferts de pesticides dans l’eau, et la qualité des pulvérisateurs sera améliorée grâce à un contrôle périodique obligatoire. Les opérations de récupération et d’élimination des produits phytosanitaires seront étendues en 2006 aux stocks d’arsénite de soude (produit hautement toxique maintenant interdit). La formation des professionnels, distributeurs ou applicateurs agréés de produits phytosanitaires intégrera un volet relatif aux risques sanitaires et environnementaux. Les médecins en milieu rural seront également informés et formés sur les risques liés aux pesticides. Les distributeurs de produits seront encouragés à mettre en vente, conjointement avec leurs produits, les équipements de protection individuelle les mieux adaptés. L’observatoire des résidus de pesticides (http://www.observatoire-pesticides.fr) rassemblera et valorisera les informations sur la présence des pesticides dans l’environnement afin de caractériser l’exposition de la population et des écosystèmes, et d’améliorer l’information du public avec l’ouverture d’un site Internet. Des études épidémiologiques permettront de mieux connaître l’impact des pesticides sur la santé des travailleurs. Un comité de suivi de l’efficacité du plan, ouvert à la société civile, sera mis en place pour évaluer les progrès accomplis. Il s’appuiera sur des indicateurs synthétiques de risque.


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