Instance Locale de Concertation (ILC) pour le traitement de déchets à La Réunion

Le débat continue sur l’incinérateur

29 novembre 2006

Dans le cadre des travaux de l’instance locale de concertation sur le traitement des déchets, une mission d’expertise était présente, hier à Saint-Leu, pour une réunion consacrée aux aspects Santé et Environnement de la gestion des déchets. Cette mission était composée de 2 experts missionnés par le Ministère de l’Écologie et du développement durable, Denis Bard, Médecin épidémiologiste et évaluateur de risque en santé environnementale, et Gérard Keck, Professeur de toxicologie à l’École nationale vétérinaire de Lyon. Le co-fondateur du CNIID (Centre national d’information indépendante sur les déchets), Pierre Emmanuel Neurohr, était également de la partie à la demande de l’association ACCIDOM.

Première intervention, celle de Pierre Emmanuel Neurohr, fervent écologiste et donc contre l’incinérateur. Pour lui, « le réel problème est celui de la surconsommation, la surproduction, et la mise en service d’un incinérateur ne règlera pas ce problème fondamental. Au contraire, cela entraînera la production de plus en plus de déchets ». Il est donc essentiel, dans un premier lieu, de changer notre façon de consommer, « de vivre plus légèrement », dit-il.
N’oublions pas que les industriels de l’incinérateur sont avant tout des vendeurs, ajoute-il. Pour illustrer, il reprend l’exemple de l’amiante : « À l’époque, les industriels savaient très bien qu’ils tuaient des gens, des études l’ont prouvé ! ».

En sachant que pour 100 tonnes de déchets ménagers traités dans un incinérateur, il en ressort encore 30 tonnes de déchets solides qu’il faut encore retraiter. Alors, « il ne faut pas faire croire aux gens que l’incinérateur va détruire tous les déchets comme avec un coup de baguette magique, c’est faux », insiste l’écologiste.

Quant aux dioxines, elles seraient très peu à sortir des incinérateurs, mais dans un même temps, il en faut extrêmement peu pour avoir des conséquences sur l’Homme. Des études ont montré, selon Pierre Emmanuel Neurohr, que le risque de développer un cancer est 2 à 3 fois plus élevé pour les individus résidant dans une zone exposée aux retombées de dioxines.

Par contre, d’après Denis Bard, Médecin épidémiologiste, les dioxines sont produits par le feu (barbecue), le volcan, la métallurgie, les incinérateurs, etc. « C’est un produit naturel », selon ce dernier. D’après d’autres études qui ont été faites, il serait démontré qu’avec les nouveaux incinérateurs, il y aurait extrêmement peu de dioxines produites et donc pas d’effets néfastes démontrés sur le système immunitaire, sur la reproduction humaine. « Il n’existe pas de risques mesurables entre les populations habitant près d’un incinérateur et les autres, mais cela ne veut pas dire qu’il en existe pas », ajoute l’épidémiologiste. En d’autres termes, il existe des risques partout et ils ne sont pas davantage prononcés à côté des incinérateurs. Mais à quelle étude doit-on se fier alors ?

“Oui, l’incinérateur est dangereux”...

De plus, une nouvelle très intéressante nous est parvenue par Pierre Emmanuel Neurohr ; la Commission européenne a lancé un processus qui doit aboutir en 2007 à une proposition de révision de la directive européenne sur l’incinérateur des déchets. La directive de décembre 2000 sur l’incinérateur, sa base légale est en train d’être modifiée par Bruxelles.

Le principe de précaution voudrait qu’on ne prenne pas de risques inconsidérés concernant la vie d’autrui, n’est-ce pas ? Aujourd’hui, des études nous disent : “Oui, l’incinérateur est dangereux” et d’autres, non. N’oublions pas qu’ils existent encore des études qui montrent que l’amiante n’est pas un produit nocif. Il y a 40 ans, connaissions-nous les conséquences du tabagisme passif ? Alors, dans le doute, il serait peut-être plus sage et plus raisonnable d’attendre au moins les résultats de la Commission européenne. Personne n’est à l’abri de l’erreur.

Il reste encore beaucoup de zones d’ombre, notamment sur les autres produits chimiques que laisserait échapper l’incinérateur sur lesquels aucune étude n’a été réalisée...

Le débat continue donc, car une autre réunion est programmée toujours dans le cadre de l’Instance locale de concertation pour le traitement de déchets à La Réunion et celle-ci sera consacrée aux filières de traitement et choix des technologies.

Sophie Périabe


Il existe des alternatives aux incinérateurs

La semaine dernière, le Groupement Action Citoyen (GAC) a tenu une réunion d’information et un débat public concernant la problématique de traitement des déchets. Une centaine de personnes s’était rassemblée autour de ce sujet sensible. Quelle est la situation actuelle ? Quelles sont les alternatives à l’incinérateur ? Telles étaient quelques-une des questions posées.

Après avoir rappeler l’historique de l’association et les différentes actions déjà menées, pique-nique citoyen, marche contre l’incinérateur, etc..., le constat est sans appel : « Il existe bien des alternatives à l’incinérateur ».

Le GAC a été convié à participer à une mission initiée par le Conseil général afin de visiter des incinérateurs et autres centres de recyclage, etc... en Métropole. Pour Patrick Picardo, Président du GAC, « aujourd’hui, on ne peut plus dire qu’il existe une seule solution : l’incinérateur ».

Lors cette mission, nous raconte Patrick Picardo, « nous avons rencontré un chercheur-ingénieur d’un centre de recherche qui nous expliquait qu’à La Réunion, il n’y a pas d’argile dans le sol comme en Métropole, donc aucune protection pour notre sol ». D’autre part, ce n’est pas dans l’air qu’il y a pollution, mais bel et bien dans le sol. Ces retombées dans le sol sont extrêmement dangereuses car elles s’accumulent dans le temps. La transmission à l’Homme se fait par l’alimentation. En effet, par exemple, les bovins qui brouteraient un sol et une herbe contaminés par les dioxines les transmettraient à l’Homme par le lait, le beurre, la viande...
L’accumulation de dioxines se fait donc aussi dans le corps de l’Homme, et on en est arrivé à un point où l’on peut donc contaminer le lait maternel.

Des centres de méthanisation (voir encadré), de compostage, de recyclage ont été visités, et le GAC demande donc aujourd’hui que des études soient faites sur les autres alternatives à l’incinérateur adaptées au contexte local sur les problèmes de santé, d’environnement et de finance.


La méthanisation, qu’est-ce que c’est ?

La méthanisation est une fermentation méthanique qui transforme la matière organique en compost, méthane et gaz carbonique par un écosystème microbien complexe fonctionnant en absence d’oxygène. Elle est utilisée afin d’éliminer la pollution organique en consommant peu d’énergie, en produisant peu de boues et en générant un énergie renouvelable : le biogaz.

Les avantages de la méthanisation en tant que procédé de dépollution sont nombreux. Le méthane produit est utilisable comme source d’énergie. Ainsi, 1 m3 de méthane est équivalent à 1 litre de mazout et il est inodore. Le biogaz contient de 55 à 85% de méthane et peut être débarrassé de l’hydrogène sulfuré. Sa valorisation sur place est sûre en termes de débouchés et l’investissement faible dans le cas d’une valorisation thermique directe par combustion.

Les quantités de boues obtenues sont faibles, le procédé est énergétiquement sobre et le bilan carbone est neutre.
La valorisation du biogaz peut s’effectuer selon plusieurs modes possibles :

- Énergie thermique : le biogaz est utilisé pour des besoins thermiques nécessaires à la méthanisation mais aussi sur le site de production (chaudière, eau chaude, ...), soit à l’extérieur (livraison de chaleur à un réseau urbain...).

- Énergie électrique : le biogaz alimente un moteur à gaz (ou une turbine) qui produit de l’électricité. Celle-ci pouvant être exportée par le réseau public ou bien utilisée sur le site de production.

- Cogénération : production d’électricité avec valorisation de l’énergie thermique, d’une part pour le chauffage des digesteurs, d’autre part pour un autre usage. La valorisation peut être interne au site de production de biogaz, mais sans qu’elle ne soit liée au procédé de méthanisation (chaudière, eau chaude...), ou externe (réseau de chaleur...).


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