Bataille politique au Parlement

Le Pacte vert des eurodéputés bute sur la biodiversité

16 juin 2023

Les visions politiques s’affrontent au Parlement européen menace l’avenir d’un projet de loi imposant des objectifs de restauration des écosystèmes. Cette question est la partie la plus importante du Pacte vert de l’UE, mais elle est catégoriquement rejetée par les eurodéputés conservateurs.

Le Parti populaire européen (PPE, droite), demande le retrait pur et simple du texte, qui menace selon eux la production agricole. Le rejet de ce texte serait exceptionnel et jugé opportuniste par les défenseurs du projet un an avant les élections européennes de 2024.

Cette législation a fait l’objet d’un vote serré en commission Environnement, qui devra être confirmé en séance plénière et conditionnera de futurs pourparlers avec les Etats membres.

Le texte proposé au cours de l’année 2022 par la Commission européenne imposait aux Vingt-Sept de restaurer d’ici 2030 les écosystèmes sur 20% des terres et espace marins de l’UE, puis sur l’ensemble des zones abîmées par la pollution ou l’exploitation intensive (forêts, prairies...) d’ici 2050.

Le compromis élaboré lors de la commission Environnement modifiait cet objectif, en imposant plutôt des mesures de restauration d’ici 2030 pour 30% des écosystèmes abîmés, entrant ainsi dans le cadre de l’accord de la COP15 sur la biodiversité de Montréal.

Le projet prévoit aussi l’extension de zones "à haute diversité" (haies, mares, jachères, tourbières...) avec l’objectif indicatif qu’elles représentent 10% des terres agricoles à l’échelle de l’UE.

"L’étude d’impact fournie ne précise pas l’impact pour la production agricole, les surfaces protégées, le coût de la vie... On nous demande de signer un chèque en blanc, sans frein d’urgence si ça se passe mal", a estimé Esther de Lange, vice-présidente du PPE.

Pour l’élue allemande, la législation menace l’essor des industries vertes, en restreignant potentiellement le minage de matériaux critiques ou l’installation d’énergies renouvelables. Des arguments rejetés par la Commission, selon qui l’agriculture est davantage menacée par l’effondrement des pollinisateurs et de la biodiversité.

Le vote se jouera à quelques voix, car en dehors de la droite, quelques élus Renew (libéraux) y sont réticents. Un éventuel rejet devrait être confirmé par l’ensemble des eurodéputés en plénière, avec la possibilité de nouveaux amendements. Mais "politiquement, c’est évident qu’un rejet serait extrêmement difficile à inverser", a prévenu Pascal Canfin (Renew), président de la commission Environnement.

Pour la ministre de l’Énergie Zuhal Demir, l’Europe doit "s’adapter plus plutôt que d’adopter des objectifs climatiques toujours plus ambitieux". "On n’est plus dans la logique de compromis normalement à l’oeuvre, c’est une pure bataille politicienne, idéologique (...) ce vote contre par principe est une posture incompatible avec la protection environnementale", a souligné ce dernier auprès de l’Agence France Presse.

Durant les négociations, le PPE était parvenu à modifier le texte, ainsi des assouplissements ont été évoqués vis-à-vis du principe de "non dégradation" des écosystèmes ou des critères contraignants de biodiversité des forêts.

"C’est désolant. Je ne vois pas d’autre explication que l’approche des élections et la volonté d’attiser les peurs" du public, a conclut l’eurodéputé socialiste Mohammed Chahim.

Les États sont eux en passe d’adopter une position commune lors d’une réunion des ministres de l’Environnement le 20 juin. Toutefois, certains d’entre eux sont totalement contre ce projet de loi.

D’ailleurs, le président français Emmanuel Macron avait évoqué une "pause réglementaire" dans la lutte contre le réchauffement climatique, mais il avait précisé ne pas viser le Pacte vert en négociation.

De son côté, le PPE exige "un moratoire" sur d’autre textes-clés en débat, comme l’objectif de réduction des pesticides. Les membres du groupes réfutent toute visée électoraliste.

Pascal Canfin (Renew), président de la commission Environnement, comptait trouver un équilibre sur un ensemble de textes tels que la "restauration naturelle", les pesticides, le stockage de carbone, les émissions polluantes des élevages, et une proposition attendue début juillet pour encourager les "nouvelles techniques génomiques". Selon lui, ces propositions devraient être soutenues par le PPE.

Un équilibre remis en question par le PPE, qui exhorte à Bruxelles une nouvelle proposition sur la restauration de la nature. "Cela n’arrivera pas, que cela soit clair", a martelé le 22 mai le vice-président de la Commission Frans Timmermans devant des parlementaires.

"Le Pacte vert n’est pas un ’menu à la carte’ (...) On ne peut garantir la production alimentaire, les revenus des agriculteurs et une bio-économie prospère si on ne restaure pas la nature", si les sols "sont pollués, ravagés par les pesticides".


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