À propos de l’eau

Le paradoxe d’une île aux records pluviométriques

22 mars 2007

« La Réunion détient les records mondiaux de précipitation entre 12 heures et 15 jours. Avec GAMEDE, La Réunion bat ses propres records mondiaux de précipitations sur les durées de 3 à 9 jours », nous indique le site de Météo France. Terre de paradoxe, notre île a depuis de nombreuses années des problèmes en distribution d’eau. Pourquoi ?

Gamède serait vite passé dans les esprits. Avec tout son fracas, le cyclone fait une fois de plus de l’île de La Réunion une terre de records. L’eau ne manquerait pas, donc. Météo France notait que « les pluies, bien que n’ayant pas connu de pics d’intensité extrêmes, ont été très régulières et très abondantes dans tous les hauts de l’île, produisant par accumulation des lames d’eau remarquables voire exceptionnelles sur des durées de un à plusieurs jours. Des données de pluviographes récupérées a posteriori dans les jours qui ont suivi la fin de l’épisode, ont permis d’établir que des records mondiaux de précipitations avaient été battus ». Gamède porterait des valeurs proches, voire supérieures, aux données pluviométriques de l’avalasse Hyacinthe, qui conserve cependant les recors mondiaux pour les durées de 10 et 15 jours. Autant dire, La Réunion a de l’eau ?

Le défi de la gestion globale de la ressource en eau

L’actualité récente, et même avant le passage de Gamède, faisait état de l’assèchement de certains quartiers, dans certaines villes du Sud, tandis que l’on entendra toujours parler du basculement des eaux d’Est en Ouest. Les agriculteurs de la zone Ouest quémandent de l’eau. Des artistes s’unissent pour que l’eau arrive pour les petits exploitants agricoles, dans les hauts de l’île, ou des zones côtières. Kabar delo, organisé avec Danyèl Waro, est le bon exemple de cette initiative solidaire. Encore faut-il s’inquiéter du prix de l’eau, fluctuant de commune en commune ! Doit-on soulever les anomalies dans la gestion de l’assainissement des eaux usées ? En 1996, selon les données de l’Office de l’eau, les besoins en eau potable, agricole et industrielle, s’élevaient à près de 800 millions de mètres cubes. Notre population a augmenté, et le besoin en eau se fera toujours plus grandissant. D’autant qu’un regard sur le défi du million d’habitants à l’horizon 2020 doit amplifier la mise en place d’une politique de l’eau en phase avec l’évolution du pays. Nous fêtons l’eau aujourd’hui, et l’eau manque au pays. Selon l’Office international de l’eau, « La Réunion est dans une situation très contrastée en matière d’eau : elle détient plusieurs records mondiaux de précipitations, mais il ne pleut que quelques jours par an dans certains endroits ; les ressources théoriques sont environ six fois supérieures aux besoins, mais la pénurie amène régulièrement des communes à suspendre la distribution d’eau potable ». Consternants, ferez-vous lecteurs ? D’un point de vue technique, l’office international de l’eau précise que cela s’explique par « des montagnes qui créent une barrière naturelle, qui arrête les précipitations venues de l’Est et assèche l’Ouest dont le climat plus agréable attire toutefois une population sans cesse croissante. L’essentiel de la demande d’eau est par conséquent localisé dans les territoires les plus secs, qui sont ainsi menacés à court terme de pénurie chronique. Le développement de l’île passe donc nécessairement par une gestion globale de la ressource en eau ».

Beau fiasco !

La gestion globale de la ressource en eau implique le basculement de l’eau d’Est en Ouest. L’eau serait mal répartie, selon le Conseil Général lui-même, chargé de la gestion de l’eau. Si l’Est et les hauts de l’île affichent fièrement les records en pluviométrie, l’Ouest reste comme peau de chagrin. « À ces handicaps naturels, s’ajoute l’évolution prévisible et à court terme des besoins en eau pour répondre à l’accroissement de la population, entraînant le risque de surexploitation et de pollution des nappes et des rivières », indique le Conseil Général. Reste le gaspillage d’eau, à cause du tunnelier bloqué. Débuté en 1995, ce projet a pour but de bien répartir l’eau entre les zones Est et Ouest de l’île, pour pallier la mauvaise répartition des pluies dans l’espace, un sous-sol géologiquement jeune et perméable, et un relief ne permettant pas le stockage artificiel de l’eau. Le basculement, c’est 30 kilomètres de galeries, cherchant à approvisionner l’Ouest par les gisements en eaux de 2 rivières de la région Est. Irriguer plus de 7000 ha, renforcer la desserte en eau domestique et industrielle de la zone littorale Ouest, le défi est grand. Au-delà de ces chiffres, ce projet permettra, disait-on, d’amener de l’eau dans une région à fort potentiel agricole, touristique et industriel, où les ressources souterraines sont menacées de surexploitation et de salinisation des nappes. Le Projet d’irrigation du littoral ouest (PILO) a-t-il encore lieu d’être ?, demandait Graziella Leveneur, Conseillère municipale de Saint-Pierre, qui relevait dans nos pages que « L’eau du basculement risque de servir davantage à la consommation urbaine d’ici à 2025 qu’à la consommation agricole. L’arrêté préfectoral qui interdit aux communes de prélever plus de 20% de l’eau pour les particuliers afin de consacrer 80% à l’usage agricole, risque de “tomber” sous les assauts de l’urbanisation ». Et l’élue de demander si « certains gaspillages de temps et d’argent n’étaient-ils pas évitables, lorsqu’on voit certains chiffres dans ce dossier ? ». 400 litres seconde d’eau jetés à la nature. Ce n’est là qu’un chiffre approximatif. Quel paradoxe !

Willy Técher


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