Le Parc National se dévoile au monde

10 juillet 2008, par Edith Poulbassia

Le colloque sur le changement climatique et la biodiversité s’est déplacé hier à la Plaine-des-Palmistes, siège du Parc National de La Réunion, et haut lieu de la biodiversité de l’île. Pour le comprendre, les experts ont eu droit à une visite guidée de la forêt primaire de Bébour-Bélouve. L’occasion de présenter à la communauté internationale l’originalité du Parc National, outil de protection des écosystèmes riches et fragiles de l’île. Un mahot blanc a été planté pour marquer l’instant.

Le guide Samuel Couteyen présente la richesse du site.
(Photo Toniox)

Parler de la biodiversité de La Réunion sans l’avoir vu de près, ça ne pouvait se faire. Pour échanger les expériences, comparer les situations des différents territoires, rien de mieux qu’une visite de terrain. Les experts ont découvert hier la fraîcheur des Hauts de la Plaine-des-Palmistes, son relief, et avec elle la forêt primaire de Bébour-Bélouve. Les guides du Parc National, d’associations comme la SREPEN (Société réunionnaise pour l’étude et la protection de l’environnement) se sont prêté au jeu des questions-réponses sur les espèces endémiques de la forêt tels le fanjan, le palmiste rouge, le tamarin des Hauts.
Samuel Couteyen, guide à la SREPEN, a accompagné un petit groupe d’experts sur le sentier de 800 km qui conduit au lit de la Rivière des Marsouins, rivière qui alimente les deux usines hydrauliques de Takamaka. « Il s’agit plus d’une forêt de mousse que de végétaux supérieurs », précise-t-il aux experts, intrigués par la faune et la flore. Le passionné de nature fait ainsi découvrir les plantes épiphytes, les orchidées sauvages, les traces de passage d’un tangue (tanrec), les longues racines d’un fanjan, le zoizo blanc, les rares palmistes rouges qui demeurent encore à flan de falaise... « La forêt primaire était composée en majorité de fanjans et de palmistes rouges », précise-t-il. Le braconnage a fait disparaître du paysage le palmiste rouge, et avec lui d’autres espèces, notamment des insectes. Les espèces envahissantes sont aussi une menace pour l’environnement. Au loin, le guide montre l’étendue de la vigne marronne. Pour ces experts de l’environnement, cette visite de la forêt primaire est une véritable découverte, même si des rapprochements peuvent être faits avec les autres îles. Sur l’évolution des espèces, l’adaptation au milieu, la fragilité des écosystèmes, La Réunion peut partager ses connaissances avec ces experts de la biodiversité.

« Une décision généreuse et avant-gardiste de la protection de l’environnement »

C’est d’ailleurs l’un des objectifs du Parc National, avec la valorisation du patrimoine naturel et culturel, l’accompagnement des projets de développement durable, le rayonnement de l’île vers l’extérieur. Le lancement international du Parc a eu lieu en début d’après-midi, en présence des représentants des collectivités locales, Région et Département, du maire de la Plaine-des-Palmistes, du président du Parc, du préfet. Car le Parc National est bien l’aboutissement du partenariat de ces différents acteurs. La démarche date des années 1990, a rappelé Philippe Berne, vice-président du Conseil régional délégué à l’Aménagement, lorsque le Schéma d’Aménagement Régional (SAR) a été validé par le Conseil d’Etat pour concilier la protection du milieu naturel, la préservation des espaces agricoles, la densification urbaine, le rééquilibrage des micro-régions. « Il nous fallait un bon outil de gestion », insiste-t-il. La nouvelle génération de Parc National qui prend en compte les zones habitées apporte en plus un label touristique à l’île.
Voilà un peu plus d’un an que le Parc National de La Réunion existe, il fonctionne grâce à un budget annuel de 8 millions d’euros attribué par l’Etat, 90 agents y travailleront fin 2009. Le Préfet Pierre-Henry Maccioni s’est adressé particulièrement à la directrice générale de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature), Mme Marton-Lefèvre, pour lui assurer des « atouts incomparables » de l’île. Un expert de l’UICN se rendra en effet dans l’île le mois prochain pour évaluer la candidature au patrimoine mondial de l’UNESCO. Le préfet a par ailleurs annoncé l’intention de la France de mettre en place un « réseau qui fédérerait les autres parcs et réserves des RUP et régions tropicales ». Il a invité les participants au colloque à devenir des « ambassadeurs de la biodiversité réunionnaise » à travers le monde.
La directrice générale de l’UICN, qui faisait « pour la première fois un discours dans un endroit si sympathique », a bien compris l’importance de cette candidature au patrimoine mondial et les efforts entrepris. « Vous entrez dans la phase la plus délicate, celle du plan de développement. Un parc est un espace de conservation, de recherche et de beauté, mais aussi qui tient compte du social et du culturel. La moitié du territoire de l’île fait partie du Parc. Vous avez pris une décision généreuse et avant-gardiste de la protection de l’environnement. Comme le Parc guyanais, ce ne sera pas un espace cloisonné, il alliera préservation de la biodiversité et développement durable. Ce Parc sera une tête de pont au niveau régional et européen pour les échanges d’expérience », a-t-elle déclaré. Sur la candidature à l’UNESCO, Mme Marton-Lefèvre a rappelé qu’une mission aura lieu dans quelques jours. « La candidature est un processus rigoureux et juste, je vous souhaite bonne chance », a-t-elle dit. Après le lagon de la Nouvelle-Calédonie, La Réunion sera peut-être le prochain site inscrit au patrimoine mondial. Dans ce cas, les participants de ce colloque auront eu en avant-première un aperçu de ce joyau.

Edith Poulbassia


Préserver la biodiversité : « ti pa ti pa na rivé »

Préserver la biodiversité, c’est la protéger des activités humaines, lutter contre les espèces envahissantes et tenir compte du changement climatique. “Comment s’adapter au changement climatique, augmenter la résilience des écosystèmes et réduire la vulnérabilité des cultures et activités humaines ?”, c’était le thème de la table-ronde d’hier. Par ailleurs, trois ateliers ont eu lieu : “Évaluation économique de la biodiversité et des servies des écosystèmes : quelle place dans les stratégies de développement ?” ; “Quelles stratégies face aux espèces introduites envahissantes ?”, “Comment renforcer le rôle de la société civile en matière d’environnement dans les RUP et les PTOM ?”.
A la Plaine-des-Palmistes, des projets sont en cours pour replanter des espèces endémiques et associer les habitants à ces actions. Samuel Couteyen, guide à la SREPEN, cite ainsi l’exemple de la construction de logements sociaux à proximité du chemin de croix. La vigne marronne qui envahit la colline va céder la place aux espèces indigènes. Le maire de la Plaine-des-Palmistes a souligné le défi que représente pour la commune rurale de protéger sa végétation et sa faune, essentiellement les oiseaux comme le papangue, de contrôler les espèces envahissantes comme les goyaviers, de lutter contre la pression immobilière. « Nous n’avons pas encore les effets de la mondialisation, mais nous devons faire des efforts : le stockage de l’eau, les panneaux solaires, la construction HQE, notamment le bois, les déplacements doux. Notre ville veut être pionnière pour l’application du plan vélo du Conseil régional ». Il a adressé ce message aux congressistes : « Don’t give up, step by step, we will arrive », assorti de la traduction en créole. « Larg pa le cor, ti pa ti pa na rivé ».

EP

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