Incinérateur : discours et silences

Le risque industriel existe toujours

6 septembre 2006

Par manque d’anticipation, l’on n’a pas su mesurer le risque sanitaire lorsque l’épidémie de chikungunya est entrée dans notre territoire. Saura-t-on mesurer le risque industriel de l’incinérateur ?

Le discours officiel et gouvernemental se veut rassurant et voudrait lever toutes les inquiétudes liées à l’incinérateur pour imposer un choix qui reste pourtant soumis à de nombreuses incertitudes et à de multiples questionnements sans réponses.
Comme le démontrent Michèle Allsopp, Pat Costner et Paul Johnston dans un dossier de Greenpeace intitulé “Incinération et santé. État des connaissances et impacts de l’incinération des déchets sur la santé humaine”, "actuellement, le manque cruel de données entraîne une impossibilité de prédire les effets sur la santé des incinérateurs, y compris des nouvelles installations et celles remises aux normes".

Des risques irréversibles

Les émissions de gaz et le Centre de Stockage des Déchets Ultimes (CSDU) de l’incinérateur de traitement de déchets ne sont donc pas sans risques. Il existe même des risques majeurs, avec une faible fréquence mais une énorme gravité, ainsi que des risques chroniques. Ils sont de formes diverses et peuvent avoir des incidences sur les éléments fondamentaux de la vie, sur les milieux, sur le patrimoine, sur les activités humaines et sur notre santé.
Ces risques sanitaires sont instantanés et irréversibles à l’échelle humaine.

Agir autrement

L’incinérateur comporte un risque industriel qui devrait être placé au cœur du débat. Et la population doit participer à cette réflexion. On ne peut faire l’impasse sur cette concertation. Il faut, avant toute décision, que chacun puisse, en toute connaissance, apprécier les risques potentiels de l’incinération.
Les politiques publiques doivent se construire dans l’échange et se doivent d’être plus cohérentes pour diminuer les pollutions et les nuisances. Il est nécessaire de mieux cerner la réalité des risques, d’en informer tout le monde, d’augmenter la surveillance des sites. Par nos choix de consommation, nous pouvons peser sur les circuits en amont, dès la fabrication, pour que les industries mettent en place des produits moins polluants et moins dangereux. Soyons conscients de la portée de nos actes.

Accélération de l’effet de serre

La France est la championne de l’incinération et totalise deux tiers des incinérateurs en fonctionnement dans l’Union européenne.
D’après les données du programme gouvernemental de lutte contre l’intensification de l’effet de serre, avec la poursuite de la construction d’incinérateurs en France, les émissions de gaz carboniques directement imputables à l’incinération devraient augmenter de 630% entre 1990 et 2010 et de 550% pour les oxydes d’azote... Alors que l’industrie est engagée dans la même période dans une réduction de 75% de ses émissions.

Des études muselées

De plus, les nouvelles directives européennes, qui servent souvent de garanties, n’ont pas formulé leurs objectifs de réglementation et de contrôle en fonction des impacts sur la santé humaine, mais en fonction de la faisabilité technique. Cela signifie que les normes s’alignent sur les évolutions techniques en matière de traitement des fumées. Elles ne s’alignent pas sur les recherches en matière de santé.
André Picot, Directeur de l’unité de recherche sur la prévention du risque chimique au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), prévient dans le "Rapport d’information sur la pollution de l’air" enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 mai 2001 : "Un des problèmes essentiels des dioxines est celui de l’allaitement maternel, où les concentrations sont très élevées. Nous sommes là en face d’un problème de santé publique évident qu’il faut évaluer sans affoler et pour lequel le principe de précaution s’impose".
Il déclare également à propos de son éviction du groupe de travail sur les dioxines. "On m’a demandé de corriger mon rapport sur le caractère cancérogène des dioxines. J’ai refusé et j’ai dû partir". Un geste fort, en réponse à une pratique qui en dit long sur le crédit que l’on peut porter à certains discours officiels.

S. L.


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