Dans une cité du Port :

Le ’tri sélectif’ contrarié à la Rose des Vents

11 octobre 2006

Dans les logements collectifs de la Rose des Vents - une cité de 15 petites tours et 225 logements, à l’entrée de la ville - le tri sélectif n’est pas encore introduit. Les pratiques des habitants y sont très inégales. Certains, plutôt rares, ont commencé à trier et attendent avec impatience la construction d’un local prévu à cet effet. Faute d’être intégré au dispositif prévu par la loi, le traitement des ordures en devient même un point de friction entre locataires.

Il y a environ 2 mois, l’agence de la SHLMR du Port a lancé la construction de locaux spécifiques, réservés au triage des déchets ménagers : des locaux couverts, plus importants que les petits "cagibis" qui, dans chaque tour, sont équipés de 3 poubelles dans lesquelles les locataires viennent déverser en vrac - et quelquefois sans aucun souci d’entretenir la propreté des lieux - leurs déchets quotidiens.
Les travaux ont été interrompus dès le premier jour par des jeunes de la ZUP communale, la cité voisine. Ils devraient reprendre la semaine prochaine, selon le gérant SHLMR du Port (voir encadré) , après une série de réunions tenues avec des partenaires associatifs et municipaux des HLM. 
Comment les habitants de logements collectifs se comportent vis-à-vis de la question des déchets ? C’est ce que nous avons cherché à savoir en interrogeant plusieurs familles.


Témoignages

o Josélito et Corinne Vaïtilingom

"I poz pa moin problèm pou tri mon bann déshé"

Chez ce jeune couple sans enfant, Josélito travaille à la Déchetterie du Port. Alors, le tri, il connaît et ça le concerne. Ils disent jeter en tout dans les poubelles communes du bas de l’immeuble : "troi sashé Score lordïr ménazèr par somèn". Soit à peine 20 litres. Josélito trie tout. "Kom mi travay la déshétri, mi préfèr tri mon bann salté moin mèm. Mi anmèn bann karton, bann boutèy plastik, bann zourno-magazine... Tout lé fin’d-semèn, mi anmèn mon bann sashé. Lo bann déshé, mi koné i fo resiklé, komsa nou lé pa oblizé ashté la matièr promièr...". Le verre aussi trouve sa place dans un sachet à part. "I poz amoin okin problèm pou tri mon bann déshé", assure-t-il.
Le fait d’aller tous les jours, tôt le matin à la déchetterie, lui permet de faire un tri efficace.

o A. et J.

"S’il y avait un résultat, on pourrait trier plus"

A. et J., bien que conscients de la nécessité du tri sélectif et déjà très engagés eux-mêmes dans cette voie, ont demandé à rester "anonymes" - signe, peut-être, qu’ils ne se sentent que peu encouragés, peu soutenus dans leur démarche, par l’entourage. Ils ont 2 garçons, de 15 et 20 ans. Et aussi un chien, un lapin et une tortue... dont l’apport, dans la réduction de leur déchet, s’avère essentiel ! Le chien finit les restes des repas, le lapin et la tortue se partagent les épluchures. Au final, leur poubelle de 100 litres ne reçoit que ce qu’ils ne donnent pas aux animaux, moins les emballages en plastique et polystyrène, qu’ils collectent à part. "On essaie de trier pour que la poubelle ne soit pas trop pleine... On n’est là que le soir. Dans la journée, nous travaillons et les garçons prennent un sandwich la plupart du temps. Le week-end, nous allons dans la famille. En fait, on évite de mettre dans cette poubelle les bouteilles en plastique. Mais arrivé en bas, c’est le même résultat puisqu’il n’y a pas de tri", expliquent-ils ensemble.
"En bas"... c’est là qu’est le nœud du problème. "Le local est petit, sale. C’est entretenu, mais certaines personnes mettent la saleté n’importe où et ne prennent pas la peine de mettre leurs ordures dans la poubelle", dit la femme. C’est le dimanche soir que "ça déborde" vraiment.
A. et J. donnent les bouteilles en verre consignées à un vieux accompagné d’une meute de chiens, qui vient les ramasser. Les encombrants ? "Quand il y en a, je vais à la voirie pour les déposer. Il y a un numéro qu’on peut appeler, si on a besoin", dit A.
Prêts à trier davantage leurs ordures ménagères, ils font partie des locataires qui attendent avec une certaine impatience la relance des locaux poubelles destinés au tri. Car dans l’état actuel des choses, leurs efforts sont inutiles. "S’il y avait un résultat, on pourrait trier plus", complète le père de famille.

o Gh. M. 

"Plus ça va, plus c’est insalubre"

Locataire dans un des immeubles de la cité depuis plus de 20 ans, Mme M. est aussi l’une des personnes qui souffrent le plus de la situation actuelle, le cagibis des poubelles se trouvant juste au niveau de sa cuisine, séparé par une simple cloison. Les odeurs ne connaissent pas de frontière...
"Comment jeter ses poubelles quand certains mettent dedans un carton de machine à laver ?", commence-t-elle. Le vendredi précédent, un locataire indélicat avait complètement obstrué le local en y entreposant un énorme carton. "Au lieu de le mettre dehors, avec les encombrants, ou de le porter à la déchetterie, on l’a mis dans le cagibis. Il n’y avait plus de place pour les autres locataires !". Autre grief, l’odeur : "Ce week-end, j’ai essayé 4 ou 5 fois de fermer la porte, tellement ça sentait mauvais. Rien à faire..."
Atteinte d’une grave maladie orpheline, cette femme a beaucoup à se plaindre du comportement de voisines peu soucieuses d’autrui, selon elle. "Le local n’est pas entretenu. L’agent SHLMR vide les poubelles et les nettoie, mais le local reste toujours sale. Avant, il y avait un point d’eau, mais il fuyait, cela coulait partout dans ma cuisine".
Plus de point d’eau, plus de fuite, mais plus de nettoyage non plus. "Plus ça va, plus c’est insalubre !", proteste-t-elle. "Avant, nous jetions nos poubelles dans une colonne, chacun depuis son palier. Maintenant, chacun vient déposer dans le local du rez-de-chaussée. N’importe comment... on trouve des couches de bébé par terre, des morceaux de viande ou de poissons pourris... C’est très insalubre", relève cette ancienne agent hospitalière.
Elle jette quant à elle "un sachet de 20 litres tous les deux jours", sauf les piles et "les objets qu’il ne faut pas mettre à la poubelle". Mais elle ne trie pas, son état de santé ne lui permettant pas d’aller à la déchetterie.

P. David


SHLMR : "Les travaux vont reprendre la semaine prochaine"

Le nouveau gérant de l’agence du Port, Simon Brandon, a pratiquement découvert le problème posé par des voisins de la cité Rose des Vents au moment de prendre son nouveau poste dans la cité maritime. Après 9 ans passé au Chaudron et 2 ans à Saint-Denis, il peut s’estimer rompu aux discussions avec les habitants. Il a quand même été surpris par l’irruption de jeunes déterminés à faire cesser les travaux, le premier jour. L’équipe d’ouvriers déplacée sur les lieux n’a eu que le temps d’installer la clôture.
Les jeunes ont dû se montrer suffisamment menaçants pour obtenir le déplacement du gérant de l’agence et du chef d’entreprise. "Ça va sentir mauvais... La saleté va venir chez nous". C’est avec ces arguments qu’ils ont obtenu de tout arrêter... provisoirement.
Le tri est, en effet, une obligation légale que la SHLMR a entrepris de remettre dans les tuyaux. Non sans avoir rencontré la Présidente d’une association d’action sociale, Yannick Pothier, et un responsable du Centre d’action sociale de la Mairie, Patrick Selly, pour tenter d’instaurer un terrain d’entente incluant les différentes questions venues se greffer sur celle du tri sélectif. En effet, les mêmes qui se sont opposés à la construction des locaux poubelles ont investi un des terrains prévus à cet effet, pour y souder des cages de football qui, un jour prochain, devront être démontées. "Il va y avoir du sport" comme dit la chanson... La SHLMR aurait proposé d’élever un mur pour limiter les "nuisances". "Les travaux vont reprendre la semaine prochaine", affirme Simon Brandon dans une lettre aux locataires. Il se dit prêt, s’il le faut, à rencontrer les jeunes de la ZUP communale.


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