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Le z’anguille en danger
vendredi 10 novembre 2006
Se tient depuis mardi à St Leu, un séminaire sur le thème des anguilles du Sud-Ouest de l’Océan Indien initié par l’ARDA (Association Réunionnaise pour le Développement de l’Aquaculture) en collaboration avec le laboratoire de biologie et des environnements marins de l’université de la Rochelle. En effet, depuis novembre 2004, l’association et le laboratoire ont monté un projet commun afin de mieux connaître des espèces d’anguilles vivant dans notre région et de travailler à une meilleure conservation de ses espèces. Des scientifiques de Madagascar, des Seychelles, de Maurice, de métropole et même de Suède se sont donné rendez-vous dans l’île afin de clôturer ce projet.
L’anguille est une ressource fortement exploitée dans de nombreuses régions du globe, la production annuelle est de 250.000 tonnes, principalement en Europe, Amérique du Nord et Asie. Le stock d’anguilles dans l’hémisphère nord ne cesse donc de diminuer. Dans notre région, cette ressource est traditionnellement exploitée artisanalement et le niveau d’exploitation est mal connu. 4 espèces d’anguilles ont été répertoriées dans la zone dont 2 espèces endémiques : l’anguille du Mozambique et l’anguille tachetée. L’anguille bicolore est également présente en Inde et en Indonésie et la dernière espèce, l’anguille marbrée s’étend sur toute la région indo-pacifique. Alors que les autres populations d’anguilles exploitées dans le monde déclinent (Europe, Amérique, Japon), « les demandes des marchés asiatiques et européens stimulent, selon le directeur de l’ARDA, Pierre Bosc, l’émergence de la pêche des civelles et l’élevage ou la collecte des anguilles jaunes dans notre région ». Pour bien comprendre, il faut savoir que l’anguille se reproduit et pond dans l’océan, lorsque les œufs deviennent des larves, elles commencent leur migration vers des eaux continentales (eaux douces), elles deviennent à ce moment des civelles. Puis suit une phase de croissance où elles se transforment en anguille jaune, et enfin, elles deviennent des anguilles argentées lorsqu’elles arrivent à maturation et sont prêtes à rejoindre le lieu de ponte en plein océan. Ce cycle peut durer jusqu’à 15 ans et donc les anguilles se reproduisent une seule fois dans leur vie. D’où le danger de les pêcher à l’état de civelle ou d’anguille jaune ; dès lors, la reproduction ne pourra plus se faire. « Comme pour les autres stocks d’anguilles exploitées, il apparaît important d’initier au plus vite un programme de suivi des populations du sud-ouest de l’Océan Indien afin de préserver l’espèce », nous rappelle le professeur Eric Feunteun de l’Université de la Rochelle. Ce programme de recherche a été possible grâce à la collaboration avec les équipes de recherche et les ministères chargés de l’environnement dans 6 pays (Japon, Mozambique, Madagascar, les Seychelles, Maurice et la France) et 3 régions françaises : La Réunion, le Poitou-Charentes et le Languedoc-Roussillon. À l’occasion de ce séminaire, il était important pour les organisateurs de mobiliser les partenaires scientifiques et techniques, l’État, les Collectivités, l’Europe sur les enjeux d’un suivi et de la gestion des populations de poissons diadromes (anguilles, bichiques) exploitées dans cette région de l’Océan Indien.
Des parasites nocifs pour nos anguilles
Afin de définir les principales caractéristiques des populations d’anguilles dans notre région, différentes équipes de recherche ont effectué des échantillonnages sur les populations piscicoles, par pêche à l’électricité, sur les principaux cours d’eau des 3 archipels du sud-ouest de l’Océan Indien : les Comores (Mayotte), les Seychelles (Mahé, Praslin et Silhouette) et les Mascareignes (la Réunion et Maurice). Plusieurs campagnes ont été menées, 3 à Mayotte, 2 aux Seychelles et à Maurice et 6 dans notre île.
Il en ressort de ces études que l’anguille marbrée domine le peuplement de la Réunion (91,6%), de Maurice et de Mayotte. L’anguille du Mozambique (5%) et anguille bicolore (1%) y sont également représentées mais en moindre importance. Alors qu’aux Seychelles, une seule espèce est présente : l’anguille bicolore. De plus, on rencontre davantage de grands individus aux Seychelles par rapport aux autres archipels étudiés.
Cela peut s’expliquer par les menaces croissantes qui pèsent sur les anguilles de cette région. En effet, les parasites sont sans doute la menace qui a été le moins prise en compte, mais pour laquelle des conséquences sur les populations sont bien réelles. Sur 119 anguilles étudiées provenant de bassins versants de la Réunion, 8 espèces de parasites ont été découvertes. 3 des ces espèces sont originaires du Japon et ont été introduites en Europe au début des années 1980. Ces espèces sont connues pour leur effet nocif sur les anguilles. Les conditions d’importation d’anguilles vivantes à la Réunion ainsi que les données épidémiologiques laissent à penser que les parasites pourraient avoir colonisé l’île de façon relativement récente. Il y aurait un risque éventuel de menaces sanitaires sur les espèces locales.
Il est donc essentiel que la population ait un comportement respectueux de l’environnement et de la nature car sinon nous courons à la disparition de nombreuses espèces.
Sophie Périabe
Campagne océanographique japonaise de Novembre/Décembre 2006 pour l’identification des aires de pontes des anguilles
Aucune étude, jusqu’ici, n’avait su déterminer précisément les lieux de ponte des anguilles dans la zone du sud-ouest de l’Océan Indien. Approximativement, la zone identifiée pour l’espèce la plus abondante s’étendrait tout le long de la dorsale des Mascareignes, loin au nord-est de Madagascar. Cependant, si cette zone de ponte semble concerner le plus grand nombre d’anguilles, certains individus plus âgées pourraient venir de la partie orientale de l’Océan Indien, à proximité des côtes ouest indonésiennes.
Ainsi, sur la base de ces informations, l’Ocean Research Institute de l’Université de Tokyo a affrété son navire océanographique pour venir réaliser une campagne pêche au filet à plancton dans l’Océan Indien. Deux parties sont prévues. La première permettra de réaliser une dizaine de “traits” dans l’Est de l’Océan Indien au large des côtes indonésiennes vers le début novembre. La seconde partie, à laquelle l’équipe française est associée, a été programmée en collaboration avec les collègues de Tokyo et se déroulera du 26 novembre au 4 décembre. L’équipe française est composée de 12 chercheurs qui réaliseront à bord différentes analyses. L’ensemble de ces données sera traité conjointement par l’Université de Tokyo et l’équipe française, les différentes tâches seront réalisées sous la responsabilité de différents membres du consortium.