Les agriculteurs du Sud réclament de l’eau pour leurs cultures

8 mars 2007

Lors de la venue du ministre François Baroin dernièrement à Saint-Pierre chez l’agriculteur Denis Hoarau, le Président de l’association des irrigants du Sud, Alain Bellon, a fait part au Ministre de l’Outre-mer des problèmes que rencontrait l’ensemble des agriculteurs du bassin Sud. Face à un manque considérable de l’eau, les planteurs et éleveurs ne peuvent plus faire face à cette situation et ont donc demandé une table ronde avec la Saphir, la Mairie de Saint-Pierre et le Conseil Général.

Cette table ronde a donc eu lieu, mardi au Conseil Général de Saint-Pierre, en présence du Président de la Saphir et de son directeur, Willy Tan et Gérard Choux, ainsi que du Maire de Saint Pierre et deux adjoints, David Lorion et Stéphano Fontaine et un administratif du département. Face à eux, une vingtaine d’agriculteurs en colère. Alain Bellon déplore de « toujours parler aux mêmes personnes, et demande, où sont les élus du Département ? »

Ils ne peuvent plus travailler...

Depuis les récents problèmes d’eau et le passage de Gamède, les agriculteurs ont tout perdu. Après avoir compté leurs pertes, ils pourraient recommencer à planter, mais là encore, avec une épée de Damoclès au-dessus de leur tête. En effet, si de nouvelles pluies s’abattaient sur le Bras de la Plaine, ces planteurs seraient à nouveau privés d’eau et donc perdraient toutes leurs cultures. Et cette situation pourrait durer encore 2 ans, ajoute le directeur de la Saphir, Gérard Choux. Selon ce dernier, « le cyclone a un peu déblayé l’éboulis, mais c’est loin de s’arranger. En effet, si l’on mettait 50 camions dans le Bras de la Plaine 24h/24 pour tout déblayer, il faudrait 4 ans pour revenir à une situation à peu près normal ».
Aujourd’hui, les planteurs ne savent plus où donner de la tête et réclament une solution pour les aider à faire face à cette situation dramatique. « Donn a nou le RMI, é nou va assiz pendan 2 zan », propose un planteur dans la salle.
Il est clair que sans eau, ces personnes ne peuvent plus travailler et se retrouvent donc au chômage, sans revenu. Alain Bellon demande donc expressément aux acteurs concernés, de trouver une solution car « si la semaine prochaine rien n’est fait, nous serons obligés de bloquer la Saphir et le Conseil Général », assure Alain Bellon, déterminé à aller au bout de leurs revendications.

« Vous auriez pu avoir de l’eau pendant 40 jours »

Lors de cette confrontation Michel Fontaine a révélé que les planteurs auraient pu avoir de l’eau pendant 40 jours. En effet, lorsque l’eau est captée dans le Bras de la Plaine, il arrive dans une “grosse citerne”, puis cette eau est ensuite acheminée, une partie pour les agriculteurs et l’autre partie aux Saint-Pierrois. Comme l’eau était de mauvaise qualité, environ 80 unités NTU (Unité Néphélométrique de Turbidité), la Saphir a donc fermé les tuyaux, car cette eau n’était pas consommable par les habitants. Néanmoins, cette ressource aurait pu être mises à disposition des planteurs, car même si l’eau est légèrement sale, elle peut être utilisée en agriculture.
Pour bien comprendre la situation, il faut savoir que l’unité NTU permet de mesurer la turbidité de l’eau et donc savoir si elle peut être consommable ou non. Généralement, lorsque la turbidité est en dessous de 2 unités NTU, elle est propre à la consommation humaine et au-delà de ce seuil, l’eau est considérée sale. Cependant jusqu’à 80 unités NTU, elle peut servir à l’irrigation, et c’était le cas dernièrement.
Michel Fontaine a déclaré que « l’on a attendu que la qualité de l’eau redevienne à un stade plus ou moins acceptable, c’est-à-dire à moins de 24 unités NTU pour que les gens puissent la faire bouillir, pour distribuer de l’eau à tout le monde, habitants et agriculteurs ».
Ce qui provoque en plus la colère des agriculteurs envers la Saphir est qu’une solution aurait dû et doit aujourd’hui être trouvée pour rénover ce réseau de distribution complètement obsolète. Les sommes à engager seraient très importantes. Il faudrait sécuriser les différents sites, séparer les 2 réseaux. Où trouver les fonds ? Le département investit dans le basculement des eaux d’Est en Ouest, c’est bien, mais ne faudrait-il pas penser aussi au Sud ? Une fois de plus on constate que le Sud est oublié.

La Saphir en danger ?

Les planteurs sont également inquiets quant à l’avenir de la Saphir. Il faut savoir que la Saphir s’occupe de la gestion des eaux d’irrigation, mais aussi de l’eau de consommation des Saint-Pierrois. C’est d’ailleurs la seule commune qui achète de l’eau à la Saphir. Mais vu, les derniers évènements et l’ouverture prochaine des puits de Pierrefonds, les planteurs craignent que la Mairie de Saint-Pierre se tourne exclusivement vers cette nouvelle ressource et abandonne le Bras de la Plaine et donc la Saphir. Si cela arrivait, la Saphir ne pourrait plus à elle seule supporter les coûts d’exploitation du Bras de la Plaine. Dans ce cas, soit le Département réinvestit dans la Saphir pour combler le manque à gagner que laisserait le départ de la Mairie de Saint-Pierre et donc subventionne les agriculteurs, soit la Saphir met la clé sous la porte.
Cela veut également dire que pour le moment, ce sont les habitants de Saint-Pierre qui subventionnent les agriculteurs.
Michel Fontaine, pour l’instant, rassure les agriculteurs et dit qu’il va continuer à jouer le jeu et donc acheter de l’eau à la Saphir, mais il précise « qu’il ne faut plus arriver à une telle situation ».
Ce serait donc pour cette raison que le Département ne souhaiterait pas vendre les puits de Pierrefonds à la commune de Saint-Pierre, de peur que celle-ci “lâche” la Saphir, et qu’elle serait obligée de combler ce manque à gagner pour la Saphir.

Tous sont unanimes pour dire sauvons l’outil Saphir. C’est cela en réalité le souci de tous ces acteurs.

Sophie Périabe


Commentaires

Des solutions existent à court terme

David Lorion, adjoint chargé de l’aménagement du territoire à Saint-Pierre nous a appris hier qu’il existait des sources inutilisées dans le Bras de la Plaine du côté de la rive droite et donc qui ne seraient pas touchées par l’éboulis. Ces sources permettraient de capter de 600 à 1000 m3 par heure, selon David Lorion et la seule difficulté est le manque d’investissement du Conseil Général. David Lorion, élu UMP, pointe donc du doigt le Département de Nassimah Dindar. « Il ne faudra pas oublier de le dire à la Présidente lorsque vous la rencontrerez vendredi, s’empresse-t-il de dire aux planteurs, car si le Département s’engage dans ces travaux, la situation pourrait s’arranger en l’espace de quelques mois ». Mais alors, pourquoi, cet élu ne le dit pas directement aux personnes qui ont le pouvoir de décision et passent par les planteurs ? La question est en tout cas posée.
Il est vrai qu’il existe des débits réservés dans le Bras de la Plaine pour protéger la nature, mais il est possible d’avoir une dérogation de l’État en la matière. Il est également souligné que depuis 1965, le Département n’a pas investit dans le Bras de la Plaine et qu’il faudrait renouveler les équipements.

S. P.


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