L’O.N.F. rédige un rapport d’actions à mener

Lutte contre les plantes exotiques envahissantes

6 mai 2004

"Belles mais envahissantes", titrait il y a quelques années un poster édité par l’ONF (Office national des forêts) à propos des pestes végétales. Cette fois, fini les bonnes paroles. C’est la guerre. Mais pas à l’artillerie lourde.
Dans un volumineux rapport rédigé par Jean Hivert, l’Office a consigné toutes les méthodes de lutte mise en œuvre en différents endroits de l’île par les forestiers. Un rapport qui mérite bien son nom, tant il est exhaustif et passe en revue toutes les actions menées à ce jour pour freiner, à défaut d’éradiquer, la prolifération de ces plantes, arbustes et végétaux divers et variés qui ont tendance à se substituer à la flore originelle avec la complicité de l’homme.
La Réunion fait partie des 25 "points chauds de la biodiversité selon le classement de l’UICN" (Union mondiale pour la nature), avec une végétation primaire encore bien conservée. "Mais ce patrimoine naturel est menacé, notamment par l’envahissement des plantes exotiques", note le président du Conseil régional dans sa préface. "Face à ce danger, les agents de l’ONF ne sont pas restés les bras croisés. Depuis de nombreuses années, avec le soutien de la Région et de l’Europe, différentes méthodes de lutte ont été menées", écrit encore Paul Vergès.
Aussi, pour éviter que cette somme d’expérience et de savoir-faire soit perdue, l’ouvrage édité par l’ONF vient combler une lacune, permettant "de valoriser et de faire partager ce savoir-faire de terrain en espérant que ce document enrichisse la connaissance des méthodes de lutte contre les espèces exotiques envahissantes (...)", conclut le président de la Région. La diffusion de ce rapport "doit favoriser la sélection des meilleures techniques et permettre d’orienter la recherche de nouveaux outils ou itinéraires de lutte et contribuer à favoriser les échanges au sein de l’océan Indien", écrit pour sa part Jacques Trouvilliez, directeur régional de l’ONF, qui fait remarquer par ailleurs que "les espèces invasives, tant animales que végétales, sont désormais l’une des plus importantes menaces qui pèsent sur la biodiversité".

Une peste végétale, c’est quoi ?

Pour tous ceux qui ont les yeux de Chimène pour notre patrimoine floristique, le rapport de Jean Hivert constitue un véritable document de référence. Non seulement parce qu’il est très complet - et l’on mesure la somme de travail que cela a exigé - mais surtout parce qu’il reste d’un abord facile. Ainsi, le volume III du rapport est constitué de fiches techniques consacrées à 23 méthodes de lutte normalisées, relatives à 13 espèces particulièrement envahissantes. Ces fiches, d’une grande simplicité de lecture, comportent des éléments aussi variés que le nom de l’espèce concernée, la période la plus propice à l’intervention humaine, la localisation géographique de l’espèce, le type de lutte menée, les moyens humains et matériels nécessaires et au final, les avantages et inconvénients de la méthode mise en œuvre.
Mais au fait, qu’est-ce qu’une "peste végétale" ? Dès les premières pages de son volumineux document, Jean Hivert, dans un souci de clarté, apporte la précision nécessaire : "Le terme de peste végétale est plus couramment employé par le grand public, voire par la communauté scientifique, afin de désigner une espèce végétale exotique envahissante. Ce terme, bien que parfaitement compréhensible et offrant l’intérêt d’être relativement court, est délicat à employer vis-à-vis d’un public peu averti, car il porte un jugement de valeur (...). Il induit un jugement particulièrement négatif pas forcément en adéquation avec les valeurs économiques, culturelles, voire écologiques de l’espèce végétale considérée".

Danger pour la flore indigène

Par exemple, le goyavier (psidium catleyanum) aux fruits riches en vitamine C, très apprécié de nos compatriotes, est considéré comme une peste végétale au même titre que le bringellier ou la galabert. Même traitement pour le faux-poivrier (schinius terebenthifolius) dont les fameuses baies roses ont un aspect économique non négligeable. Pour la petite histoire, ces baies roses ne se contentent pas d’agrémenter moultes préparations culinaires. Elles entrent aussi dans la fabrication d’un des derniers parfums créé par Chanel...
Pourquoi donc ce classement en "pestes végétales" ? Pour faire simple, disons que sont considérées comme telles des espèces introduites par l’homme et qui, par leur prolifération, constituent un danger pour la flore indigène. Entrent donc tout à fait dans cette appellation, le raisin marron (rubus alceifolus), le bringellier (solanum mauritianum) ou encore le galabert (lantana camara), pour ne citer que les plus connus.
Pour Jean Hivert, "lutter contre des organismes envahissants correspond à mener une action dont le but est de contenir le développement, voire à éradiquer, d’un peuplement d’organismes exogènes sur une aire donnée", et ce avec des méthodes de lutte manuelle, chimique ou biologique. Le moyen le plus sûr d’obtenir des résultats probants sans porter atteinte à la biodiversité, c’est-à-dire sans arriver au résultat inverse, est de recourir à la lutte intégrée, correspondant, estime Jean Hivert "à un emploi judicieux et harmonieux de plusieurs moyens de lutte : mécanique, chimique et biologique".

S. D.


An plis ke sa

23 espèces dans le collimateur
L’étude menée par Jean Hivert est basée sur 35 enquêtes de terrain sur différents sites forestiers de l’île. Après un rapide inventaire des méthodes de lutte pratiquées dans le monde, elle recense, analyse et évalue 61 méthodes de lutte mécaniques ou chimique employées contre 23 plantes par l’ONF à La Réunion, et formule 18 propositions d’améliorations ou d’expérimentations à mener.

À La Réunion et dans le monde
Les espèces envahissantes ne constituent pas, loin s’en faut, une spécificité réunionnaise. Par exemple, l’acacia, très apprécié comme bois de chauffage, est classé comme l’une des 100 plus invasives au monde, de l’Ethiopie à la Jamaïque, du Brésil à la Nouvelle Zélande. Font également partie de ce "top 100" des espèces les plus invasives au niveau mondial : le goyavier, le raisin marron, le troène de Ceylan, le galabert ou encore le tabac bœuf...


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