« Avis de marées noires sur l’océan mondial » -2-

New Diamond, Sri Lanka, golfe du Bengale, océan Indien

12 septembre 2020

Alors que la Marine française colmate des fissures sur l’épave avant du Tanio (1980) au large de la Bretagne, les marées noires ou les risques de marées noires se multiplient. La pandémie de Covid-19 n’est pas étrangère à cette résurgence. Les équipages ne sont plus relevés. Confinés dans leurs lieux de travail, ils sont surmenés, coupés du monde et déprimés.

L’Europe est partie prenante. L’armateur New Shipping Ltd-Lib est grec. C’est une filiale du groupe familial Polembros. Ils sont tous les deux domiciliés au 57a avenue Poseidon(os) au Pirée. Le monstre de 333 m de long et de 60 m de large transporte 270.000 tonnes de pétrole brut. Le New Diamond venait du Koweït et se dirigeait sur Paradip, État d’Odisha (Inde).

Il est en feu depuis le 3 septembre au large de la côte est du Sri Lanka. Une chaudière a explosé dans le compartiment machines et tué un mécanicien philippin. Le feu a dévoré tout l’arrière du pétrolier. Une flottille des marines sri-lankaise et indienne, 2 unités de la marine russe, des remorqueurs et autres navires de lutte contre les incendies ont escorté et arrosé l’épave. Le New Diamond était alors à environ 70 km des côtes. L’état-major, 5 navigants grecs, et les soutiers survivants, 23 philippins, ont été évacués à terre.
Le 6 septembre, après avoir été tiré vers le large par un remorqueur sri lankais profitant d’une mer calme, il était à 75 km des côtes.
Le 7 septembre, l’épave poussée par des vents contraires est revenue à 60 km des côtes. Après un repli trompeur et une déclaration prématurée de son extinction, le feu a repris le 7 septembre en se rapprochant des citernes de pétrole brut. Il semble à nouveau circonscrit mais rien n’est définitivement joué. Les feux couvants sont traîtres. Une fissure déchire la coque au niveau des machines. Une partie des carburants de propulsion s’est répandue en mer avec les eaux résiduelles d’extinction.
Aujourd’hui 10 septembre, le porte-parole de la Marine sri lankaise redit que les fumées et flammes sur le New Diamond et autour ne sont plus visibles ou perceptibles. Une équipe de trois experts est montée à bord pour confirmer ce diagnostic. Le New Diamond traîne dans son sillage un panache de carburant long d’1 km. Il continue à être remorqué vers le large et se trouve à environ 76 km des côtes. Une marée noire globale serait catastrophique pour le golfe du Bengale et les pays riverains, en premier lieu le Sri Lanka et l’Inde. Le Bangladesh, la Birmanie, la Thaïlande et les îles du nord-ouest de l’Indonésie pourraient aussi être menacés.

Les sauveteurs n’affichent pas une stratégie positive de mise en sécurité. Ils continuent à éloigner le pétrolier des côtes, un réflexe courant dans ce genre de crise. La doctrine de l’abri refuge où le pétrolier accidenté pourrait dans les meilleures conditions possibles être allégé ne semble pas prioritaire. Le syndrome de la patate chaude a encore frappé. Selon le code ISM (International Safety Management) pour la gestion de la sécurité et de l’exploitation des navires en mer, l’armateur grec doit être en première ligne de l’opération de sauvetage. Il a missionné Smit Salvage Singapore pour évaluer les différentes options et assister le New Diamond avec des remorqueurs de forte puissance ; l’un d’eux vient de quitter l’Ile Maurice où il a remorqué en vue de son sabordage à 8 milles des côtes la partie avant du Wakashio (cf. ci-dessous).
Quand il s’agit de se débarrasser de ses pétroliers et vraquiers, l’armateur grec New Shipping Ltd-Lib fait preuve d’une grande réactivité et les envoie alternativement pour démolition au Pakistan ou au Bangladesh selon les disponibilités des chantiers et les variations du cours de la ferraille.

La Zone Économique Exclusive du Sri Lanka est empruntée par l’autoroute maritime qui relie le Moyen-Orient, l’Inde, la Chine, le Japon et les autres pays d’Asie. Le Sri Lanka ne dispose pas de l’équivalent d’un plan Polmar. Sachant que selon un tweet du président de la République française deux semaines après l’échouement du Wakashio sur l’Ile Maurice “il y a urgence à agir lorsque la biodiversité est en péril”, il est urgent que la France se rapproche du Sri Lanka pour le faire bénéficier de son retour d’expérience accumulé depuis l’échouement et le naufrage de l’Amoco Cadiz en 1978 (227.000 tonnes). Les concombres de mer, les tortues marines, les mammifères marins, les requins et les autres espèces protégées au large du Sri Lanka sont sous la menace permanente des marées noires ou des dégazages. Il s’agit aussi de protéger les activités de pêche artisanale et de défendre les populations littorales de l’entrée par effraction sur leur territoire du pétrole brut produit au Moyen-Orient et destiné à l’Inde.

Source : Robin des Bois

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