Grand angle d’Yvon Virapin

Non à l’incinération des déchets ménagers

13 décembre 2006

« Nous sommes en hiver, près d’un lac très profond recouvert d’une couche de glace. Un expert dit que la couche mesure un mètre d’épaisseur et que votre enfant peut donc jouer sur le lac gelé. Un autre expert dit que la couche ne fait qu’un centimètre, et qu’elle va se briser. Que faites-vous ? Vous laissez votre enfant jouer sur la glace ? ». Cette interrogation imagée de M. Pierre-Emmanuel Neurohr, écologiste et expert indépendant sur le traitement des déchets, nous interpelle tous sur la question de l’incinération des déchets ménagers et fait appel à notre sens de responsabilité quant à la construction d’un incinérateur à La Réunion. D’autre part, elle nous donne une idée du scepticisme qui prévaut chez les représentants d’associations et des collectivités sur les risques pour la santé et l’environnement de l’incinération des déchets, suite au débat contradictoire qui se poursuit au sein de l’Instance Locale de Concertation (ILC).

Il faut dire que le débat sur l’implantation d’un incinérateur à La Réunion a commencé depuis bien longtemps. Ainsi, le maire de Saint-André, devant l’urgence de trouver une solution alternative aux centres d’enfouissement qui arrivent à saturation, s’est positionné depuis 2000 pour son implantation sur le site de Bois Rouge. Cette volonté politique qui ne s’appuyait sur aucune base scientifique relative aux dangers encourus par la population a soulevé un tollé général dans la commune de Saint-André et je suis fier d’avoir aidé à faire capoter ce projet quand je lis aujourd’hui les paroles d’experts. Pas n’importe lequel. De ceux missionnés par le ministère de l’écologie et du développement durable à l’ILC. Ainsi, pour M. Denis Bard, médecin épidémiologiste, s’agissant des dioxines produites par l’incinération dit : « Il n’existe pas de risques mesurables entre les populations habitant près d’un incinérateur et les autres, mais cela ne veut pas dire qu’il n’en existe pas  » ou encore « rien n’est poison, tout est poison. Ce qui fait le poison, c’est la dose  ». L’approximation de ce scientifique des risques liés à la quantité de dioxine émise par un incinérateur me renforce dans l’idée que la science n’a pas encore des données fiables sur le sujet. Il en est de même lorsque l’autre expert, M. Gérard Keck, professeur de toxicologie à l’école vétérinaire de Lyon ne peut pas dire exactement si l’incinération a des répercussions sur la santé des populations voisines parce qu’il est difficile pour lui de mesurer la part de l’incinération des autres activités industrielles polluantes ou la pollution urbaine.

Il est clair qu’avec ces réponses alambiquées, il est difficile de se faire une idée précise sur les risques liés au traitement des déchets ménagers par incinération. Mais les résultats de l’étude de l’Institut National de Veille Sanitaire (l’INVS) publiée le 30 novembre dernier sur son site, nous donnent des indications intéressantes qui permettent par ailleurs à chaque citoyen de prendre position. L’étude lancée en 2003 dans le cadre du plan cancer et portant sur quatre départements (Isère, Bas-Rhin, Haut-Rhin et Tarn) où sont implantés 16 incinérateurs conclut à l’existence « d’un lien statistique significatif entre le niveau d’exposition aux panaches des incinérateurs pendant la décennie 80 et l’augmentation de la fréquence de certains cancers dans les années 90 ». Selon le degré d’exposition aux fumées d’incinérateurs d’ordures ménagères, le risque constaté de développer un cancer augmente de 4,8 à 6,9% pour celui du sein, de 6,8 à 9,7% pour celui du foie, de 1,9 à 8,4% pour les lymphomes malins non hodgkiniens et de 9,1 à 12,9% pour les sarcomes des tissus mous. Les personnes concernées ont été exposées aux fumées pendant les années 70 à 80 et les premiers cas de cancers ont été enregistrés dix ans plus tard.

Certes, pour l’INVS, il n’y a pas de transposition possible à la situation actuelle où les incinérateurs sont moins polluants et mieux contrôlés, compte tenu des nouvelles normes européennes qui ont été imposées en 2005 sur la quantité maximum autorisée de dioxine émise. Mais toujours est-il que personne ne peut dire si dans dix ans, cette dioxine, même à dose infinitésimale ne produit pas les mêmes effets néfastes sur la santé qu’on connaît aujourd’hui. Dès lors, le principe de précaution s’impose afin de ne pas prendre des risques inconsidérés concernant la vie d’autrui. Aussi, je me prononce clairement contre l’incinérateur et pour la recherche d’autres solutions alternatives préservant la santé et l’environnement.


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