Foncier économique à La Réunion

« On n’alarme pas, on alerte »

21 avril 2007

Dans son étude relative aux évolutions des Zones d’Activités en 2006, l’Agorah évalue les besoins en foncier économique à 700 hectares d’ici 2020. Pour pallier la pénurie actuelle et recréer des stocks, volonté, dynamisme, ambition, anticipation sont les prérogatives à un aménagement du territoire soucieux du bien-être des Réunionnais. La région Est doit, sur ce point, se réveiller.

Philippe Jean-Pierre, Directeur de l’Agorah, explique ici que par manque d’anticipation, l’Est doit aujourd’hui « mettre un coup d’accélérateur pour créer des ZA, sans quoi, l’on ne parviendra jamais à l’objectif de 50 hectares de foncier économique par an pour répondre aux besoins actuels et futurs ».
(photo S.L.)

La Réunion enregistre une pénurie de foncier économique disponible et aménagé, ce qui porte atteinte au développement et aux créations d’entreprises. L’étude menée par Gilles Poupard, chargé de la thématique Aménagement économique à l’Agorah, recense seulement 7 hectares disponibles en novembre 2006.

39 hectares de friches en sommeil

En 2006, les espaces inoccupés ont rapidement été investis : 38 hectares supplémentaires ont été occupés par les entreprises l’année dernière, contre 14 hectares en 2005. Un résultat qui se situe dans la fourchette des besoins de ZA à La Réunion, de 30 à 50 hectares par an, mais qui reste insuffisant pour répondre aux besoins et recréer un stock de foncier économique. Certes, de nouvelles friches et parcelles en projet sont apparues, mais leur maîtrise est difficile. « Il ne s’agit pas seulement de créer de la surface en plus, mais de mieux gérer ce qui est inoccupé », explique Philippe Jean-Pierre, Directeur de l’Agorah. Sur les 80 hectares de friches recensés par l’Agorah, 31 hectares, de maîtrise publique, ne sont pas commercialisés, 10 hectares sont des bâtiments désaffectés, et 39 hectares, du fait de la thésaurisation et de la spéculation, sont en sommeil. L’obligation d’exploiter les parcelles au bout de deux ans n’est pas toujours respectée. Ainsi, La Réunion est confrontée à un phénomène de stagnation qui ne dépend pas que du projet ou de la conjoncture. Dès qu’une ZA apparaît, les parcelles sont immédiatement commercialisées et réservées, avant même d’être aménagées, ce qui n’est pas sans conséquences pour les nouvelles entreprises ou porteurs de projet qui viennent rallonger la file d’attente. Certes, La Réunion enregistre une forte croissance économique, 5% en moyenne ces dernières années, mais comme le souligne encore Philippe Jean-Pierre : « Dans une Réunion qui a besoin de maintenir, voire de renforcer son dynamisme pour répondre aux enjeux futurs, un goulet d’étranglement comme le foncier conduit plutôt à un scénario contraint ». La région Est constitue, sur ce point, une précieuse poche d’air, sachant que 62% des surfaces de ZA sont concentrés sur 3 communes : Le Port, Saint-Denis, Saint-Pierre.

L’Est doit « mettre un coup d’accélérateur »

Une photographie des évolutions par microrégion montre une progression du secteur productif (+ 20 hectares) dans l’Ouest et le Sud, en lien avec l’activité agricole, alors qu’il régresse dans le Nord au profit du secteur tertiaire, confortant ainsi le profil de capitale administrative conféré à Saint-Denis. Ces tendances sont importantes. Comme le précise Philippe Jean-Pierre, « il faut veiller aux effets de concentration sectorielle, de polarisation par grandes thématiques », qui pourraient entraîner une saturation des régions Nord et Ouest et à une résidentialisation de l’Est et le Sud, deux régions qui doivent adopter un comportement plus proactif en termes de développement de ZA. La prospection consolidée des ZA qui devraient apparaître d’ici 2020 laisse clairement apparaître que la région Est manque de dynamisme et d’anticipation en la matière. Certes des projets sont en cours, mais de faible dimension. L’Est, et dans une moindre mesure le Sud, doivent ainsi « mettre un coup d’accélérateur pour créer des ZA, sans quoi, l’on ne parviendra jamais à l’objectif de 50 hectares de foncier économique par an pour répondre aux besoins actuels et futurs ». La logique au fil de l’eau doit laisser place à une véritable gouvernance du foncier économique à La Réunion. L’Agorah suggère que les collectivités locales mettent en place un véritable calendrier prévisionnel des ZA. L’enjeu pour l’économie réunionnaise est de parvenir à dégager 700 hectares d’ici 2020.

« L’économie sur une petite île, c’est l’humain »

Avec cette étude, l’Agorah sous-tend que dans l’aménagement du territoire, le foncier économique doit faire l’objet de décisions ambitieuses, au même titre que le foncier habitable ou agricole, comme le propose le SAR (Schéma d’Aménagement Régional). En matière d’aménagement, l’on ne peut s’éparpiller, au sens propre comme au figuré, comme tout le monde ne peut prétendre s’installer au même endroit. L’aménagement économique induit que chaque région doit veiller à avoir des salariés formés, anticiper sur ses besoins de compétences nouvelles, avoir un spectre d’emplois adaptés, du foncier habitable densifié en conséquence, pour ne pas engorger davantage les axes routiers. Cette vision dans l’aménagement participe à l’amélioration des transports et non le contraire. « Ce volontarisme de dynamiser le développement économique de certaines régions a une grande importance, explique encore le Directeur de l’Agorah. Le bien-être des Réunionnais consiste à mieux penser la localisation économique. L’économie sur une petite île, c’est l’humain. C’est pourquoi, nous disons qu’il faut qualifier La Réunion pour 2020, comme un athlète se prépare aux Jeux Olympiques. Et la mission de l’Agorah est d’offrir une prospective pour aider les décideurs à mieux maîtriser les défis et les enjeux ».

Stéphanie Longeras


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