ONERC : 10 ans de lutte contre le réchauffement climatique

5 novembre 2011

C’est en présence de nombreuses personnalités que l’ONERC (Observatoire National sur les Effets du Réchauffement Climatique) a célébré, le 3 novembre à Paris, son dixième anniversaire. L’occasion pour faire le point sur dix années de lutte contre le changement climatique.

Du vote à l’unanimité au Sénat en 1999 de la loi Vergès à l’adoption du Plan national d’adaptation, c’est 10 années d’efforts et d’engagements qui ont été retracés par les différents intervenants à la table ronde.

Tous ont salué l’action de l’ONERC pour impulser des politiques d’anticipation et de prévention des impacts du changement climatique, aussi bien en France hexagonale que dans les outre mers. Aussi bien dans les décisions prises par le gouvernement qu’au niveau des collectivités territoriales. Il a été souligné la contribution importante de l’Observatoire à ce que la France devienne le premier pays d’Europe à se doter d’un plan national d’adaptation.

Les représentants des ONG ont rappelé que l’ONERC avait d’une certaine manière inventé le Grenelle de l’environnement avant le Grenelle de l’environnement, puisque le Conseil d’orientation de l’ONERC réunit autour de la même table l’ensemble des ministères concernés par le changement climatique, les élus locaux et nationaux, la communauté scientifique, les centres de recherche et aussi les associations et les ONG.

Jean Jouzel, vice-président du GIEC, a rappelé le rôle de l’ONERC dans les travaux du GIEC, puisqu’ il revient au secrétaire général de l’ONERC d’assurer la représentation de la France dans cette instance. Il a insisté sur le 5ème rapport du GIEC et les enjeux des prochaines négociations climatiques à Durban.

Tour à tour, M. Jacq, président-directeur général de Météo France, Dominique Dron, Commissaire au développement durable et Pierre Franck Chevet, directeur de l’énergie Climat au Ministère de l’Écologie ont fait état, chacun dans leur domaine respectif de l’actualité concernant le changement climatique. M. Chevet a souligné le caractère précieux, pour le Ministère d’une structure comme l’ONERC.
Younous Omarjee, conseiller au parlement européen, et ancien collaborateur de Paul Vergès au Sénat a rappelé le contexte dans lequel s’est inscrit l’élaboration de la proposition de loi tandis que Marc Gillet, ancien directeur de l’ONERC, a dressé la liste des premières actions et des recommandations faites par l’ONERC aux gouvernements successifs et contenus dans de nombreux rapports.

Dans son intervention de clôture, le président de l’ONERC, Paul Vergès, a manifesté sa satisfaction quant au travail accompli et remercié celles et ceux sans lesquels il n’aurait pas été possible de prolonger l’action législative.

Revenant sur ses motivations en tant que sénateur quant au dépôt de la proposition de loi créant l’ONERC et faisant de la lutte contre l’effet de serre une priorité nationale, il a indiqué qu’un parlementaire doit penser à faire œuvre utile et à agir pour l’intérêt général. Et aussi de saisir l’essentiel, c’est-à-dire les forces constantes qui, comme le changement climatique ou la démographie, modifient chaque jour l’état du monde et pèsent sur l’organisation sociale et la vie des hommes. Sur ces bases a il rappelé, il est possible de rassembler au-delà des clivages partisans comme cela fut fait avec le vote de la loi proposée au Sénat, signée par l’ensemble des groupes politiques.

Le président de l’ONERC a conclu son intervention en soulignant que vaincre le changement climatique ne sera possible que par des remises en cause profondes dans les conceptions actuelles du progrès et du développement. C’est tout un mode de pensée et de vie fondés sur l’accumulation, la consommation et le gaspillage, notamment de ressources épuisables, qu’il faut remettre en cause.

C’est aussi prendre conscience que les valeurs dominantes actuelles véhiculées par la mondialisation d’aujourd’hui font que les hommes croient pouvoir avancer contre les autres hommes, et les autres espèces.

C’est dire l’immensité du travail qu’il reste à accomplir pour les décennies à venir. Mais Paul Vergès d’indiquer aussi qu’une course contre la montre est aujourd’hui engagée, et qu’il reste peu de temps pour prendre à tous les niveaux les mesures à la hauteur des enjeux et du risque que le réchauffement planétaire fait peser sur la planète.


Table Ronde ONERC - Intervention de Younous Omarjee

Dans son intervention, Younouss Omarjee, conseiller au parlement européen et ancien collaborateur de Paul Vergès au Sénat de 1999 à 2004 a décrit les étapes de l’élaboration de la loi créant l’ONERC.

« Je complèterais le propos de Marc par quelques observations inspirées de la position qui fut la mienne au moment de l’élaboration de la loi créant l’Onerc, puisque j’étais à l’époque collaborateur du président Paul Vergès au Sénat.
Les grandes étapes viennent d’être rappelées ; mais pour apprécier au mieux les origines de la loi, il faut faire un détour par l’île de la Réunion. Dés, le sommet de la Terre à Rio en 1992, Paul Vergès appelait l’attention à La Réunion sur ce qu’il percevait déjà comme un enjeu de civilisation.
En 1996, en pleine campagne électorale, il profita de la présence de nombreux journalistes venus à la Réunion suivre la campagne d’un membre du gouvernement, pour alerter sur les menaces du réchauffement planétaire. J’étais encore à cette époque à l’ile de la Réunion, et je me souviens des commentaires acides de la presse. En 1998, présidant aux destinées de la Région Réunion l’objectif d’autonomie énergétique devint la priorité de la mandature.
Le reste fut une suite logique et dès mon arrivée au Sénat en 1998, la première chose qu il m’ait été demandé fut de travailler à l’écriture de cette proposition de loi, créant l’ONERC et accordant à la lutte contre l‘effet de serre la qualité de priorité nationale. Les tempêtes de 1999, furent un hasard de calendrier qui sans doute aidèrent à l’inscription de la proposition de loi à l’ordre du jour. Mais ne furent en aucune manière l’élément déclencheur.
En 1999 la question du changement climatique ne fait pas quotidiennement les gros titres de la presse. Bien plus nombreux qu’aujourd’hui, sont les climatologues sceptiques quand ils ne sont pas tout simplement majoritaires celles et ceux qui ignorent ou sous-estiment totalement le sujet. Mais quand bien même, lorsque le sujet est traité, il n’est abordé que sous le seul angle de l’atténuation.
La grande innovation de la loi créant l’ONERC aura été de permettre la reconnaissance de l’adaptation et d’en faire un pilier complémentaire à la mitigation. Cela peut sembler évident aujourd’hui, mais croyez moi, faire partager cette idée ne fut pas si simple.
Le président Paul Vergès s’en souvient certainement. Au moment de la conduite des auditions par le Sénat nous avons entendu des responsables en charge de ces questions dans l’administration centrale, ainsi que des élus dire que cette loi risquait d’être comprise comme un renversement de la doctrine française ; voir même comme un rapprochement avec la ligne américaine de l’administration bush c’est dire le chemin parcouru depuis.
En contraste, le soutien de la communauté scientifique fut très vite obtenu. Je pense à Jean (Jouzel), à Dominique Dron, à Hervé le Treut qui déjà à cette époque étaient à nos côtés. Et j’ai aussi une pensée pour Gérard Megy, le regretté directeur du CNRS, aujourd’hui disparu qui nous a accompagnés dans les débuts de ce projet.
Quelques mots sur l’action engagée par l’ONERC. Marc a rappelé l’essentiel. Je n’y reviendrais pas. Je veux simplement souligner qu’avec cette loi, c’est un chemin qui a été ouvert. La France est devenue l’un des premiers pays d’Europe, sinon le premier, a s’être doté d’un plan national d’adaptation au changement climatique. Ce plan est très largement inspiré de la stratégie nationale proposée par l’ONERC en 2005 Je ne suis pas certain que ce résultat eut été obtenu sans l’engagement de l’ONERC. Je ne suis pas certain non plus que les collectivités territoriales se seraient engagées dans ce champ d’action sans l’impulsion donnée par l’observatoire et les outils méthodologiques mis à disposition des collectivités locales. Il y a là quelques motifs de satisfaction, même si beaucoup est encore à faire. Beaucoup est encore à faire pour donner suite aussi aux multiples recommandations contenues dans les rapports de l’ONERC. Mais aussi pour faire partager par le plus grand nombre et à tous les niveaux les nécessaires révolutions qu’appellent la lutte contre le changement climatique, notamment dans les modes de vie. Nous devrons accentuer nos efforts pour une meilleure prise en compte des sciences humaines et sociales dans les stratégies développées en matière de lutte contre le changement climatique.
Ce chemin que nous avons ouvert en France a également eu un impact, certes plus indirect, au niveau de l’Union européenne. Actuellement conseiller au parlement européen, je sais combien l’expérience que nous avons développée en France a été regardée de prés par la commission européenne. Depuis, la commission s’est engagée dans un livre blanc sur l’adaptation, livre blanc auquel l’ONERC a été associé au moment de son élaboration.
Ma dernière observation porte sur les outre mer. La proposition de loi présentée par le Sénateur Vergès a insisté sur la vulnérabilité des territoires insulaires de l’outre mer français face aux impacts du changement climatique. Sur ce plan, les collectivités d’outre mer sont dans la même situation que les pays de l’AOSIS pour lesquels le changement climatique sont un élément majeur de déstabilisation notamment en terme de développement économique. Qu’il s’agisse de la pêche, du tourisme, de l’agriculture tous les piliers de ces économies insulaires sont soumises aux aléas de la dérive climatique. Il y a là un champ de coopération considérable et il est possible de faire des îles de l’outre mer disséminées sur trois océans des postes avancés pour l’observation des changements climatiques, tel que cela est d’ailleurs prevu par le décret d’application instituant l’ONERC.
Pour conclure, je dirais que tout ceci n’aurait pas été possible sans le travail à nos côtés de la communauté scientifique, des ONG, et aussi sans l’action infatigable de Paul Vergès. Il nous revient à nous tous aujourd’hui de prolonger ce chemin ouvert par le vote de la loi Vergès en 1999 pour que les dix années qui s‘ouvrent soient marquées par de nouvelles avancées ».


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