La rencontre qui a commencé à Hell-Bourg ce week-end est un événement de portée internationale - ils ne sont pas encore si fréquents ici - et d’une qualité propre à capter l’attention de tous ceux et celles qu’intéressent la recherche, l’innovation, l’interdisciplinarité appliqués à l’art de combiner l’aménagement des espaces de vie et le respect de l’environnement.
Quarante cinq étudiants de neuf facultés différentes, dans six pays, doivent arriver entre samedi et ce lundi : d’Ahmedabad (Inde) et de Witwatersrand, à Johannesburg (Afrique du Sud), de Nairobi et d’Antananarivo, de la faculté de Shenzhen et de la South China University of Technology, à Guangzhou (Chine) et enfin de France et de La Réunion, où est basée l’association organisatrice de cette rencontre, le groupe “Vuthemas”, dont le nom est un clin d’œil à l’école avant-gardiste de Moscou Vhutemas/Vhutein, précurseur et accompagnatrice des premiers rêves de la révolution soviétique (voir encadré) .
L’association a présenté, vendredi lors d’une conférence de presse, l’organisation de la rencontre et ses objectifs. L’événement est soutenu par la Région et l’Europe (sur les crédits du FEDER), dont c’est la première intervention ici sur une initiative internationale de ce type.

"La Réunion en pointe"

Alain Armand, vice-président du Conseil régional, a souligné dans cette manifestation trois centres d’intérêt qui rejoignent ceux de la collectivité, dont l’action de soutien va autant à l’architecture contemporaine expérimentale qu’à l’ouverture sur l’océan Indien et le monde et enfin à la constitution de pôles d’excellence. Si par cette initiative "La Réunion peut être demain en pointe et préfigurer ce qui se fera de mieux dans la construction", c’est pour le conseiller régional une raison valable d’appuyer l’événement.
Celui-ci se déroule sur deux semaines, la première pour la conception, la seconde pour la concrétisation, à l’échelle 1, des projets soumis à l’appréciation de plusieurs architectes : Séverine Roussel et Philippe Zourgane (RozO), Fiona Meadows, commissaire d’exposition à l’Institut français d’architecture (IFA) et Pierre-Olivier Jeanson, architecte encadrant.
Deux écoles de Hell-Bourg (vingt élèves au total) participeront à des ateliers pédagogiques pendant la durée de la manifestation.
Le public et les habitants du cirque sont vivement invités à aller voir les maquettes/machines, visibles pendant les deux semaines suivant l’événement. Ensuite elles seront détruites et publiées dans un livre (septembre 2004) dédié à l’Atelier (Workshop). Pendant la durée de l’Atelier, quatre séances de cinéma sont organisées à la mairie annexe de Hell-Bourg, les 7 et 8 mai, ainsi que des Conférences données à l’hôtel de Région, les 4, 5 et 10 mai (voir programme) .

"Une maison expérimentale"

Il s’agit de réaliser "une maison expérimentale dont chacune des pièces offrira une relation floue entre intérieur et extérieur et un travail avec la végétation comme matière architecturale", a expliqué Séverine Roussel. Une maison "sortant des clichés de la maison tropicale ou de la hutte de plage", a ajouté Philippe Zourgane.
Fiona Meadows a souligné l’intérêt de la collaboration initiée entre l’IFA et Vuthemas depuis 2001, qui a déjà donné lieu à des opérations comme "Cabanes, construis ton aventure !" (Mafate, 2002) et "RozO dans les lianes" en 2003, qui fut un premier “Workshop” proposé par RozO à de jeunes professionnels de Montpellier. Dix étudiants et des enfants du cirque ont construit des petites architectures végétales dans le jardin de l’écomusée de Hell-Bourg. L’entreprise de cette année, qualifiée par Fiona Meadows de "plus ambitieuse", invite les participants, plus nombreux, à avoir un regard nouveau à la fois "sur le patrimoine et la création contemporaine".
Les étudiants, répartis par groupes, prendront en charge dans chaque unité la conception d’une pièce différente, en travaillant à partir des éléments tropicaux - végétation, climat, humidité, ventilation naturelle, ombre-pénombre - dans une démarche soulevant des pistes de recherche.

Pascale David

Au programme : cinéma et conférences

o Le cycle de conférences

Mardi 4 mai
14h - 15h 45 Françoise Vergès (Goldsmith College, Université de Londres) : "Nouveaux flux dans l’océan Indien, processus de créolisation indianocéanes".
16h - 17h 45 Philippe Berne (vice-président du Conseil régional) : "Développement territorial de La Réunion pour les 20 prochaines années".

Mercredi 5 mai
14h - 15h 45 RozO architectes : "Projets d’architecture contemporains en cimat tropical"
16h - 17h 45 Vincent Boullet (directeur scientifique au Conservatoire Botanique national de Mascarin) : "Ecosystèmes et végétation des îles Mascareignes"

Lundi 10 mai
14h - 15h 45 Carpanin Marimoutou (Université de La Réunion) : "Histoire de l’île de La Réunion dans la littérature et les autres formes d’expression"
16h - 17h 45 Attila Cheyssial (urbaniste, La Réunion) : "Urbanisme des quartiers d’habitat spontanés à La Réunion"

o Les soirées cinéma

Les films sélectionnés proposent plusieurs regards et réflexions sur les liens qu’entretiennent environnement urbain et paysages de par le monde. Organisées par Ohana cinéma, les séances sont gratuites et ouvertes à tous les habitants du cirque.
Les séances auront lieu les 7 et 8 mai à partir de 19 heures, dans la salle de la mairie annexe d’Hell-Bourg

Vendredi 7 mai
19h : “La vie sur terre”, film mauritanien-malien-français (1997). Comédie dramatique (1h 01) réalisée par Abderrahmane Sissako (film salué par la critique de “Télérama” à sa sortie).
21h : “Commedia infantil” (V.O. s-t. français). Film mozambicain réalisé par Solveig Nordlund (1997).

Samedi 8 mai
19h : “La Virgen De Los Sicarios” (V.O. s-t. anglais). Film colombien réalisé par Barbet Schrœder (2000). L’amour mouvementé d’un vieil
homme récemment retourné dans sa ville natale, Medellín.
21h : “Beijing Bicycle” (V.O. s-t. anglais). Film réalisé par Wang Xiaoshuai (2001).

Vhutemas, l’urbanisme d’Octobre

Vuthemas, l’association réunionnaise créée en 2003, est le produit d’une distraction de scribe que les membres du groupe ont décidé de garder telle. Le groupe qui les inspira est l’école Vhutemas (ou Vhutein) de Moscou et Léningrad, une mouvance avant-gardiste du début du 20ème siècle, partie prenante d’un mouvement qui a renouvelé "tout le système de la pensée architecturale" (exposition Paris - Moscou 1900 - 1930). Pourtant ce courant a été longtemps méprisé - il l’est encore - et est encore largement ignoré alors que les constructions de cette époque étaient porteuses de beaucoup d’originalité et de futur. Beaucoup de plans et de projets sont aussi restés à l’état d’esquisses. Les créateurs les plus féconds de cette période auraient été “trahis” par la pauvreté économique du pays du temps de Lénine et par la pauvreté intellectuelle de l’ère qui a suivi.
Parmi les dizaines d’architectes réputés de cette époque prennent place par exemple Nikolaï Ladovski (1881-1941), lié au projet de la "Ville verte" près de Moscou (1930) ; Vladimir Krinski (1890-1971) qui imagina un gratte-ciel pour le centre de Moscou ; les frères Alexandre (1883-1959), Leonid (1880-1933) et Victor (1882-1950) Vesnine ; Constantin Melnikov (1890-1974), qui fit (entre autres) en 1924 le sarcophage de Lénine.
Plus qu’une simple référence à un mouvement éphémère et fécond, c’est aussi la prise en compte, dans le monde présent, de transformations profondes - tant mondiales que “localisées” - auxquelles l’art et la recherche conceptuelle tentent de donner de nouvelles formes d’expression. À notre échelle à nous, leur réflexion intègre les éléments livrés par une dynamique sociale, des matériaux et un environnement spécifiques.