Catastrophe écologique amplifiée par des choix inadaptés

Plus de 1,7 millions de litres d’eau potable gaspillés

22 novembre 2011, par Manuel Marchal

Le 17 novembre dernier, la Préfecture publiait un communiqué comptabilisant le nombre des missions des DASH8 utilisés contre l’incendie : 178 largages. Un largage, c’est au moins 10.000 litres d’eau. Au 17 novembre, c’était donc au minimum 1,78 million de litres d’eau utilisés par les DASH8 pour combattre l’incendie du Maïdo. Comment éviter un tel gaspillage ?

Le 25 octobre dernier, un incendie se déclenche dans le massif du Maïdo. À ce jour, les soldats du feu sont encore sur le terrain pour empêcher toute reprise. Il a fallu que 2.800 hectares soient ravagés pour qu’enfin le gouvernement décide d’envoyer à La Réunion des moyens matériels conséquents : 2 DASH8 pour appuyer les centaines de pompiers et les hélicoptères qui opèrent sans répit depuis une semaine.
Ce retard avait suscité l’incompréhension. Un pilote de Dash8 avait en effet fait part publiquement de son étonnement de ne pas être sur le front deux jours après le début du sinistre.

Eau propre à la consommation

Ce n’est que le 3 novembre, soit huit jours après le déclenchement de la catastrophe, que le premier DASH8 est arrivé sur le théâtre des opérations. C’est un bombardier d’eau qui remplit ses cuves à l’aéroport. C’est donc de l’eau venue du réseau qui est utilisée. À La Réunion, l’eau provient des forages des nappes phréatiques ou des captages. Cette eau est ensuite traitée pour avoir une qualité suffisante pour être potable.
C’est uniquement cette eau qui se trouve dans le réseau de ville. Ce n’est pas de l’eau en provenance des retenues collinaires, ou de l’eau de l’irrigation pour l’agriculture mais bien de l’eau rendue buvable à grands frais.
Autant dire que pour éteindre l’incendie, c’est un autre trésor de La Réunion qui a été sacrifié : plus d’1,75 million de litres d’eau pure.
Il était pourtant possible d’éviter ce gâchis, et cela en agissant sur deux leviers.

La responsabilité de la décision

La première responsabilité, c’est d’avoir tardé à donner l’ordre aux DASH8 d’agir. Si ces derniers avaient été dépêchés dès le déclenchement du sinistre, ils seraient arrivés le 27 octobre. À ce moment, la superficie concernée était de 1.000 hectares. L’an passé, le DASH8 était arrivé quand l’incendie avait parcouru 800 hectares, et ses premières missions avaient été décisives pour circonscrire le feu.
Le retard pris par le gouvernement a donné à la catastrophe des proportions considérables. Les équipages des deux DASH8 ont eu à traiter une superficie trois fois plus importante que l’an dernier. Les conséquences ont été exponentielles. Plus de deux semaines après leur arrivée, les bombardiers sillonnent toujours le ciel des hauts de l’Ouest, multipliant les missions pour venir à bout de l’incendie. S’ils étaient intervenus plus tôt, ces deux avions auraient sans doute cessé leur mission depuis longtemps.
Au Sénat, Paul Vergès a demandé qu’une procédure soit engagée pour faire toute la lumière sur les dysfonctionnements relatifs à l’engagement tardif de moyens décisifs. Outre les conséquences pour la faune et la flore du Patrimoine mondial, ce retard est responsable d’une consommation d’eau potable beaucoup plus importante pour traiter l’incendie.

La responsabilité d’un modèle

La seconde responsabilité, c’est de promouvoir à La Réunion un mode d’utilisation de l’eau peu économe. En effet, l’eau rendue potable à grands frais est ensuite acheminée vers une station d’épuration.
Cet équipement très coûteux vise à dépolluer l’eau avant un rejet en milieu naturel. L’eau subit alors plusieurs traitements et en bout de chaine, elle est rejetée en pleine mer à distance des côtés via un émissaire.
Les procédés modernes de traitement garantissent à la fin du traitement une qualité d’eau de baignade. C’est d’ailleurs un des points forts mis en avant par les promoteurs des stations d’épuration.
Pourquoi alors rejeter à la mer cette eau purifiée une première fois pour être potable, puis traitée une seconde fois pour être une eau dans laquelle il serait possible de se baigner ?
Elle serait bien mieux employée à la lutte contre les incendies. La législation actuelle ne le prévoit pas. C’est une injustice à changer.

 M.M. 

Législation inadaptée

L’arrêté du 22 juin 2007 réglemente le rejet des eaux traitées par les stations d’épuration. Il limite cette pratique à l’irrigation et l’arrosage des espaces verts.

Rejet des effluents traités des stations d’épuration.

Les dispositifs de rejets en rivière des effluents traités ne doivent pas faire obstacle à l’écoulement des eaux, ces rejets doivent être effectués dans le lit mineur du cours d’eau, à l’exception de ses bras morts. Les rejets effectués sur le domaine public maritime doivent l’être au-dessous de la laisse de basse mer.

Toutes les dispositions doivent être prises pour prévenir l’érosion du fond ou des berges, assurer le curage des dépôts et limiter leur formation.

Dans le cas où le rejet des effluents traités dans les eaux superficielles n’est pas possible, les effluents traités peuvent être soit éliminés par infiltration dans le sol, si le sol est apte à ce mode d’élimination, soit réutilisés pour l’arrosage des espaces verts ou l’irrigation des cultures, conformément aux dispositions définies par arrêté du ministre chargé de la santé et du ministre chargé de l’environnement.

Si les effluents traités sont infiltrés, l’aptitude des sols à l’infiltration est établie par une étude hydrogéologique jointe au dossier de déclaration ou de demande d’autorisation et qui détermine :

- l’impact de l’infiltration sur les eaux souterraines (notamment par réalisation d’essais de traçage des écoulements) ;

- le dimensionnement et les caractéristiques du dispositif de traitement avant infiltration et du dispositif d’infiltration à mettre en place ;

- les mesures visant à limiter les risques pour la population et les dispositions à prévoir pour contrôler la qualité des effluents traités.

Cette étude est soumise à l’avis de l’hydrogéologue agréé.

Le traitement doit tenir compte de l’aptitude des sols à l’infiltration des eaux traitées et les dispositifs mis en oeuvre doivent assurer la permanence de l’infiltration des effluents et de leur évacuation par le sol.

Ces dispositifs d’infiltration doivent être clôturés ; toutefois, dans le cas des stations d’épuration d’une capacité de traitement inférieure à 30 kg/j de DBO5, une dérogation à cette obligation peut être approuvée lors de l’envoi du récépissé, si une justification technique est présentée dans le document d’incidence.

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Messages

  • La raison pour laquelle les dash 8 n’ont pas été envoyés à la réunion après le départ du feu est très simple : 1 dash était en maintenance et en configuration bombardier d’eau, c’est à dire avec sa soute à eau montée, le deuxième était en version passagers et n’avait donc pas sa soute à eau et surtout était d’alerte à 3Heures et ceci 24H/24H pour le G20.
    Une fois la maintenance du 1er dash 8 terminé celui-ci a été mis en configuration passagers pour pallier à toute défection du premier en alerte pour le G20.
    C’est la seule pression médiatique et politique qui a entrainé la mise en configuration des 2 dash en bombardier d’eau et leur envoi à la réunion , mais malheureusement trop tard, du moins pour l’importance du feu et un gâchis financier qu’il est très difficile d’évaluer.


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