Donner une seconde vie aux déchets

Production d’électricité : le pari de la méthanisation

14 octobre 2006

Parmi les possibilités de traitement des déchets, la méthanisation permet en particulier de fabriquer de l’électricité à partir du bio-gaz issu de la décomposition des résidus ultimes stockés dans des centres spécialisés.

Incinération ou méthanisation pour obtenir de l’énergie à partir des déchets ? À La Réunion, un procédé s’apparentant à la méthanisation est déjà en œuvre : il s’agit de la production d’électricité à partir du bio-gaz recueilli suite à la décomposition des déchets enfouis dans les centres de Sainte-Suzanne et de la Rivière Saint-Étienne. La méthanisation permet de produire davantage d’énergie à partir de la même quantité de résidus.
Le Plan départemental d’élimination des déchets ménagers actuellement en vigueur se donne pour objectif de limiter à 15% la masse des déchets ultimes destinés à l’enfouissement. Il vise à valoriser sous forme énergétique 42% des détritus collectés à La Réunion, et 43% en recyclage ou réemploi.
Au-delà de ces chiffres, le contexte environnemental et énergétique pousse à explorer les alternatives aux énergies d’origine fossile comme le pétrole. Une des pistes est de transformer des déchets en énergie afin, par exemple, de produire de l’électricité. D’où l’intérêt de la valorisation énergétique.
Dans le Plan départemental qui s’applique à ce jour, 2 préconisations pour ce point : l’incinération et la méthanisation.

Risque zéro pour l’incinération ?

Au sujet du premier procédé, ce mode de traitement de déchets est en débat depuis plusieurs années à La Réunion. Chacun a encore en mémoire la mobilisation contre l’implantation d’un incinérateur près du temple de Bois Rouge à Saint-André. Quant au projet d’installation d’un tel équipement dans le Sud, il cristallise de nombreuses oppositions. Car parmi les arguments avancés par ceux qui militent contre l’incinérateur, le risque sanitaire est mis en avant.
En effet, la combustion peut provoquer des réactions chimiques ayant pour résultat la production de substances nocives pour l’environnement, et pour l’être humain en particulier, estiment les opposants à l’incinération qui citent le cas de la dioxine, une molécule hautement cancérigène qui peut polluer pendant de nombreuses années une vaste région.
L’autre possibilité, la méthanisation est un autre mode de valorisation énergétique. L’avantage est que la substance rejetée dans l’air, le bio-gaz partiellement composé de méthane, est plus respectueuse de l’environnement que la dioxine par exemple, à une réserve près : le méthane est un gaz (formule CH4) ayant un effet de serre plus important que le CO2. D’où la nécessité de maîtriser la méthanisation qui peut être une énergie propre, renouvelable, pour produire de l’électricité.
"La différence entre bio-gaz de décharge et bio-gaz de méthanisation réside dans les conditions de leur production", explique un rapport publié le 28 juin dernier par l’Assemblée nationale, "dans le cadre de la méthanisation, les déchets organiques sont très abondants et l’opération est conduite dans des digesteurs, enceintes confinées à l’intérieur desquelles les réactions de fermentation sont optimisées et contrôlées pendant une à trois semaines. Il s’agit en quelque sorte d’accélérer le processus de fossilisation, qui dure normalement des millions d’années".

Accélérer une réaction chimique naturelle

Ce procédé peut s’effectuer en 3 étapes. Tout d’abord un pré-traitement des déchets pour favoriser la réaction de méthanisation. Ensuite, le stockage dans des alvéoles pouvant contenir entre 20.000 et 100.000 tonnes de déchets qui sont le lieu de la réaction chimique. Ce sont les “bio-réacteurs” selon la formule de Ikos Environnement, entreprise intervenant dans la filière “méthanisation”. Selon le procédé d’Ikos Environnement, "après 5 années de maturation accélérée et de dégazage contrôlé, les déchets ne produisent plus ni bio-gaz, ni lixiviats. L’optimisation du processus de dégradation de la matière organique conduit à une production de bio-gaz supérieure à celle d’un centre d’enfouissement technique classique".
Le bio-gaz extrait pendant ces 5 années est composé à 55% de méthane, source d’énergie renouvelable. La valorisation du bio-gaz par cogénération (1) produit en particulier de l’électricité. La décomposition annuelle de 100.000 tonnes de déchets suivant la technique d’Ikos Environnement peut suffire à couvrir la consommation annuelle de 2.000 familles.
Les déchets ultimes de la méthanisation ne sont pas tous condamnés à être enterrés. Il est possible d’en extraire une partie appelée matrice terreuse, qui peut ensuite être réemployée comme remblai dans le BTP.
Et au-delà de l’électricité, le bio-gaz est aussi un carburant pour les véhicules automobiles.
Moins médiatisée que l’incinération et de par sa nature plus respectueuse de l’environnement, la méthanisation est un procédé de production d’énergie à partir des déchets qui répond davantage aux besoins d’un pays qui s’engage sur la voie du développement durable.

M.M.

(1) Cogénération : procédé consistant à produire à la fois de l’électricité et de la chaleur à partir d’une source d’énergie unique.


Le bio-gaz à La Réunion

Les Réunionnais connaissent déjà un mode de valorisation ayant des points communs avec la méthanisation, il s’agit de la production de bio-gaz dans les centres d’enfouissement techniques de la Rivière Saint-Étienne et de Sainte-Suzanne. Le centre de Sainte-Suzanne réceptionne l’ensemble des déchets ultimes de 2 Communautés d’agglomérations, la CINOR et la CIREST, qui représentent une population de 280.000 habitants. En 2005, 189.000 tonnes de résidus ont été enfouies dans des alvéoles étanches. Ces milliers de tonnes de déchets ultimes stockés dans un espace sans oxygène se décomposent. Cette réaction produit un gaz appelé bio-gaz qui est récupéré par des puits de captage. Ce bio-gaz contient notamment du méthane, il est brûlé dans des micro-turbines qui produisent de l’électricité. Pour le moment, le site est équipé de 2 turbines de 30 kW chacune, et la STAR, entreprise exploitant le centre d’enfouissement technique, note que "le gisement de bio-gaz du site permettra à terme de produire 1,2 MWc", autrement dit de fournir de l’électricité pour 2.000 familles.
L’électricité produite est ensuite revendue à EDF qui la distribue aux usagers réunionnais à travers son réseau.


Le bio-gaz en chiffres

Du bio-gaz composé à 60% de méthane, qui offre diverses possibilités de valorisation énergétique (production de chaleur, d’électricité, transport du bio-gaz vers un utilisateur proche...).
Une unité de méthanisation qui traite 15.000 tonnes/an de déchets permet (déduction faite des autoconsommations) :

- de couvrir la consommation d’environ 100 bennes à ordure ou de 60 bus urbains ;

- d’assurer le chauffage de 700 maisons ou l’eau chaude sanitaire de 3.500 maisons ;

- d’assurer l’électricité spécifique de 1.300 logements, plus l’eau chaude pour 2.000 autres.


Bio-gaz : De 50 à 80 euros la tonne traitée

L’investissement nécessaire à la réalisation d’une unité de méthanisation de bio-déchets est de l’ordre de 15 millions d’euros, et de l’ordre de 40 millions d’euros pour une unité mixte de bio-déchets/déchets résiduels. En tenant compte de la filière dans son ensemble (gestion des refus, des eaux et des sous-produits) et selon les scénarii extrêmes, le coût d’investissement varie de 40 à 75 millions d’euros et le coût de traitement global de 50 à 80 euros/tonnes.


8 bus carburent au bio-gaz

148.000 litres de gazole économisés par an

La production de gaz naturel pour véhicules à partir de bio-gaz de méthanisation : le pari lillois.

En 1990, la Communauté urbaine de Lille a choisi de valoriser, sous forme de carburant, le bio-gaz excédentaire de l’une de ses stations d’épuration (Lille-lez-Marquette).
Avant ce projet, 80% des 15.000 m3 de bio-gaz produit chaque jour par la station d’épuration étaient utilisés pour alimenter la station en circuit fermé, sous forme d’électricité et de chaleur, le surplus étant brûlé en torchère. Afin de ne pas gaspiller les 3.000 m3 restants, les autorités ont décidé de les épurer afin d’obtenir 1.200 m3 de bio-gaz carburant par jour. Fin 1998, 8 autobus utilisant ce carburant circulaient dans la métropole lilloise, ce qui représentait une économie de 148.000 litres de gazole par an.
La petite unité pilote de la station de Lille-lez-Marquette a été arrêtée fin 2004 et doit être remplacée par un équipement plus performant, permettant d’alimenter une dizaine de bus par jour. Par ailleurs, un nouveau Centre de valorisation organique (CVO), en cours de construction à Sequedin, doit être opérationnel au printemps 2007.
Ce centre, unique en Europe par sa taille, devrait traiter 108.000 tonnes de déchets par an. Par comparaison, le plus gros centre, actuellement en Allemagne, recueille 50.000 tonnes. Lille disposera à terme de plus de 400 bus urbains au gaz, dont 100 seront alimentés par du biogaz-carburant, le reste par du gaz naturel fossile. La communauté urbaine réfléchit également à généraliser la méthanisation des boues d’épuration des grosses stations, ce qui permettrait d’augmenter encore les quantités de biogaz-carburant produit.

(Source : Energies renouvelables et développement local : l’intelligence territoriale en action. Rapport d’information déposé à l’Assemblée nationale le 28 juin 2006)


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