Le Président de l’Association Emmaüs aux Journées du Développement durable

« Protéger l’environnement, c’est protéger les plus faibles »

22 février 2007

Martin Hirsch, Président de l’Association Emmaüs, était présent hier, aux côtés de Dominique Voynet, aux 3èmes Rencontres du Développement durable. Il est venu “tordre le cou” à une idée reçue longtemps admise : la protection de l’environnement est une préoccupation secondaire, une préoccupation de riches qui n’aidera pas les plus pauvres à mieux vivre. C’est oublier que lorsque l’environnement se dégrade, ce sont les plus pauvres qui subissent les effets, et que le préserver, c’est offrir des chances d’insertion aux plus démunis. L’Abbé Pierre l’avait déjà compris.

D’un côté, Martin Hirsch, Président de l’Association Emmaüs, qui défend les plus pauvres, et donc la dignité humaine, de l’autre, Dominique Voynet, candidate des Verts à la présidentielle, qui fait de la protection de l’environnement une priorité. Le lien entre ces deux personnages ? Tous deux sont d’accord pour affirmer que la protection de l’environnement est une priorité et que « protéger l’environnement, c’est protéger les plus faibles ». Martin Hirsch invite à ouvrir les yeux sur le fonctionnement actuel de la société. « Quand l’environnement se dégrade, ce sont les pauvres les premières victimes, lorsque l’alimentation se dégrade, ce sont toujours les plus pauvres qui subissent », soulignant ainsi la réalité d’une société où une fracture est en train de se créer entre les classes sociales aisées et les défavorisées. « Les écarts se creusent entre les catégories sociales », a-t-il ajouté, puisque les progrès visibles dans la technologie, la médecine, bref, dans tous les domaines, témoignent de ces écarts. « L’espérance de vie d’un sans-abri en France est évaluée à 45 ans, soit, souligne Martin Hirsch, l’équivalent d’un des pays les plus pauvres comme la Sierra Léone, alors qu’en moyenne, 1 Français a une espérance de vie de 75 ans ». Certes, plusieurs facteurs sont en cause, mais les problèmes liés à l’environnement y ont leur part de responsabilité.

Il y a quelques années, la protection de l’environnement était considérée comme un secteur peu porteur pour les entreprises. Or, les métiers liés à l’environnement, comme la récupération, ont toujours aidé les plus pauvres à s’en sortir. L’Association Emmaüs est un pionnier en la matière. Dans les années 1950, « ces métiers n’étaient pas assez nobles pour les entreprises. Emmaüs a eu cette intuition que pour les laissés pour compte, il y avait une brèche dans la société qui les excluait. C’est le miracle originel d’Emmaüs », rappelle Martin Hirsch. Les activités liées à l’environnement ont permis aux démunis de vivre d’un emploi et non de l’assistance. Aujourd’hui encore (et peut-être plus que jamais), l’environnement peut contribuer au développement économique et social, « car c’est une source de profits potentielle », pour ne citer par exemple que le traitement des déchets électriques et électrotechniques. L’environnement, une source de développement social, à condition aussi que les entreprises, qui ont maintenant accès à des mécanismes de financement pour ce secteur porteur, ne s’approprient pas tous les profits. Il faut que ce développement économique se fasse au service de l’emploi, de l’intégration, de la lutte contre l’exclusion, non seulement dans les pays du Nord mais aussi du Sud. « Nous ne sommes pas dans des mécanismes qui opposent le Nord et le Sud (...). L’année dernière, nous avons fait travailler 3.000 personnes en grande difficulté, en collectant les déchets, puis, nous avons envoyé ces déchets au Burkina Faso pour être recyclés », cite en exemple Martin Hirsch. L’enjeu du développement social doit aussi passer par un changement de vision de l’être humain. « On ne doit plus accepter de faire vivre les moins performants de la société avec les miettes », a déclaré le Président d’Emmaüs. « Des mécanismes permettent de combiner les allocations et les revenus. Nous avons expérimenté ces propositions en collaboration avec les érémistes dans plusieurs départements. Ce qui évite, pour ces personnes, de choisir entre la peste ou le choléra, c’est-à-dire le RMI et le travail précaire ». Pour le Président d’Emmaüs, la société française a besoin d’une vraie politique de lutte contre la pauvreté, une politique qui n’exclut pas et qui s’attaque aux causes de la pauvreté. Une mise en garde, celle de ne pas croire que le problème de la pauvreté peut se résoudre dans l’immédiat. « Si l’Abbé Pierre n’a pas réussi à gagner ce combat, avec son énergie, son intuition pendant 55 ans de sa vie, ceux qui disent pouvoir éradiquer la pauvreté tout de suite racontent des crasses ».

E.P.


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus