L’affichage publicitaire - 4 -

Publicité extérieure : Une agression visuelle, mais aussi une attaque à notre environnement

4 septembre 2006

Pour clore cette série de papiers sur l’affiche, après avoir abordé l’historique de ce média, après avoir effleuré l’emprise de la publicité sur nos comportements, nous allons aborder la réalité de l’affichage publicitaire à La Réunion, la non-application de la loi et la pollution visuelle engendrées par une gestion anarchique du parc de panneaux publicitaires. Tout cela résulte du laxisme de l’État quant à l’application de la loi n° 79-1150 du 29 décembre 1979.
Ce problème récurrent n’est pas nouveau, un de nos confrères l’a dénoncé à maintes reprises, mais aussitôt les articles parus le soufflet retombe et une chape de plomb s’abat sur le dossier.

Tolérance zéro

Alors même que les orientations actuelles du gouvernement veulent que soit appliquée la tolérance zéro aux délinquants, est-il admissible que le Code de l’Environnement soit ainsi transgressé ? Notre paysage, notre environnement sont blessés par une pollution visuelle à grande échelle, la majeure partie des zones touristiques est recouverte de panneaux publicitaires tous aussi disparates les uns que les autres. Aucune commune n’est épargnée, mais il est vrai qu’au palmarès de l’enlaidissement des paysages, c’est la côte ouest qui arrive largement en tête. Pourquoi les services de l’État doivent-ils être à la pointe de la lutte pour l’application de la loi ? C’est qu’il est du ressort la DDE et de la Préfecture de la faire appliquer en l’absence d’une réglementation locale et comme je l’ai déjà mentionné lors d’un précèdent papier, le Préfet de par l’article L. 581-27 et L. 581-32 du Code de l’environnement, est tenu de faire appliquer la loi dès que les infractions lui sont signalées. Alors à quoi est dû ce laxisme ? La loi sur la publicité extérieure n’est pas appliquée, c’est une évidence. À qui profite le crime ? Le but n’est pas de montrer du doigt les responsables, mais que les mesures soient prises pour ne pas faire de notre île un vaste champ de panneaux !

Plages, Cocotiers et publicité

La ville de Saint-Paul compte désormais plus de panneaux publicitaires que de cocotiers. La station balnéaire de Saint-Gilles n’est pas épargnée par cette pollution visuelle, le bourg ressemble à une véritable forêt de panneaux publicitaires. La station balnéaire de l’Hermitage, alors qu’il est spécifié dans la loi qu’aucune publicité ne peut être apposée hors des agglomérations (Les limites des agglomérations sont signifiées par les panneaux d’entrée et de sortie de ville) est aussi concernée avec l’installation de nombreux dispositifs publicitaires.
La traversée et la plage de la Saline les Bains ne sont pas ménagées. En infraction totale avec le Code de l’Environnement, des panneaux publicitaires sont installés en bordure de plage. Les hauts de Saint-Paul, commune réputée parmi les plus grandes de France, sont également concernés par ce phénomène. À croire qu’aucun responsable de l’État ne met les pieds dans la montagne saint-pauloise. Dans leur logique, les sociétés d’affichages poursuivent leur tour de l’île et Saint-Leu vient tout de suite après Saint-Paul dans ce triste inventaire des souillures faites à notre environnement. Dès l’entrée de cette ville, c’est la montagne qui est blessée par des verrues publicitaires. À peine la déviation de cette agglomération mise en service que déjà les panneaux fleurissaient sur le bord de celle-ci. Il ne faudrait pas croire que le reste de notre département soit épargné mais la liste des manquements au code de l’environnement est tellement longue qu’il serait fastidieux de l’énumérer.

Économie et affichage publicitaire

L’existence de panneaux publicitaires est-elle dommageable au point qu’il faille interdire complètement ce média ? Bien sûr que non, tel n’est pas le but de cette série d’articles, car ce média a toute sa place dans l’information du consommateur, de plus il contribue à la bonne santé économique de notre département. Mais pour autant doit-on laisser faire tout et n’importe quoi ? Pour exemple, l’ensemble des villes qui composent l’agglomération toulousaine a réussi, ceci en collaboration avec les sociétés d’affichages, à diminuer de manière significative le nombre de dispositifs publicitaires (3.000) et à rendre cohérentes les zones où la publicité est autorisée. C’est avec la réalisation d’une charte sur la publicité extérieure intercommunale rassemblant le "Grand Toulouse" que cette région a pu diminuer l’agression visuelle. Bien entendu, ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres, mais il faut tout de même savoir (et ceux qui voyagent en métropole ne me contrediront pas) qu’en France métropolitaine, bien que la réglementation soit loin d’être respectée, les paysages sont de loin bien moins dénaturés que ceux de notre île supposée représenter un endroit paradisiaque. Ne peut-on, à La Réunion, alors que la loi le permet, autour de chaque communauté de communes, réaliser une réglementation qui tiendrait compte du caractère environnemental et touristique de notre île ? Pour cela faudrait-il que la volonté politique existe et que les services de l’État qui sont en charge de l’application des lois donnent l’impulsion nécessaire à la réalisation de cette réglementation. Il est vrai que la publicité est aussi une corporation qui emploie pas mal de personnes (Quoique ! le nombre reste bien en deçà des chiffres annoncés), mais pour autant doit-on laisser faire, et les entreprises peuvent-elles faire fi de la loi ? Alors si pour favoriser l’emploi, il faut détruire la planète et tolérer que l’on agresse la nature de façon inconsidérée, de nombreuses industries polluantes comme celles de production de matériaux à base d’Amiante etc.... elles aussi auraient le droit de s’installer sur notre territoire. Tous, nous savons que notre planète est en danger et les élections approchant, chacun des candidats va jouer du couplet écolo. Mais sait-on que l’affichage publicitaire est une profession qui participe à la déforestation de notre planète ? Rien ne justifie que l’on laisse ainsi toute une corporation bafouer la loi, rien ne justifie que les services concernés restent les bras croisés, il en va de notre qualité de vie.

Servitude de vue et enlaidissement paysager

Notre île ayant une vocation touristique, il est indispensable de réunir autour d’une table tous ceux qui sont partie prenante dans cette affaire. Dans toutes les communes de France, il est fait mention de servitude de vue lorsque l’on parle de panneaux publicitaires c’est loin d’être le cas pour La Réunion. La publicité extérieure peut vivre sans pour cela porter atteinte à notre environnement. Un touriste, tout comme un habitant de notre île, doit pouvoir profiter du paysage sans qu’il soit obstrué par des panneaux publicitaires ou toutes autres pollutions visuelles. Notre département n’a pas besoin d’en rajouter, les médias extérieurs à notre île en font bien assez pour dévaloriser la destination Réunion ! Si encore il n’existait rien pour remédier à ce fléau, mais bien au contraire, les services de l’État possèdent les outils, c’est à eux de s’en servir, la balle est dans leur camp. Comme je l’ai déjà spécifié, sur l’ensemble de notre département, seules deux villes ont une réglementation, ce n’est pas pour autant que celle-ci est respectée ! Dans le chef-lieu tout particulièrement, bons nombres de diapositifs publicitaires ne sont pas en conformité. La municipalité de Saint-Denis ne montre pas l’exemple en ayant institué deux zones de publicité élargies à l’entrée Est et Ouest du chef-lieu en dehors des plaques d’entrée et de sortie de ville. Deux panneaux hideux pour que Monsieur Maire une fois par an nous souhaite "bonnes fêtes".
Quant à la pollution visuelle, il n’est qu’à voir tous ces poteaux rouillés, ces affiches qui pendent, tous ces vestiges de panneaux qui ne sont plus utilisés et qui cependant restent en place. Il faut savoir que la municipalité a le pouvoir de faire démonter les panneaux en infraction et ceci aux frais de l’entreprise qui les a posés.

Taxes sur les surfaces publicitaires

Le législateur dans sa grande sagesse a modifié la loi concernant les taxes afférentes aux surfaces publicitaires. Le but de cette modification est de freiner la prolifération des dispositifs d’affichages par le moyen de taxes plus élevées, ainsi, même les panneaux non utilisés sont assujettis à ces taxes. Alors les afficheurs sont-ils si riches que cela, ou bien les taxes appliquées seraient-elles plus basses ?

Alon met la main pou que nout pei lé gaillar !

Pour terminer cette série je serais tenté de dire : Oui, la publicité extérieure doit vivre, oui elle est nécessaire, oui les villes de La Réunion peuvent accueillir du mobilier urbain et des panneaux d’affichages, mais pas n’importe où ni n’importe comment. Il est grand temps que tous nous nous saisissions du problème car le citoyen est également concerné, il est en droit de se poser des questions et de poser des questions. Rien n’interdit à un habitant de notre pays de contrôler si un dispositif que l’on met en place près de chez lui est conforme à la législation. Alon met la main pou que nout pei lé gaillar !

Philippe Tesseron
http://www.espaceblog.fr/teletesseron/


Questions à Monsieur le Préfet Paul-Henry Maccioni

Monsieur le Préfet dans une île réputée pour son attrait touristique, pour ses sites remarquables, est-il normal que nos paysages soient agressés le plus souvent en toute illégalité par l’affichage publicitaire ? Les préfets qui vous ont précédés n’ont à ce jour, pris aucune disposition pour faire appliquer la loi, toute la loi, rien que la loi. Le ferez-vous ?


Témoignages

o Élie Hoarau

Il est à l’origine de la mise en place de la réglementation publicitaire de Saint-Pierre alors qu’il en était le Maire.

Vous avez été le premier à mettre en place une réglementation sur l’affichage publicitaire à Saint-Pierre, votre initiative a fait qu’aujourd’hui seules deux villes dans notre île sont pourvues d’un telle réglementation. Que pensez-vous de l’affichage publicitaire à Saint-Pierre depuis le changement de majorité au Conseil municipal ?

- L’affichage publicitaire à Saint-Pierre depuis le changement de majorité au Conseil municipal a continué à s’étendre dans toute la commune. Ce n’est pas du meilleur effet. Il aurait fallu continuer à travailler la réglementation en concertation avec les professionnels de la pub pour sauvegarder l’environnement. D’autant plus qu’à l’époque, ces derniers étaient ouverts à la discussion et on n’avait eu aucun mal à établir la convention.

Pensez-vous que la réglementation à Saint-Pierre est réellement appliquée et que les panneaux sont tous apposés de façon conforme à la législation ?

- Je pense que la réglementation a été appliquée et les sites que nous avions voulu sauvegarder l’ont été.

Que pensez-vous de l’impact des panneaux publicitaires sur les paysages de l’ensemble de notre île ?

- L’impact des panneaux publicitaires sur les paysages de l’ensemble de notre île est globalement désastreux. Il n’y a pas que les attaques de requins ou le chikungunya qui font de la mauvaise publicité pour La Réunion. Il y a aussi la publicité elle-même si elle est mal présentée. Aussi, il conviendrait, à mon avis, de réunir tous les responsables publicitaires, élus, pouvoirs publics... pour établir une réglementation à l’échelle de toute l’île.

o Michel Tamaya

Il a renforcé la réglementation publicitaire alors qu’il était Maire de Saint-Denis. A ce jour, Saint-Denis et Saint-Pierre sont les deux seules villes de notre département, qui sont en conformité avec la législation sur la publicité extérieure.

Lors de votre mandature, vous avez réactualisé la réglementation sur la publicité extérieure et ainsi fait baisser le nombre de dispositifs publicitaires, notamment sur le front de mer de Saint-Denis. Que pensez-vous de l’affichage publicitaire à Saint-Denis depuis le changement de majorité au Conseil municipal ?

- Lorsque nous avons décidé de réactualiser la réglementation sur la publicité extérieure dans Saint-Denis, nous avions en tête un double défi : celui de faire appliquer la réglementation existante qui n’était pas ou peu appliquée et celui de réduire le nombre de panneaux qui “polluent” le paysage, notamment aux entrées de ville et sur le front de mer.
Force est de constater - malheureusement - que le nombre de panneaux publicitaires qu’ils soient sur le domaine public ou le domaine privé est en nette augmentation. Y compris sur le front de mer !

Pensez-vous que la réglementation dans le chef-lieu est réellement appliquée et que les panneaux son tous apposés de façon conforme à la législation ?

- La réglementation que nous avions adoptée à l’époque (sujet sensible s’il en est, les intérêts financiers des afficheurs incitant généralement à la “prudence”) avait fait l’objet d’âpres négociations. Nous étions, néanmoins arrivés à un consensus.
Aujourd’hui, ce consensus semble brisé. On constate de plus en plus, une dérive du domaine privé au domaine public. La multiplication des panneaux publicitaires aux droits des gitatoires à Saint-Denis est la preuve manifeste du “forcing” des publicitaires. Il faut avoir une volonté forte pour appliquer la réglementation. Manifestement, cette volonté n’existe pas.

Que pensez-vous de l’impact des panneaux publicitaires sur les paysages de l’ensemble de notre île ?

- À La Réunion, peu de villes - à ma connaissance - ont adopté un règlement local sur la publicité. Dommage ! Les afficheurs en ont profité pour entrer dans la brèche. Il s’en suit une profusion de panneaux de toutes sortes et de toutes dimensions. Notamment aux entrées de ville qui - sous prétexte de modernité - enlaidissent le paysage. Il n’est que grand temps que les autorités de tutelle demandent à toutes les villes de La Réunion d’adopter leur règlement local de publicité afin de mettre fin à cette escalade sauvage et de mieux préserver notre environnement. La Réunion ne doit pas devenir le “Las Vegas” de l’Océan Indien !


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Messages

  • le reglement local de st pierre a le merite d ’exister à defaut d’être appliqué.
    A noter toutefois une enorme concession faite aux afficheurs dans la zone de publicite restreinte (ZPR2) :

    En abrogeant la regle dite H/2, la reglementation à legalisé quantité de panneaux autrement illegaux. Le resultat est l’entrée defigurée de st pierre en venant du tampon jusqu’au rond point des casernes


Témoignages - 80e année


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