« Sans eau, pas d’agriculture “compétitive” »

22 mars 2007

Pour les agriculteurs, la question de l’eau passe par des zones irriguées et d’autres qui ne le sont pas. La SAPHIR (SEM pour l’Aménagement du Périmètre hydroagricole réunionnais), exploite les réseaux d’irrigation du Département, et n’hésite pas à tirer la sonnette d’alarme pour les années futures « si rien ne change ». Christian Delvas, Directeur adjoint de la SAPHIR, donne ici son point de vue sur ce qui devrait changer.

Sur environ 50.000 ha voués à l’agriculture dans l’île, près de 10.000 ha sont dans les périmètres irrigués du Sud - 4.800 ha irrigués par le Bras de la Plaine et 3.600 par le Bras de Cilaos - et de l’Est dont les réseaux relèvent de la SAPHIR. Entre 2.000 et 3.000 ha de culture sont nouvellement irrigués dans l’Ouest, zone dont le futur périmètre couvrira environ 7.000 ha. A terme, l’ensemble des surfaces irriguées représenteraient donc 17.000 ha, soit un tiers des surfaces cultivées.
Hors irrigation, les cultures se partagent entre celles qui sont au-dessus de la ligne des 600 mètres et celles qui sont en dessous et qui manquent cruellement d’eau, même à l’Est de l’île, comme en témoigne le secteur de Champ-Borne, « qui mériterait d’être correctement irrigué : c’est pas parce qu’on est à l’Est qu’on n’a pas besoin d’eau », estime Christian Delvas, Directeur adjoint de la SAPHIR. « Si on veut une agriculture compétitive, quelle que soit la culture considérée, il faut l’irrigation ; ce n’est pas seulement donner à boire quand la culture a soif, c’est maîtriser sa croissance, et c’est un vrai outil de pilotage. Surtout quand on veut se positionner à l’export... ».

Au-delà de leur positionnement actuel, les réseaux d’irrigation pourraient recevoir des réserves d’eau provenant d’autres collectes ou réserves, qui pourraient très bien être situées dans les Hauts. C’est du moins une réflexion menée à la SAPHIR : Pourquoi pas une grande réserve d’eau, et pourquoi pas aux Makes ? Déjà, celle des Herbes Blanches, au Tampon (400.000 mètres cubes) joue ce rôle, « avec la particularité de pouvoir se remplir en une journée », ajoute le Directeur adjoint.
Lorsqu’on voit que lors d’un phénomène comme Gamède, il est tombé jusqu’à 2 mètres d’eau en quelques heures, il est manifeste que La Réunion ne manque pas d’eau. Il est non moins évident que, d’une façon générale, nous ne savons pas la retenir. « Il faudrait en effet songer à des réserves d’eau de pluie. Les ressources des rivières et des nappes phréatiques sont utilisées à leur maximum », poursuit Christian Delvas en soulignant qu’un gros travail reste à faire sur la gestion des eaux gravitaires, dont une grande partie retourne à la mer. « Même en prenant en compte les débits réservés et sans remettre en cause l’écosystème des rivières, il y a encore moyen d’en prélever une grande quantité », estime-t-il. Mais comment ? Comment ancrer un grand voile de barrage sur notre “tas de cendres froides” dont l’érosion est permanente ? Comment construire des retenues sur nos pentes sans que des tonnes de galets viennent s’y agglutiner ?
Après les grands chantiers routiers, peut-être faudra-t-il se pencher sérieusement sur les moyens de mieux gérer la ressource en eau, en cherchant par exemple les sites où installer des retenues d’eau de grande capacité.
Pour éviter la surexploitation des nappes phréatiques, dont l’utilisation est « très anarchique » et éviter qu’elles ne deviennent toutes des puits salés dans un futur proche, une idée avancée par le responsable de la SAPHIR est de « mobiliser les moyens nécessaires pour mieux utiliser les eaux de surface ».
« Nous sous-exploitons les eaux superficielles parce qu’on n’a pas mis en place les moyens de les exploiter », poursuit Christian Delvas, selon qui, « il faut le faire, parce qu’on va avoir un problème de quantité ».
« Aujourd’hui, on ne parle que de “qualité de l’eau”. On nous invente des normes de qualité délirantes pour servir les grands groupes de distribution d’eau potable qui, tous, travaillent à mettre au point des procédés de distribution hyper sophistiqués. Mais ça ne suffit pas... Si on ne s’y met pas maintenant, dans 20 ans, on n’aura plus assez d’eau. Il faut faire cohabiter les usages, en travaillant de plus en plus sur la manière de protéger ou d’augmenter les ressources actuelles », ajoute le Directeur adjoint de la SAPHIR, qui ne cache pas que ce point de vue, quoi que plein de bon sens, se heurte vite, dans l’île, à des intérêts puissants.

P. David


Irrigants du Sud

« Cette année, pour la première fois, j’ai vu mon exploitation menacée »

Comme l’ensemble de la population du Sud, les agriculteurs irrigants de Pierrefonds ont souffert des conséquences de l’éboulis du Bras de la Plaine sur l’alimentation en eau.
Jean-Pierre Avril est installé depuis 17 ans sur une exploitation de ce périmètre irrigué, où il fait du maraîchage sous serre et des arbres fruitiers.
Survient l’éboulis du Bras de la Plaine, en fin d’année 2006. « Après, à chaque petite pluie, c’était du chocolat qui sortait des robinets », se souvient-il.
D’où des coupures d’alimentation. « Avec un bon réseau de captage des nappes, l’eau du Bras de la Plaine, impropre à la consommation, aurait pu aller dans les champs », dit l’exploitant qui en garde comme leçon que l’eau est importante pour tous : pour les agriculteurs, pour la sécurité et le bien-être des habitants. « La vraie question est celle de la mobilisation de la ressource pour tous les usages et de sa bonne gestion », dit-il.
Dans le Sud, rappelle cet exploitant, 3 ou 4 sites ont été repérés, pour des puits à équiper... mais qui restent à équiper et qui ne sont pas connectés au réseau de manière à le sécuriser.
Une autre leçon gardée de cet accident est que la ressource en eau « ne doit pas être gérée uniquement à l’échelle d’une commune, mais d’un bassin de population. A La Réunion, ce n’est pas une question de ressource, mais de capacité à retenir l’eau dans les ravines, à réduire les quantités infiltrées ; et c’est aussi une question de capacité de stockage », poursuit l’agriculteur.
Pour lui, comme pour beaucoup, « si on veut donner un espoir à l’agriculture à La Réunion, il faut s’occuper de mieux gérer la ressource en eau ».

P. D


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