Aujourd’hui s’achève, à Paris, une importance Conférence internationale d’épidémiologie et d’exposition environnementales

Science, diversité des populations, veille et précaution

6 septembre 2006

En Europe et en France, la santé environnementale, en particulier pour les populations vulnérables, est devenue un domaine essentiel de la santé publique. La conférence porte sur le thème général : science, diversité des populations, veille et précaution. Cet événement est l’occasion pour la communauté scientifique internationale concernée par l’environnement et la santé publique de réaffirmer leurs engagements et actions dans le champ de la santé environnementale à l’heure où ce thème est désormais une préoccupation majeure.

Dès l’instant où l’Homme a cherché à comprendre rationnellement les causes de la maladie, il n’a cessé d’être confronté à l’ignorance et à l’incertitude. Le développement ininterrompu de nouveaux outils, de nouvelles méthodes, de nouvelles théories ont permis de repousser à chaque fois les limites du savoir. Cependant, la grande diversité des populations - diversité des expositions aux risques environnementaux comme diversité des sensibilités face à ces risques - constitue toujours et encore une source importante d’incertitude. C’est sans doute l’un des plus grands défis posés à la communauté scientifique. Décider quel niveau de protection assurer pour différents groupes de population est une question à la fois scientifique et politique. Des règles de prudence sont souvent adoptées par les scientifiques, de manière plus ou moins explicite, lorsqu’ils procèdent à l’interprétation de leurs données et apprécient l’évidence scientifique. Cette prudence prend aussi d’autres formes au cours du processus de décision, tels que les facteurs dits "d’incertitude" qui sont employés en routine lors de la fixation de "normes" environnementales. Le processus itératif d’élaboration du savoir scientifique, construit sur des allers-retours entre évaluation et décision, est aujourd’hui profondément remis en cause par l’irruption du "principe de précaution". Le changement essentiel réside dans le fait que les échanges habituels - et souvent discrets - entre science et gestion du risque sont sommés de se dérouler dorénavant de manière explicite et transparente pour le grand public. Dans ce nouveau contexte, chaque partie prenante peut interroger les données, la logique scientifique poursuivie et l’équilibre de la décision finale. Ainsi, la pression de l’opinion publique qui s’exerce fortement sur le décideur agit comme par ricochet sur le scientifique.

La conférence commune ISEE/ISEA Paris 2006 est l’occasion pour la communauté scientifique concernée par le futur de notre environnement - notre village, notre planète - et par la santé publique - celles des générations actuelles et à venir - de s’interroger sur la façon dont le "principe de précaution" peut changer sa manière de travailler.

Les thèmes couverts par ce rassemblement sont nombreux. On peut citer : l’enfant et l’environnement (susceptibilité, asthme et allergies, cancer), l’environnement et la veille (risques de facteurs météorologiques, chimiques et micro biologiques), pollution atmosphérique (cancer, reproduction), et la pollution de l’air et l’environnement urbain, les expositions et la gestion des risques, les conséquences des désordres sur la reproduction (fertilité, défauts de naissance), de l’influence des champs magnétiques (EMF, téléphone portable, les rayonnements ionisants), l’impact sur la santé des changements climatiques, les effets sur la santé mentale des conséquences des conflits armées pour les civils, des désastres écologiques et des accidents industriels de travail, les relations entre cancer et environnement, les relations entre eau et santé, l’examen des populations exposées aux pesticides, et le rapport entre une politique de l’environnement et la justice... Que des thèmes fondamentaux pour l’avenir de la planète et de l’Homme.

Cette conférence est organisée par l’AFSSET. La mission de cette agence, placée sous la tutelle de 3 ministères français - Ministère de l’Écologie, Ministère de la Santé, Ministère du Travail - est d’assurer la protection de la santé humaine, avec pour mission de : contribuer à assurer la sécurité sanitaire dans l’ensemble des milieux de vie, incluant le travail ; d’évaluer les risques sanitaires liés à l’environnement général et à l’environnement professionnel ; de coordonner l’expertise en santé environnement et en santé au travail ; de fournir au gouvernement français, par tous moyens, l’expertise et l’appui scientifique et technique nécessaires à l’élaboration et à la mise en œuvre des dispositions législatives et réglementaires ; et enfin d’informer le public et contribuer au débat public.

La conférence rassemble 800 participants. Elle vient à point nommé pour faire le bilan des dernières connaissances scientifiques tant dans le domaine des sciences de l’exposition que dans le domaine de l’épidémiologie environnementale. Le programme scientifique de la conférence a été placé sous l’entière responsabilité des co-présidents de la Conférence, le Professeur Zmirou et le Professeur Jantunen, ainsi que d’un conseil scientifique international composé de 34 personnalités de renommée internationale dans le domaine de la santé environnementale.

Deux sociétés scientifiques importantes se sont jointes dans l’organisation de cet événement : l’ISEE et l’ISEA (Société internationale d’épidémiologie environnementale et la Société internationale d’analyse des expositions.) Ces 2 sociétés internationales de droit américain font références en santé environnementale. Elles se préoccupent particulièrement des questions de pollutions environnementales et de leurs effets sur la santé.

Cet évènement d’envergure réunit de nombreux participants issus des meilleures équipes scientifiques du monde entier. Plus de 1.300 résumés scientifiques et 76 propositions d’exposés représentant plus de 60 pays ont été reçus. Le volume de soumissions reçues montre bien l’intérêt scientifique porté à ce congrès. Sur les 50 thèmes proposés, les thèmes majeurs ressortant - thèmes d’actualité internationale et préoccupations majeures - sont la pollution de l’air (plus de 200 soumissions : 16%) et les enfants et l’environnement (plus de 110 soumissions : 11%).

Pendant ces quelques jours, cette conférence a traité d’une manière fondamentale l’environnement, des façons dont nous le modifions et en quoi ces modifications vont affecter notre santé. D’où l’importance d’une telle manifestation.

A.W.


Santé environnementale chez les enfants

On lira ci-après des extraits de la contribution du Professeur Alfred Spira.

Les opinions publiques, le milieu médical et le milieu de la recherche sont très sensibilisés aux relations entre les modifications de l’environnement et la santé. Ces conséquences sont connues depuis longtemps, mais ce n’est qu’au cours des dernières années que ces préoccupations sont venues sur le devant de la scène. On estime que 10 à 15% du fardeau global de la maladie proviennent des modifications de l’environnement, directement ou indirectement. Ceci explique la forte mobilisation de la communauté scientifique (...).
Il faut savoir que pendant la grossesse et le développement initial, le métabolisme a des caractéristiques particulières, et les expositions sont plus prononcées. Une exposition survenant chez un enfant aura des répercussions dans le temps, et l’on sait qu’il existe des effets intergénérationnels : ainsi, l’exposition à la fumée de tabac pendant la grossesse peut avoir des conséquences sur l’enfant lui-même et ses capacités reproductrices, mais aussi sur la génération suivante, par le biais de modifications du développement de l’appareil reproducteur de l’enfant. La période néonatale est particulièrement importante, parce que l’alimentation artificielle est particulièrement susceptible de contenir des produits de nature à modifier le métabolisme (perturbateurs endocriniens...). Dans son développement, l’enfant est soumis à différentes pollutions : pollution atmosphérique, exposition au plomb et risque de saturnisme (qui est un problème de santé publique à Paris), incidence de l’obésité infantile, qui devrait influer négativement sur l’espérance de vie... Nos modes d’organisation sociale (transports, utilisation des appareils de télécommunications) et nos modes de production (production d’électricité et d’énergies non basées sur des énergies renouvelables) ont par ailleurs un impact. Certes, dans le même temps, l’espérance de vie augmente, tout comme notre niveau de vie. Cependant, des choix sont à opérer.

Professeur Alfred Spira


Effets tardifs des expositions précoces

La problématique des effets tardifs des expositions précoces, ou programmation fœtale de la santé à l’âge adulte, a connu un essor particulier au cours de la période récente. On sait que l’état de santé à l’âge adulte est influencé par des expositions subies à l’âge adulte : amiante, tabac... Mais de plus en plus d’éléments montrent que la santé à l’âge adulte est influencée par les expositions subies dans l’enfance, y compris au cours de la vie utérine, voire avant même la conception. (...)
Un premier exemple porte sur l’effet des pesticides auquel est soumis l’enfant durant la vie intra-utérine : une étude a montré que plus les niveaux de certains pesticides organophosphorés étaient élevés, plus la taille et le poids de l’enfant à la naissance étaient faibles. Le tabac a des effets sur la fertilité et les paramètres spermatiques à l’âge adulte, mais l’influence reste difficile à mettre en évidence. En revanche, une étude a montré que les hommes exposés au tabac dans la vie intra-utérine avaient des paramètres de fertilité altérés.

Docteur Rémy Slama


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