Semaine du développement durable

Un collectif de veille de l’aménagement foncier

3 juin 2006

À la faveur de la Semaine du développement durable, un collectif de partenaires agricoles et environnementaux, unis par la problématique de l’utilisation du foncier, lance une campagne de sensibilisation et d’appel au débat de société dans la perspective du million d’habitants. Son credo - ’avec de la volonté, il y a de la place pour tous’ - sonne comme un appel à la mobilisation générale. Mais...

La campagne de communication qui va très prochainement interpeller les citoyens de tous âges et conditions à la télé, au cinéma et sur des panneaux géants en ville, soulève une problématique essentielle pour l’avenir de La Réunion : quelle maîtrise du foncier veut-on exercer et pour quel développement ? Elle s’inscrit explicitement dans la perspective du million d’habitants (d’ici à 2030 environ), à l’initiative du Département, de la Chambre d’Agriculture, de la Fédération des coopératives agricoles, du Parc national des Hauts, des industriels du sucre, de l’ARTAS (Association réunionnaise pour le développement de la technologie agricole et sucrière) et de Canne progrès.
La croissance démographique et les besoins et contraintes qu’elle génère vont exercer une très forte pression sur les aménageurs, à travers l’utilisation qui sera faite du foncier : comment répondre à la fois aux besoins de l’économie et du tourisme, de l’agriculture, construire les logements, les infrastructures et les équipements publics nécessaires tout en protégeant les zones naturelles ?
À La Réunion, seuls 100.000 hectares - sur les 250.000 ha émergés - sont dédiés à l’activité humaine.
L’opinion du collectif est que, au-delà de ce qui peut passer pour une équation insoluble, ces différentes contraintes peuvent être conciliables "si et seulement si on construit la ville autrement et on ne gaspille pas les terres agricoles". C’est le cœur du message que le collectif veut faire passer auprès de l’opinion : On peut faire autrement et opter pour le développement durable, à condition de corriger les erreurs faites les années passées.
La part de mea culpa la plus assumée est venue des industriels du sucre. Ce ne sont pourtant pas eux qui ont construit "les villes à la campagne" ces dix ou quinze dernières années. Mais ils ont compris que, la part relative de la canne à sucre ayant tendance à refluer dans l’économie de l’île, tout en gardant un poids conséquent, un repli de chacun sur son “pré carré” ne permet pas de dégager une "vision partagée" du développement et de l’avenir de l’île. Jean-François Moser, pour les industriels du sucre, a parlé du "devoir d’être en prise directe avec des enjeux qui nous dépassent tous, en interface avec toutes les autres utilisations du territoire, qu’elles soient urbaines ou autres. Si on s’ignore, on compromet gravement la gestion de l’équilibre des territoires de La Réunion".
L’essentiel est donc d’avoir une bonne visibilité d’ensemble et de se parler. C’est ce que recherche la campagne de communication de ce “lobby vert”, à partir de deux messages forts : "Avec de la volonté, il y a de la place pour tous" et "la canne, nout péi". Pendant 8 à 10 jours à compter du 25 mai, un spot télé viendra interpeller chacun par son message et son rythme “décalé”. Il y aura aussi 200 grands panneaux (4x3) à partir du 31 mai et un habillage des cachalots pendant la prochaine coupe. Un total de 80.000 euros réunis à plusieurs, pour dire que "nous n’avons plus le droit à l’erreur" et que, malgré les obstacles, la plus grande erreur serait de croire qu’il n’est pas possible de parvenir à s’entendre.

Pascale David


Intérêt général et enjeux privés

Il est évident que cette campagne de communication est d’abord faite pour affirmer les besoins de la filière agricole et cannière, en protégeant les 50.000 hectares dédiés à l’agriculture. Tous les participants à cette campagne sont liés entre eux par la “multifonctionnalité” de la culture de la canne à sucre et par l’équilibre qu’elle instaure entre activités agricoles et protection de l’environnement.
De plus, un savant dosage d’acteurs publics et privés permet au collectif d’échapper à la critique de ne constituer qu’un lobby d’intérêts privés. Et c’est sans doute là qu’il est très fort... En affirmant non seulement la solidarité des acteurs de la filière, mais aussi celle de la filière canne avec l’ensemble de la filière agricole et de l’environnement qui la porte. "Si la canne meurt, l’élevage est mort", estime le représentant des coopératives agricoles dans le collectif.
Le paradoxe de cette invitation à une concertation générale est qu’elle réserve la part du lion à un secteur qui reconnaît son reflux relatif dans l’ensemble de l’activité économique de l’île. Et ce, au motif que les autres secteurs d’activité ont des besoins en foncier bien moindres : de 500 à 1.000 ha maximum, sur les vingt prochaines années, pour l’industrie ou les services. Mais la vraie difficulté est de pouvoir effectivement mobiliser ces espaces, même réduits. De même, l’opinion publique la plus commune est peut-être encore très éloignée de la nécessité de densifier l’espace urbain.
Une chose est d’assurer la visibilité du monde agricole. Une autre est de garantir la cohésion des arbitrages.

P. D.


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