La Gestion Intégrée des Zones Côtières (GIZC)

Un historique de la situation à La Réunion

17 février 2007

En préambule, des troisièmes journées réunionnaises du développement durable organisées par le Conseil Régional les 22 et 23 février à Saint-Denis, nous présentons aujourd’hui la GIZC qui constitue le thème principal de la deuxième de ces journées. Nous avons interrogé Gilbert David, Chargé de recherches à l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) sur le campus du Moufia à ce sujet.

Quelle est la réalité du linéaire récifal à La Réunion ?

- L’île compte 25 kilomètres de rivage récifal , soit environ 12% du total des côtes de La Réunion. L’écosystème est morcelé en quatre entités : Saint-Gilles/La Saline (la plus vaste), Saint-Leu, l’Étang-Salé, Saint-Pierre.

Quelle est l’histoire de la prise en compte des récifs dans l’île ?

- En schématisant, on pourrait dire qu’il y a eu trois phases.
Premièrement, jusqu’en 1970, l’agriculture a été la principale activité utilisatrice du récif, via le prélèvement de coraux pour la chaux.
Deuxièmement, après l’arrêt de cette exploitation en 1969, le récif est devenu un espace vivrier (pour la pêche). Peu à peu, il s’est transformé en espace de loisirs (chasse sous-marine, plage, surf, activités nautiques) au fur et à mesure que le littoral s’urbanisait et que le réseau routier se développait.
La troisième phase est une accélération de la tendance observée au cours de la décennie 1970. Au début des années 1980, le développement touristique de la côte ouest apparaît comme porteur d’avenir. Cependant, c’est aussi à ce moment-là que les premières études scientifiques montrent des signes alarmants de dégradation de l’écosystème corallien. Les augmentations de la fréquentation du récif et surtout de l’urbanisation sur le littoral et les bassins versants en amont en sont la cause. En 1982, le livre blanc de l’environnement est l’occasion pour les scientifiques de faire passer leur message auprès des pouvoirs publics et de la société civile.
La création d’un laboratoire d’écologie marine à l’université de La Réunion (ECOMAR) constitue une étape importante pour la connaissance du milieu récifal. Désormais des études régulières sont entreprises permettant de suivre l’état de santé du “lagon”. Nouvel acteur de la société civile, les Organisations Non Gouvernementales (ONG) se sont faites les porte-voix des experts et ont contribué à sensibiliser le public sur la fragilité du milieu récifal et sur la nécessité d’assurer sa protection via une réserve naturelle.
En décembre 1991, le colloque “Protection des lagons” qu’organisent le Conseil Régional et la sous-Préfecture de Saint-Paul permet à l’ensemble des acteurs du littoral de prendre connaissance des dangers qui menacent les récifs de La Réunion. En outre, au cours de cette occasion, des solutions sont avancées pour réduire ces menaces. Celles-ci débouchent sur une décision : créer une aire marine protégée englobant les 25 kilomètres de littoral corallien de l’île. Ce choix se concrétise en 1997 par la création de l’association du Parc Marin de La Réunion (APMR).

En 1995, un Programme Régional Environnement (PRE-COI/UE) a été conclu pour cinq ans entre les cinq pays de la Commission de l’Océan Indien (les Comores, Madagascar, Maurice, La Réunion, les Seychelles). D’un budget de 13 millions d’euros financé par la COI et l’Union européenne, il avait pour objet la GIZC comme moyen d’intégration régional. Quel bilan en faites-vous ?
- Plutôt positif même si le programme a échoué dans sa volonté d’harmoniser les politiques nationales en matières de GIZC. Prenons l’exemple de la chasse sous-marine. Celle-ci est interdite aux Seychelles et à Maurice mais autorisée aux Comores, à Madagascar et à La Réunion. Comment espérer trouver un consensus sur l’arrêt de cette activité ? C’est impossible. En revanche le PRE-COI /UE a réussi sur d’autres tableaux. Beaucoup de connaissances sur les récifs de la région, leur intérêt économique pour la pêche et le tourisme et les menaces dont ils sont l’objet ont été acquises et partagées entre les différents partenaires du programme. De nombreuses formations ont été assurées et, en ce domaine, La Réunion a joué un rôle essentiel. L’importance des aires marines protégées comme laboratoire de la gestion intégrée des zones côtières a été mise en avant. Au final une dynamique a été initiée, et le réseau des aires marines protégées que la COI met actuellement en place avec le financement de l’AFD (Agence Française de Développement) est directement issu des réflexions initiées dans le cadre du PRE-COI/UE. Pour La Réunion, le bilan est largement positif. Les équipes réunionnaises (ARVAM et ECOMAR) se sont vite imposées comme chef de file régional de plusieurs thématiques (suivi de l’état de santé des récifs, écotoxicologie et cartographie). Ainsi l’ARVAM a réalisé un atlas des récifs de l’île de Mahé aux Seychelles qui a ensuite donné lieu à un guide méthodologique édité par l’UNESCO et à d’autres atlas. Avec une telle enseigne on peut affirmer aujourd’hui que c’est à La Réunion que se trouvent les meilleurs experts français en cartographie des récifs. C’est également le PRE-COI/UE qui est à l’origine du colloque international sur la GIZC qui s’est tenu à St Leu en 1999 et de la mobilisation qui s’est faite à La Réunion au début des années 2000 dans le cadre de l’IFRECOR (Initiative Française pour les RÉcifs CORalliens). Sans le Programme Régional Environnement de la COI, je ne pense pas que la GIZC serait à La Réunion ce qu’elle est.

Qu’est-ce que VALSECOR ?

- Le nom signifie Valeurs socio-économiques des récifs de l’île de La Réunion. Ce projet IRD a débuté en août 2001. Il est financé par l’État représenté par la Direction (DIREN) et par l’Union européenne via le Fonds Européen pour le DÉveloppement des Régions (FEDER). Il est le fruit d’un double constat : a) le manque de connaissances sur les rapports hommes/écosystèmes coralliens ; b) le peu de recherches effectuées sur les biens et services qu’assurent le récif. Si on veut protéger l’environnement récifal, il faut prendre conscience que celui-ci a de la valeur ou plutôt des valeurs (économiques, sociales, culturelles). C’est la première fois qu’une étude de ce type est effectuée dans un DOM. Les résultats ont été rassemblés sous la forme d’un DVD, disponible gratuitement à l’IRD de La Réunion.

Pourriez-vous nous en dire plus sur le projet Aide à la Gestion Intégrée des Littoraux (AGIL) ?
- Il s’agit d’un projet de deux ans lancé en 2003 par le Ministère de la Recherche et coordonné par l’IRD. L’objectif consiste à proposer une offre française globale et opérationnelle en matière de télédétection satellitaire en appui à la GIZC. A cette fin a été créé un consortium réunissant 4 organismes de recherche publique : le Bureau de Recherche Géologique Minière (BRGM), le CIRAD (Centre de coopération Internationale pour la Recherche Agronomique pour le Développement), l’Ifremer (l’Institut français pour l’exploitation de la mer) et l’IRD, et deux entreprises privées : BRL ingénierie et Scot Conseils. Le Languedoc-Roussillon a été choisi comme terrain d’étude en zone tempérée, La Réunion l’étant pour la zone tropicale. Les travaux se sont focalisés sur les bassins versants de la Saline l’Hermitage et sur le littoral récifal adjacent. Nous nous sommes interrogés sur deux points principaux.
a) Les relations existant entre les activités agricoles et l’urbanisation des bassins versants d’une part et la dégradation des récifs d’autre part,
b) Le rôle que la télédétection satellitaire peut jouer dans la compréhension des dynamiques en jeu et la prise de conscience des opérateurs économiques comme des pouvoirs publics sur les relations “bassins versants /littoral” et sur la nécessité d’associer à la mise en place de la réserve marine une gestion intégrée des bassins versants en amont. Comme pour le programme VALSECOR, un DVD présentant l’ensemble des résultats du programme AGIL vient de sortir. Il est produit par le B2C3I, réseau d’organismes de recherche publique regroupant le BRGM (B), le CIRAD et le CEMAGREF (2C), l’Ifremer, l’INRA et l’IRD (3I).


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus