Incinérateurs de déchets : enfants malformés et cancer - 2 -

Une nuisance scientifiquement démontrée

26 janvier 2007

Dans la deuxième partie de son étude, Pierre-Emmanuel Neurohr explique notamment comment des substances chimiques très toxiques rejetées par un incinérateur contaminent ensuite la chaîne alimentaire.

La décharge finale que crée un incinérateur est en train de lire ce document. Car si les polluants qui sortent de la cheminée sont dispersés sur de vastes surfaces, le phénomène de bioaccumulation se charge de les reconcentrer.
Ainsi, une molécule de dioxine qui sort de l’incinérateur se dépose sur l’herbe, est absorbée par une vache, et se retrouve dans votre assiette, à l’intérieur d’un fromage par exemple.
L’industrie de l’incinération utilise donc vos graisses pour y stocker les résidus cancérigènes de ses usines, vous transformant lentement mais sûrement en décharge sur pattes. Mais ces messieurs-dames n’hésiteront pas une seconde à vous traiter de mauvais citoyen, de “Nimby” (Not In My Backyard, Pas dans mon jardin), si vous avez l’outrecuidance de refuser le rôle enthousiasmant qu’ils ont choisi pour vous.
Et ils savent pertinemment ce qu’ils font. L’industrie s’amuse régulièrement à réaliser des campagnes de mesures sur ses fumées. De manière tout à fait officielle, elle y trouve des substances que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a classées dans les polluants étant cancérigènes pour l’être humain, telles que certains métaux lourds et la dioxine (6).

Empoisonnement et malformations

D’un point de vue logique, on pourrait craindre que le fait d’envoyer dans le voisinage des substances cancérigènes... provoque l’apparition de cancers chez les voisins. Comme on pouvait s’y attendre, la science confirme cette crainte. Une étude épidémiologique réalisée par la faculté de médecine de Besançon sur l’incinérateur de la ville conclut que « le risque de développer un lymphome malin non-Hodgkinien est 2,3 fois plus élevé pour les individus résidant dans la zone la plus exposée aux retombées de dioxines que pour ceux habitant la zone la moins exposée [...] » (7).
D’autres études réalisées à l’étranger confirment ces résultats (8). Mais même lorsqu’on habite loin de tout incinérateur, notre santé est en danger, puisque la population générale est contaminée par les dioxines à 90% via l’alimentation. Le Comité de prévention et de précaution, organisme dépendant du ministère de l’Ecologie, a estimé qu’entre 1.800 et 5.200 personnes meurent en France chaque année d’un cancer provoqué par la dioxine (9). Or les incinérateurs sont l’une des principales sources de pollution par les dioxines.
Non seulement les incinérateurs tuent par cancer mais, de plus, les mesures officielles montrent qu’ils éparpillent autour d’eux des substances tératogènes (qui provoquent des malformations à la naissance). Là encore, la science confirme les craintes. Une étude réalisée par l’Institut national de santé et de recherche médicale sur les 70 incinérateurs de la région Rhône-Alpes conclut que « globalement, des risques significatifs pour les populations exposées sont observés pour deux types de malformations : les anomalies chromosomiques et les autres malformations majeures » (10). D’où corrélation géographique.
De plus, « pour l’ensemble des malformations congénitales [...], une différence d’incidence nettement significative est observée avec un risque plus élevé pour les populations exposées après le démarrage de l’incinérateur qu’avant ». D’où corrélation temporelle. Enfin, l’étude trouve autour des incinérateurs un « risque élevé et significatif [...] pour les fentes orales, les dysplasies rénales, les mégacôlons et les anomalies urinaires ». D’où corrélation entre les polluants qui sortent et les maladies qui apparaissent.

Preuve scientifique

Le croisement de ces trois corrélations exclut le hasard comme explication rationnelle et constitue ce qu’il est convenu d’appeler une preuve scientifique.
D’autres études, menées à l’étranger, confirment ces résultats (11). Confrontée à ces chiffres, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) estima que « le lien de cause à effet [...] ne peut être établi de façon catégorique » et que « le mode de vie » pourrait expliquer en partie la concentration d’enfants malformés autour des incinérateurs (12). Et la couleur du papier peint des victimes, non ? C’est ainsi que plus de 150 incinérateurs en tout genre continuent d’empoisonner des femmes enceintes. Ils font pénétrer dans leurs corps des substances tératogènes qui atteignent le foetus pour provoquer des malformations.

(à suivre)

(6) Cela fait depuis février 1997 que l’OMS a classé la dioxine comme cancérigène avéré pour l’homme, mais il se trouve encore des fantaisistes pour affirmer que l’on ne sait pas si elle peut provoquer le cancer.
(7) Émissions de dioxines par l’usine d’incinération d’ordures ménagères de Besançon et risque de lymphome malin non-hodgkinien, Viel et al, Epidemiology, 2003, p. 2.
(8) Cancers chez l’enfant, lieux de naissance, incinérateurs et décharges, E. Knox, International Journal of Epidemiology, juin 2000.
(9) Recommandation dioxines, Comité de prévention et de précaution, 1998, p. 10.
(10) Risques de malformations congénitales autour des incinérateurs d’ordures ménagères, Inserm, 2002, p. 1 et 39.
(11) Grossesses autour d’incinérateurs et de crématoires aboutissant à des enfants malformés, T. Dummer, Journal of Epidemiology and Community Health, 2003.
(12) Étude de l’Inserm, interprétations et conclusions de l’Ademe, Philippe Bajeat, Ademe, mai 2003, p. 2 et 3.


Amende

Les incinérateurs ne sont pas la solution au problème des déchets, ils sont le problème.
Celui d’Issy-les- Moulineaux, dans les Hauts-de- Seine, coûtera officiellement 554 millions d’euros, plus de 3 milliards de F (13). Comment rembourser cet investissement ? Le principe est le même partout. A Lunel, dans l’Hérault, le contrat prévoyait que les communes « s’engagent à apporter à l’unité de traitement-valorisation la totalité des déchets ménagers et assimilés (au minimum 80 000 tonnes annuelles) ». Et si jamais les communes avaient produit moins de déchets, elles devaient en « assumer les conséquences financières », à savoir payer une amende à l’incinérateur.


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