Rencontres internationales du développement territorial

Une réflexion fondée sur l’ouverture, les solidarités territoriales et l’excellence

3 décembre 2007

Du 25 novembre au 1er décembre se sont tenues à La Réunion, à l’initiative de la SR21, société régionale d’Aménagement du territoire, les “Rencontres internationales du développement territorial”. Sur le thème “quelle ville pour quelle vie à La Réunion”, des acteurs réunionnais et un panel de dix experts internationaux ont jeté les bases d’une réflexion réunionnaise anticipant l’urbanisation à prévoir si nous voulons accueillir dignement un million d’habitants sur un petit territoire contraint.

Les Réunionnais - et principalement les jeunes - sont-ils mentalement préparés à vivre l’avancée de l’urbanisation qui s’est installée, de façon plus ou moins pensée, plus ou moins organisée, depuis une vingtaine d’années, dans une île jusque là essentiellement rurale ?
Devant l’évidence mondiale d’une montée de l’urbanisation, les aménageurs du territoire, à La Réunion, ont la responsabilité d’anticiper sur les contraintes découlant de l’exiguïté du territoire, dans un contexte social marqué dans le même temps par plusieurs défis : environnemental, démographique, économique et social. « Les conséquences actuelles et prévisibles du développement urbain spectaculaire que connaît La Réunion, comme les autres îles de l’Océan Indien, imposent une réflexion renouvelée pour définir et conduire une politique d’aménagement adaptée », soutiennent les responsables de la SR21 dans la présentation du séminaire tenu la semaine dernière.
C’est le rôle de la SR21, créée dans la continuité de la SEMADER des années 80, de poser ces problématiques, en lien avec une politique cohérente de transport public articulée autour du projet de tram-train. C’est ce qui a motivé l’adhésion de la SR21, en juillet dernier, à l’Association internationale de développement urbain (INTA), un réseau associatif de professionnels du développement urbain du monde entier. Dans ce cadre, un panel de onze experts internationaux, essentiellement européens et asiatiques, a été invité à confronter ses expériences aux compétences locales en ce domaine. Leurs échanges apportent une perspective internationale à des solutions réunionnaises partie prenante de nos problématiques de développement urbain spécifique.

Sortir du « pas de chance avec la ville »

Cette adhésion et les échanges d’informations qu’elle va permettre de construire représente un saut qualitatif important dans une île qui a cumulé jusqu’à présent une série de « pas de chance avec la ville » selon le mot de Philippe Serizier, économiste de l’aménagement du territoire et animateur du PR2D (Plan réunionnais de développement durable) à la SR21 que préside Pierre Vergès.
« Pour diverses raisons liées à son histoire, il n’est pas encore ancré dans les esprits que La Réunion va aller vers la ville. Du temps de la Colonie, La Réunion a été laissée pour compte et n’a pas bénéficié de ce qui s’est fait d’intéressant en matière d’urbanisme, à Tananarive notamment. Et après 1946, on a surtout pensé équipement, plus qu’aménagement... Jusqu’à l’apparition de la Semader, qui a été le premier acteur public à comprendre qu’il fallait d’abord travailler avec des urbanistes et que les architectes ne pouvaient venir qu’en seconde ligne » expose-t-il.
Dans le contexte réunionnais, territoire insulaire de 2.512 km2 (en expansion volcanique aléatoire), la problématique d’aménagement est d’accueillir un million d’habitants d’ici 2025-2030. Le Séminaire qui s’est conclu samedi avait pour question centrale « Comment organiser le territoire au profit du développement global réunionnais ? » et il a été articulé fondamentalement autour des trois axes majeurs que sont 1/ le projet de tram-train et la route littorale, comme grands équipements ; 2/ le Plan réunionnais de développement durable et 3/ le schéma d’aménagement régional.

Penser un “modèle urbain réunionnais”

Le séminaire a eu pour thème central “la ville à La Réunion”, en posant pour principe qu’elle ne peut être qu’un projet partagé. Ses deux principaux objectifs étaient 1/ d’associer un maximum de partenaires et d’acteurs compétents pour réfléchir à « quelle ville pour quelle vie à La Réunion ? » ; 2/de faire émerger un “modèle urbain réunionnais” éclairé par différents exemples de réalisations dans le monde. Dans le panel invité, il y avait - entre autres experts internationaux - un Japonais, grand prix d’urbanisme du Japon ; un Indonésien spécialiste de la planification territoriale dans l’archipel et un Singapourien, principal aménageur d’une station touristique intégrée (23.000 ha) de qualité, dans l’île de Bintan. Le regard de ces invités sur notre île et les conclusions qu’ils ont livrées lors de la matinée du samedi 1er décembre sont du plus haut intérêt pour la suite des réflexions. La présence de spécialistes malgaches et mauriciens a notamment permis au panel d’élargir sa réflexion à la zone Océan Indien, dans une prise de conscience de l’importance d’une “mise en réseau” international. Mais aussi, le débat a fait apparaître les efforts qu’il reste à faire pour associer à cette réflexion le plus grand nombre d’acteurs réunionnais, dans la recherche d’une transition la moins chaotique possible entre la société rurale d’hier et la société urbaine de demain (voir encadré).
Durant le Séminaire, une attention spéciale a été portée à la zone de Cambaie (Saint-Paul), à titre d’illustration des questions qui peuvent se poser dans une zone charnière de deux grands projets structurants du territoire : la route des Tamarins et le tram-train.
Il faut encore noter que, dans son déroulement, le séminaire a fait place dans les premiers jours à un grand nombre de consultations des acteurs réunionnais : les experts invités par l’INTA ont effectué dans les trois ou quatre premiers jours une trentaine d’entretiens - qui ont eu lieu à l’Agorah - avec des acteurs économiques, sociaux, culturels, politiques, institutionnels - soit environ 60 personnes. Ensuite, pendant deux jours, le panel constitué par l’INTA pour La Réunion - à savoir quinze spécialistes dont quatre travaillant à demeure à La Réunion (SR21, SAR, Agorah et Chambre d’Agriculture) - a animé six tables rondes permettant de décliner divers thèmes (voir-ci-dessous).
La réunion de samedi matin a constitué le rendu public des conclusions des tables rondes, en présence de nombreux acteurs économiques et politiques réunis dans l’arène de la pyramide inversée. Il ne s’agissait pas d’un diagnostic, encore moins de “recettes” mais plusieurs conseils d’organisation ont été avancés et d’autres vont suivre pour continuer le travail et permettre, au final, aux Réunionnais de “dessiner les villes de demain”.

P. David


Débat

Un modèle réunionnais en gestation

Samedi matin, la rencontre organisée à la Région avait pour objet une mise en commun des conclusions des tables rondes tenues sur deux jours à l’Université et un débat, dans lequel les membres du panel de l’INTA ont dialogué avec les acteurs économiques, culturels et politiques de La Réunion.
Deux des six tables rondes avaient pour thème “quelle ville pour quelle vie dans quelles îles : risques et chances dans l’environnement compétitif de l’Océan Indien”, avec notamment la participation d’invités de Maurice, des Seychelles et de Madagascar. Un troisième atelier portait sur “l’accroissement du fait urbain dans l’océan Indien, phénomène subi ou maîtrisé ?”. Un autre a porté sur “les outils partenariaux de maîtrise du projet de territoire et de l’aménagement urbain”. Un cinquième était centré sur “les infrastructures de transport : comment peuvent-elles contribuer à la maîtrise d’un aménagement durable ?” et la dernière table ronde a mis en avant l’importance de la coopération entre acteurs comme “condition et garantie de la cohérence du développement”.
Organisant la confrontation entre les suggestions des acteurs réunionnais et les exemples extérieurs apportés par les invités, les tables rondes ont servi à formuler des propositions qui ont ensuite été mises dans le débat public avec les acteurs réunionnais.
De ce débat, il est ressorti notamment que la marque de la société rurale était encore très présente et qu’il faudrait déployer beaucoup d’expertise et de dialogue pour faire émerger les formes des villes futures. Les questions de la densité urbaine ont été souvent abordées, soit comme repoussoirs, soit comme point critique, à l’image de ce qu’a suggéré le Secrétaire général de l’INTA, Michel Sudarskis, invitant à « ne pas rester immobile, puisque le monde rural, avec sa densité, ne pourra pas accueillir le million d’habitants » et à « ne pas diaboliser les îles qui connaissent actuellement des pôles de développement remarquables, comme Singapour ou Dubaï ». “Ne pas diaboliser” signifiant, dans son intervention, accepter de prendre comme objet d’étude, pour en tirer les lignes de force.
Alain Rouillard, du cabinet Voliges (qui a réalisé pour la SR21 une étude préliminaire sur la maîtrise d’ouvrage territoriale) a souligné l’erreur qu’il y aurait à « opposer culture urbaine et culture rurale » ; « la question posée est celle de la mise en relation des deux mondes », a-t-il dit en invitant à observer plusieurs expériences d’agriculture périurbaine, dans de nombreux pays européens. L’Indonésien Pingki Elka Pangestu a noté, au cours du survol en hélicoptère, la faiblesse de l’éco tourisme dans notre île et a insisté sur « la nécessité de mettre le “cœur vert” en lien avec les autres éléments, les villes ; c’est une question de réseaux, de maillage », a-t-il dit. Le Japonais Kei Minohara a lui aussi évoqué le survol en hélicoptère et en est resté « terrifié par le contraste entre des espaces vides et des espaces habités, un peu comme au Japon ».
Au final, les débats ont beaucoup tourné autour des mesures à prendre pour préserver les éléments de qualité de vie “à la créole” - en s’appuyant sur des facteurs sociétaux tel que le multiculturalisme - pour les projeter dans un modèle réunionnais futur, à inventer ou à préfigurer de façon à permettre à nos enfants de l’inventer.

P. D.


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