La principale leçon à tirer des dégâts de Gamède

Unir les Réunionnais pour faire face aux effets du réchauffement climatique

27 février 2007

Les dégâts du cyclone Gamède, qui est passé à plus de 200 km de La Réunion, ont révélé à beaucoup de Réunionnais et confirmé aux autres la fragilité de notre île et de ses infrastructures devant ce genre de phénomène. Lorsqu’ils voient la gravité du bilan de ce cyclone, ils sont encore davantage convaincus que le plus important est d’en débattre entre Réunionnais et de nous rassembler autour des mesures à prendre nous-mêmes et de celles à obtenir de l’État. C’est le seul moyen de nous préserver des dégâts engendrés par les prochains phénomènes climatiques extrêmes qui vont frapper notre île à une cadence accélérée.

Toutes les données scientifiques le confirment : le réchauffement du climat sur la planète va se traduire dans notre région par la multiplication et l’intensification de phénomènes climatiques extrêmes, comme les sécheresses et les cyclones. Sans oublier la montée des eaux de l’océan, la mort des coraux, la destruction de la biodiversité, l’émergence de nouvelles maladies etc. Ces phénomènes vont avoir des conséquences négatives énormes sur nos paysages, sur la vie de la faune et de la flore et sur notre vie quotidienne.
En ce qui concerne en particulier les atteintes à l’environnement, on peut citer l’aggravation de l’érosion des sols, les glissements de terrains, la destruction des plages, la remise en cause de nos ressources en eau, les inondations. Mais également tous les dégâts des eaux et des vents sur les constructions, sur les équipements routiers, sur les différents réseaux (adduction d’eau, d’électricité, liaisons téléphoniques fixes...).

Des exemples concrets

Compte tenu du fait que notre population va passer de 800.000 à 1 million d’habitants dans les 25 ans à venir, tous ces problèmes seront encore beaucoup plus compliqués à résoudre qu’aujourd’hui. Et plus coûteux, si l’on ne fait rien.
Il faudra donc tout changer en termes d’aménagement du territoire, de politique de l’habitat et de la construction, de l’équipement et des déplacements par rapport à ce qui s’est fait jusqu’à présent. Sinon les catastrophes seront terribles.
Prenons quelques exemples concrets pour illustrer ces changements indispensables.

1) Il faudra tout faire pour sauver notre filière canne, qui reste dangereusement menacée après la fin de la compensation de la diminution du prix du sucre de 39% après 2013 ; en effet, en dehors de ses aspects économiques et sociaux, la culture de la canne joue un rôle environnemental très important, notamment dans la protection des sols face à l’érosion. Cela signifie également qu’il faudra adapter notre agriculture afin de préserver nos terres agricoles.

2) Après l’effondrement d’une cage d’escalier dans un immeuble de la SHLMR à La Petite Ile, comment allons-nous construire ou rénover 10.000 logements par an pendant 20 ans, en sachant qu’il faudra adapter l’architecture et les matériaux de construction aux changements climatiques, et donner à l’habitat une haute qualité environnementale, sécurisée, peu consommatrice d’énergie ?
Rappelons-nous en effet que l’on construit actuellement seulement la moitié des logements dont nous avons besoin et que des dizaines de milliers de personnes mal logées sont déjà en attente d’un habitat décent.

3) Où allons-nous construire ces 200.000 nouveaux logements sans aggraver l’étalement des villes, sans aggraver le mitage des terres agricoles, sans mettre ces logements en danger sur des terrains menacés par des glissements ou des éboulis ?

4) Comment allons-nous sécuriser les réseaux d’alimentation en eau, d’électricité et de liaisons téléphoniques afin de limiter les coupures en cas de cyclone ?

5) Comment allons-nous sauver nos barrières de corail par un service performant d’assainissement des eaux usées, alors que les collectivités n’ont pas les moyens de financer ces travaux ?

6) Comment allons-nous sécuriser les quartiers bordant les ravines quand on sait que sur un total de 500 rivières à La Réunion, une seule est endiguée ?

7) Après la destruction du pont aval de la rivière Saint-Étienne, va-t-on dorénavant améliorer et sécuriser davantage la construction des ouvrages d’art et des routes ? Va-t-on - comme Paul Vergès l’a déjà proposé - prolonger la route des Tamarins jusqu’aux Lianes (Saint-Joseph) et jusque dans les Hauts de Saint-Benoît afin de sécuriser les liaisons routières à moyenne altitude et d’aller vers un aménagement équilibré du territoire ?

8) En dehors du tram-train, qu’il faudra bien sûr étendre de Saint-Paul à Saint-Joseph et de Sainte-Marie à Saint-Benoît, va-t-on développer les autres transports collectifs afin de ne plus faire dépendre les déplacements des Réunionnais du tout-automobile ? En effet, celui-ci nous conduit dans une impasse (300.000 voitures aujourd’hui, 500.000 dans dix ans si l’on continue les importations au même rythme qu’aujourd’hui) et ce système est source de nombreux problèmes (coût pour les automobilistes et pour les aménageurs, embouteillages, gaspillage de terrains, pollution de l’air et de l’espace, obésité...).

Identité et responsabilité

On pourrait citer d’autres exemples en matière de mesures importantes à prendre et de défis à relever face aux effets du réchauffement climatique. Cela fait partie du “Plan climat régional Réunion” annoncé jeudi dernier par le président de la Région.
Mais à toutes ces actions d’envergure, s’ajoute encore bien évidemment la mise en œuvre d’une politique de l’emploi totalement nouvelle, afin de répondre aux besoins des 150.000 personnes supplémentaires qui seront en âge de travailler dans les 25 ans à venir (soit une augmentation de 50% de la population active).
Il faudrait également parler des changements à apporter dans la politique de la formation (comment développer un pays qui compte plus de 120.000 illettrés ?), la politique des revenus et des prix, la politique des services publics, la construction d’une cohésion sociale etc.
Sans oublier une politique culturelle dynamique afin de renforcer l’identité réunionnaise au moment où nous entrons dans l’ère de la responsabilité des Réunionnais dans la réalisation d’un développement durable.

C’est cela le plus important

Les moyens à mettre en œuvre pour atteindre ces objectifs et répondre aux besoins des Réunionnais sont beaucoup plus élevés que ceux des régions métropolitaines équivalentes en termes de population. Au nom du principe d’égalité collective au sein de la République, il faudra donc se mobiliser afin que l’État, quelle que soit la couleur politique affichée par le gouvernement en place, accorde ces moyens à La Réunion. Si l’on veut que cette mobilisation réussisse, il faut unir le maximum de Réunionnais autour de ces objectifs.
Comme l’a dit Paul Vergès la semaine dernière aux 3èmes Rencontres réunionnaises du développement durable, c’est cela la priorité. C’est cela le plus important. C’est cela qui doit être notre première préoccupation. C’est ainsi que nous nous comporterons en citoyens réunionnais responsables. Tout le reste, qui met en transe une partie de la classe politique à La Réunion sur des étiquettes importées et sur des carrières personnelles, est secondaire.

L. B.


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus