Va-t-on vers une pénurie du foncier économique disponible ?

9 mai 2008

Mercredi 7 mai 2008, Gilles Poupard, Chargé d’études en économie et aménagement du territoire, et Philippe Jean-Pierre, Directeur de l’AGORAH, ont présenté les résultats de l’étude faite sur l’évolution de l’occupation des ZA en 2007 dans les nouveaux locaux de l’Agence pour l’Observation de la Réunion, l’Aménagement et l’Habitat.

L’agence a développé, depuis 2003, nombre d’études portant sur les locaux et terrains disponibles pour les entreprises, les zones d’activités et les locaux, les besoins des entreprises et les projets de zones d’activités et d’immobilier d’entreprises.

La Réunion se trouve dans un contexte particulier. Une pénurie du foncier économique disponible et aménagé qui ne cesse de se creuser constitue un frein au développement et aux créations d’entreprises locales générant ainsi plus de chômage. Malgré une forte croissance, les besoins en foncier augmentent de jour en jour et sont estimés entre 500 et 700 ha de ZA d’ici à 2020.

7 ha de foncier économique disponibles

Si une entreprise veut s’installer à La Réunion avec un besoin de plus de 7 ha, elle devra aller voir ailleurs. Pour l’instant, La Réunion ne dispose, en effet, que de 7 malheureux hectares immédiatement disponibles. Cela signifie, en clair, que sur 470 ha à vocation économique figurant dans les PLU, à peine 1% est utilisable tout de suite. Pourquoi une telle disproportion quand on constate une forte croissance de l’emploi salarié privé ? Cette croissance est de l’ordre de plus de 30.000 emplois entre 2000 et 2006, dépassant ainsi celle de zones d’emploi de taille comparable (Orléans, Angers... : entre 4000 et 8000 emplois salariés sur la période) ou supérieure (Rennes, Grenoble : entre 11.000 et 17.000 emplois supplémentaires). Le secteur le plus porteur reste la construction, suivie du commerce de détail. Cependant, il convient de nuancer cette croissance. Même si le nombre d’emplois augmente, cette augmentation est encore trop faible par rapport aux autres zones comparables. Le manque de foncier est un frein au développement et aux créations d’entreprises locales, ce qui ne va pas réduire le taux de chômage déjà estimé à 29%.
On constate un besoin en ZA de l’ordre de 500 à 700 ha dans les 10 prochaines années. Pour l’instant, l’offre en ZA n’arrive pas à satisfaire la demande. Beaucoup de terrains sont en friche ou en projet, paralysant ainsi les entreprises qui souhaitent s’installer. La part de financement public reste trop limitée à la réalisation de locaux et de bureaux. Des aides publiques concentrées sur la mise en place de ZA aideraient à réduire le coût des parcelles. La localisation de plus en plus prégnante du secteur tertiaire et commercial dans les ZA fait augmenter le prix du m2. Il faut savoir qu’il n’y a pas de prix spécifique à tel ou tel secteur. Ainsi, le coût d’aménagement hors foncier s’échelonne de 45 à 65 euros par m2 à La Réunion contre 25 à 45 euros en métropole. De même, le prix de commercialisation varie de 80 à 150 euros le m2 dans notre île contre 30 à 35 euros en métropole. Selon l’étude réalisée, ces coûts élevés s’expliquent par trois paramètres :

- un écart de coût du foncier brut ;

- le fonctionnement local du marché miné par la pénurie de terrains aménagés et la pression exercée par le secteur commercial possédant plus de moyens que le secteur productif et l’artisanat ;

- le manque de financement public alloué aux zones d’activités.

Manque de financement public

La livraison de nouvelles ZA devrait créer des emplois mais ce n’est pas suffisant. Sur 27 projets recensés fin 2005 et devant être livrés pour fin 2008, 15 ont été livrés ou sont en cours de réalisation. Les 12 projets restants n’ont pu aboutir pour différentes raisons : phase d’élaboration du projet plus longue que prévu, difficulté à trouver un emplacement, absence de financement publique ou encore suspension (abandon ?) pure et simple du projet. Il y a donc un laps de temps plus ou moins long entre l’élaboration du projet et le début des travaux, ce qui finalement met l’accent sur l’urgence à mettre en place de nouveaux projets.
Dans une dynamique de réduction du chômage, il faudrait plus de financements publics sur les ZA pour réduire l’écart de coût entre La Réunion et la métropole. Jusqu’à présent, les aides du FEDER (Fonds Européen de Développement Régional) ont été dévouées à la réalisation d’ateliers ou de locaux (31.000 m2) et de bureaux (31.200 m2) avec une forte concentration dans le Nord (54%) et dans l’Ouest (33%). Les financements publics devraient aller en priorité vers la réalisation de ZA si on veut voir une augmentation de l’implantation du secteur de la production et de l’artisanat. Le m2 est cher, il fait partie d’un stock limité et, paradoxalement, trop de terrains à vocation économique demeurent inoccupés. Sur 153 ha inoccupés, 69 ha sont en projet et 84 ha sont en friche. Sur cet espace en friche, 5 ha sont disponibles, 22 ha relèvent de la réserve publique (non commercialisés) et constituent des zones stratégiques (Gillot, Le Port), 16 ha accueillent des bâtiments désaffectés suite à la fermeture d’entreprises et 41 ha sont en sommeil. On parle de foncier en sommeil concernant des parcelles qui ne respectent pas le cahier des charges. Ces parcelles aménagées sur des fonds publics devaient être occupées dans un délai de 2 ans. Ce délai dépassé, la récupération de ces parcelles se révèle une tâche ardue. Il faut noter que 37 ha de ce foncier en sommeil sont inoccupés depuis plus de 3 ans, voire même 10 ans pour certains (sic). Ils sont localisés sur les territoires du Sud et de l’Ouest. Certaines entreprises thésaurisent le foncier, handicapant par là même occasion l’économie entière.

Pression du secteur commercial de plus en plus forte

Depuis 2004, 10 nouvelles zones sont sorties de terre et sont surtout l’œuvre de fonds privés : Canabady-St Pierre (2005), Andropolis-St André (2006), ZI 4-St Pierre (2006). Parmi ces nouvelles zones, 4 ont été livrées en 2007 : Commune Bègue, ZAC OI, Frédeline. Ces nouvelles zones sont dans une grande partie des zones tertiaires et commerciales favorisant de ce fait une élévation des prix. Dès leur livraison, ces ZA sont déjà commercialisées, induisant ainsi une liste d’attente dont on ne connaît pas pour l’heure les modalités. L’offre d’espaces aménagés disponibles est inférieure à la demande et aux besoins de relocalisations, de transferts. Il y a, par ailleurs, une production de petites zones (6 ha en moyenne) qui ne sont pas propices à l’économie d’échelle. Pour être en phase avec la croissance, il faudrait 106 ha supplémentaires soit plus de 4% par an. Il faudrait également des surfaces supplémentaires pour constituer un « stock tampon » c’est-à-dire des surfaces disponibles propres à parer à une éventuelle hausse de la demande. Il existe à ce jour 680 ha en activité couvrant 3 grands ensembles : 409 ha concernent le secteur productif, 143 ha pour le secteur commercial et 87 ha pour les activités tertiaires et autres.

Depuis fin 2004, on assiste à une croissance du secteur productif et du secteur tertiaire : 52% des activités de production sont concentrés sur la TCO et le secteur commercial acquiert de plus en plus de poids dans le Sud. Ces territoires où dominent respectivement la logistique/distribution et la production voient ainsi leur profil se modifier petit à petit. De même, la CINOR, jusque-là plutôt tournée vers la production, connaît un développement du tertiaire de bureau non négligeable (environ 9 ha pour 2005 et 2006).
4 pôles majeurs ressortent de l’étude exécutée par Gilles Poupard :

- Pôle 1 : ZA à proximité du Port (322 ha) ;

- Pôle 2 : Est de St Denis (151 ha) ;

- Pôle 3 : St Pierre Ouest (111 ha) ;

- Pôle 4 : Étang Salé-St Louis (75 ha).
À ces pôles s’ajoutent 4 pôles secondaires (de 19 à 40 ha) où l’on retrouve entre autres St André (Andropolis) avec 23 ha d’espaces commercialisés mais non occupés, St Benoît avec la zone de Bras Fusil et la ZA des Plaines.
D’un point de vue général, la grande majorité des surfaces des ZA est concentrée sur 3 communes : Le Port, St Denis et St Pierre. À ce jour, 38 000 m2 de bureaux sont en cours de réalisation dans le Nord et l’Ouest. 4 ZA sont sur le point d’aboutir : Paniandy sur le territoire de la CIREST, ZI 4 à St Pierre et ZA des Grègues à St Joseph, ZAC Portail à St Leu.
Pour Philippe Jean-Pierre, le problème n’est pas le foncier en soi. Il ne manque pas de foncier à La Réunion pour faire de l’économie. Ce qui pose problème c’est le foncier aménagé. Il existe 470 ha de foncier à vocation économique dans les PLU mais encore faut-il qu’ils soient mis aux normes.

Francine Clavet


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